Dans la loi du Pays, il est écrit que le service d’instruction de l’APC est « composé d’agents de l’administration, affectés pour trois ans renouvelables ». En clair, des fonctionnaires territoriaux ou d’Etat ou des personnes non fonctionnaires occupant des emplois publics. Or, selon nos informations, deux agents seulement sur les sept que compte l’APC respectent cette règle ! Un caractère illégal qui peut engendrer de graves conséquences.
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De nombreuses procédures menées par ces agents pourraient se voir frappées de nullité en cas de recours. Selon un expert du droit de la concurrence que nous avons consulté : « Tous les dossiers faisant grief aux entreprises – enquête sur les pratiques anti-concurrentielles, les autorisations de concentrations (achat des Taporo, achats d’hôtels par Frederick Grey…) et les autorisations d’ouverture de surfaces commerciales – pourraient être attaquées.»
La dernière embauche « illégale » en date de l’APC est encore plus sujette à caution : l’agent a été recruté dans le secteur privé, dans une entreprise de télécommunication de Polynésie. En plus d’être donc contraire aux textes, cette recrue risque d’être en conflit d’intérêt sur de nombreux dossiers concernant son ancien secteur.
L’Autorité a tenté de remédier au problème des embauches. Mais d’une manière étonnamment maladroite : dans la rédaction de son règlement intérieur en janvier 2016, l’article 321-01 précise ainsi que l’Autorité peut aussi recruter « dans le privé ». Mais cette disposition est elle-même parfaitement illégale puisque postérieure et contraire à la loi du Pays.
Des affirmations que le président de l’Autorité conteste. Jacques Mérot n’a pas la même lecture des textes et estime que le règlement intérieur vient compléter la loi. Il confesse tout de même que « si cet article de loi a été mal écrit, il faudra le modifier ».
Inégalités salariales. Deuxième point de friction au sein de l’institution : les salaires. Selon que les agents ont été recrutés en métropole ou à Tahiti, les rémunérations sont très différentes. D’après les documents que nous avons pu consulter, pour un poste de rapporteur dans le service d’instruction de l’APC, les salaires des « locaux » plafonnent à environ 350 000 francs net par mois contre plus de 900 000 francs net pour ceux venus de métropole. Alors même que ces personnes occupent exactement les mêmes fonctions.
On peut, de plus, se poser la question d’une telle différence, dans la mesure où les personnes recrutées au fenua ont, a priori, une bien meilleure connaissance du tissu économique local. Jacques Mérot assume et revendique ces inégalités. « Dans une entreprise, quand quelqu’un a plus d’expérience qu’un autre, c’est normal qu’il soit mieux payé. »
Mais dans de telles proportions on peut tout de même poser la question de l’injustice salariale. D’autant que l’APC étant une institution indépendante, elle n’est pas soumise aux règles de sur-indexation des salaires pour les personnes venant de métropole.
Plaintes en cascade. Est-ce que ce sont ces inégalités salariales qui provoquent une ambiance délétère au sein de l’APC ? Toujours est-il que ces derniers mois, plusieurs plaintes ont été déposées.
Une première par une ancienne agente qui a démissionné de l’APC. Elle a déposé plainte contre l’un de ses anciens collègues pour harcèlement moral et réclame le paiement de ses salaires sur le contrat de trois ans qu’elle aurait dû effectuer. La procédure est au tribunal administratif, seule juridiction compétente pour l’APC.
Les mémoires des avocats n’ont pas encore été déposés et l’affaire suit son cours. Parallèlement, le collègue visé par cette procédure a lui-même déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse et une autre pour diffamation auprès du procureur de la République… Pour le président de l’APC, « ces difficultés concernent des agents entre eux et l’institution n’y est pour rien ».