Dr Lam Nguyen : « Il faut jouer la carte de la transparence et de la pédagogie concernant la situation sanitaire »

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Lors de la dernière séance plénière du CESEC, avant le renouvellement du bureau , son président, Kelly Asin,-Moux, a invité l'épidémiologiste Lam Nguyen à faire un point sur la situation sanitaire. Selon taote Lam : "On ne peut pas demander l'assentiment de la population, si on ne lui explique pas pourquoi on la met à contribution"...

Publié le 11/09/2020 à 15:14 - Mise à jour le 11/09/2020 à 15:44

Lors de la dernière séance plénière du CESEC, avant le renouvellement du bureau , son président, Kelly Asin,-Moux, a invité l'épidémiologiste Lam Nguyen à faire un point sur la situation sanitaire. Selon taote Lam : "On ne peut pas demander l'assentiment de la population, si on ne lui explique pas pourquoi on la met à contribution"...

Une volonté de clarté autour de la situation sanitaire : c’est ce qui a poussé le président du CESEC à organiser une présentation en marge de la dernière séance plénière : « Ça touche tout le monde. Le CESEC, c’est la société civile, et j’ai trouvé important qu’on vienne nous éclairer, et qui mieux qu’un épidémiologiste, tel que le docteur Lam, peut le faire? Il n’y a pas de pistes de décisions, il n’y a pas de lois de Pays qui nous sont présentées sur le sujet! Je pense que c’est important qu’on soit éclairés le plus possible, par un vrai professionnel qui vienne éclairer la société civile, et à travers la société civile, un peu la population ».

Durant plus d’une heure et demie, les questions abondent : « Ce sont des questions auxquelles je suis confronté moi-même, que je trouve légitimes, et pour lesquelles il faut absolument apporter des réponses claires et précises pour que l’on puisse s’accorder, et qu’on avance ensemble, positivement, afin d’essayer de contrôler cette épidémie ».

L’épidémiologiste considère qu’il est nécessaire de bien faire passer les messages. « Quand on demande à quelqu’un de faire quelque chose, et qu’on ne lui en explique pas le pourquoi, ni le comment : comment espérer obtenir son adhésion ? Dans cet exercice qui est difficile, parce que les connaissances changent, la science évolue, ce qu’on a affirmé hier n’est peut-être plus vrai demain : nos mesures, nos préconisations changent. Même ainsi, il faut expliquer aux gens pourquoi. Je crois que la meilleure solution pour éviter l’écueil de la mauvaise compréhension qui risque d’aboutir à une attitude de défiance de la population, ou d’une partie du moins : c’est de jouer la carte de la transparence et de la pédagogie. C’est ce qu’il manque souvent dans la gestion de l’épidémie autour du monde, dans tous les pays. C’est simplement parce-qu’on est face à l’urgence, on pense pas toujours à être pédagogue et on prend des mesures rapides ».

Un point de vue partagé par Lucie Tiffenat, qui siège au collège des salariés :« L’information doit circuler avec transparence, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, il le dit ! Surtout, demander à un peuple de pouvoir adhérer à toutes ces mesures : encore faut-il que les décideurs véhiculent les bonnes informations. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, il faudra qu’on y arrive ! »

Pour Vadim Toumaniantz, du syndicat de la fonction publique, il faut s’appuyer sur les compétences : « Je ne suis pas médecin, il y a des gens dont c’est le métier : est-ce qu’on peut s’appuyer sur ces gens là pour prendre les décisions et avoir une vision claire et cohérente ? C’est à dire posée, explicitée… on a la chance d’avoir une population qui a fait l’effort de suivre les préconisations de notre classe dirigeante, c’est important qu’on ne perde pas la confiance de cette population ».

Il ajoute : « Le contrôle de l’information, le fait de dire à un moment donné : on ne dit pas aux gens parce qu’ils ne sont pas armés pour comprendre, à un moment, ça sape la confiance. Si on souhaite que la population porte le masque, et qu’on n’ait pas des mouvements anti-masques qui se créent, alors qu’il n’y a aucune réalité scientifique derrière : il faut admettre qu’à un moment donné, on a géré la crise comme on a pu. Si à l’époque on avait simplement dit, et je parle même au niveau national : « on n’a plus de stock de masques, parce-qu’on a eu une dépense qu’on ne peut pas assumer, et aujourd’hui, on se retrouve dans le pétrin » : ça aurait été infiniment plus constructif que de dire « le masque est inefficace ». Ou « les gens ne savent pas porter le masque » ».

Plus de 70 cas en une journée : une évolution préoccupante de l’épidémie

La journée de jeudi a été marqué par la confirmation de 74 nouveaux cas : un situation inquiétante, selon l’épidémiologiste. « Si ce chiffre est vrai, il s’agit d’une augmentation très importante qu’on n’a pas observé encore. La question est celle-ci : est-ce qu’on arrive à un point de l’évolution épidémique où la progression va être exponentielle et pas arithmétique? C’est à dire : est-ce qu’on est à un point d’inflexion de la courbe, où il y a une accélération des nouveaux cas ou non? »

« Il me semble qu’on a à peu près une soixantaine de respirateurs. Le danger de cette épidémie, c’est la rapide saturation des services de réanimation. Lorsque tous vos respirateurs sont saturés, si vous avez une capacité inférieure à la demande : que fait-on pour l’excès de demande? Or, si on a besoin d’un respirateur, c’est que l’on est dans un état critique. Si on n’a pas le respirateur : l’issue est fatale. Ce qui est arrivé dans plusieurs pays d’Europe. Ici, nous sommes isolés. En France, on peut compter sur le mécanisme de répartition des patients vers des régions moins touchées, qui sont elles aussi équipées. Mais ici? Si notre capacité est dépassée, on se tourne difficilement vers d’autres structures ».

Quels leviers pour éviter la saturation des services de réanimation ?

Est-il encore possible d’inverser la tendance, ou du moins, de limiter l’expansion du virus? « Je pense qu’il y a encore des choses à faire. C’est pour cela qu’on se mobilise. Déjà, on peut renforcer encore les gestes barrières. Le port du masque de façon beaucoup plus coercitif peut ralentir la diffusion de l’épidémie. Et si le taux de remplissage de la réanimation ne dépasse pas nos capacités : on aura gagné quelque chose. On ne peut pas empêcher l’épidémie de se propager, mais on empêcherait probablement les morts. Toutes les mesures visent à étaler l’épidémie. Si les chiffres d’hier se confirment dans les jours prochains : il faudra passer à une autre étape ».

Plusieurs pistes de réflexion ont été formulées par le médecin, qui conclut : « Ce n’est pas à moi à prendre des décisions, car ce type de décisions prend en compte différents facteurs en plus des paramètres médicaux et épidémiologiques. C’est vraiment un exercice difficile… « 

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