Débats et échanges autour de l’aménagement et du développement durable de Moorea

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Le projet de la zone prioritaire d’aménagement et de développement durable (ZDP) de la commune de Moorea-Maiao faisait l'objet, ce samedi, d’une matinée d’échanges et de dialogues entre les autorités et la population de l’île, à Papetoai. Si le dialogue a bien eu lieu, les habitants présents ont exprimé leur refus de voir leur île transformée par une urbanisation massive…

Publié le 18/12/2021 à 17:48 - Mise à jour le 19/12/2021 à 10:47

Le projet de la zone prioritaire d’aménagement et de développement durable (ZDP) de la commune de Moorea-Maiao faisait l'objet, ce samedi, d’une matinée d’échanges et de dialogues entre les autorités et la population de l’île, à Papetoai. Si le dialogue a bien eu lieu, les habitants présents ont exprimé leur refus de voir leur île transformée par une urbanisation massive…

Redoutant que Moorea ne soit défigurée par des projets surdimensionnés, une partie de la population de l’île sœur a engagé, ce matin, une nouvelle fois le dialogue avec le gouvernement et le conseil municipal. Dialogue autour des grands projets d’aménagements en perspective pour les prochaines années. Une opération transparence, c’est ainsi qu’elle a été présentée par les autorités, mais les forces vives de la population, sur place, s’interrogent, et n’ont pas manqué de le faire savoir. 

« Nous n’avons jamais voulu que Moorea devienne un Papeete bis. »

Maire Bopp Dupont, élue de l’opposition au conseil municipal de Moorea

« Il faut espérer que le vice-président écoute les doléances des habitants de Moorea qui sont venus s’exprimer, se faire entendre. On n’a que sa vision à lui, de comment il voit le développement de Moorea. Et ce n’est pas une vision que tout le monde partage. Et nous, en tant qu’élus de la minorité, on ne partage surtout pas sa méthode de mettre en place un comité qui inclurait des maires délégués et le gouvernement, avec le président du Pays en président, et le vice-président qui en serait le maire. On n’a pas besoin d’un tel comité pour pouvoir travailler en collaboration. Il faut aussi qu’il y ait une indépendance des entités, or, la commune est une entité en elle-même, et elle travaille en partenariat avec le gouvernement, mais elle ne doit surtout pas se faire dominer par lui, car du coup l’avis des gens qui habitent l’île ne prime plus. Or, c’est aux habitants et aux élus qui représentent cette île de pouvoir d’abord exprimer leur besoin et ensuite entendre si le gouvernement peut les accompagner dans leurs besoins » a déclaré Maire Bopp Dupont, élue de l’opposition au conseil municipal de Moorea. En effet la présentation du schéma d’aménagement de Moorea soutient l’idée d’une mise en place d’un comité stratégique de développement de la commune de Moorea. Ce comité sera tri-partite, comprenant la commune, le Pays et les acteurs socio-économiques de Moorea. Cette proposition a été faite devant l’ensemble des parties prenantes réunies ce matin à Papetoai.

L’élue ne cache pas son inquiétude quand au devenir de l’île : « L’inquiétude, c’est quand on vient nous dire qu’il pourrait y avoir ça et ça dans cet espace où il n’y a qu’une vallée, que des arbres… Non. Lorsqu’on va chez quelqu’un, on lui demande d’abord comment il se sent chez lui, s’il se sent heureux. Et ensuite, on lui demande ce qu’on pourrait lui apporter pour améliorer son train de vie, son bien-être. Là, c’est de l’intrusion, et ce n’est pas ce qu’on recherche dans le cadre d’un partenariat avec le pays, et c’est la voie sur laquelle on est en train de nous forcer à aller ».


Pour Maire Bopp Dupont, il n’est pas question que Moorea devienne aussi urbanisée que Papeete : « Nous n’avons jamais voulu que Moorea devienne un Papeete bis. Papeete suffit largement et Papeete a besoin d’aides car ce n’est pas une ville propre. S’il faut parler d’investissements, Papeete a certainement plus besoin de soutien à l’urbanisation que Moorea en a besoin. (…) On a toujours été clair sur la protection de l’environnement, et sur cette envie de pouvoir garder cette beauté authentique que Moorea a. On est sur la même longueur d’ondes avec tout le conseil municipal et les associations. Nous avons besoin d’un gouvernement qui vient nous écouter, pas nous dire comment regarder notre île. Nous avons déjà réfléchi à plein de choses, et nous n’avons pas encore l’opportunité de les exprimer ».

« Je veux que Moorea garde son authenticité, sa beauté, son environnement, sa paix sociale. »

Hinano Murphy, présidente de l’association Te Pu Atiti’a

Même son de cloche du côté de Hinano Murphy, présidente de l’association Te Pu Atiti’a. Bien qu’elle remercie le gouvernement de cette rencontre, elle en attend surtout un dialogue ouvert et surtout sincère : « Nous attendons un dialogue, une transparence, et de pouvoir discuter honnêtement et sincèrement de l’avenir de notre île, par les habitants de cette île. (…) Ce que nous avons ressenti ce matin, c’est que ça a l’apparence de propositions politiques très alléchantes pour nous proposer soudainement des logements accessibles à tous les foyers qui vont payer 10 000 Fcfp par mois pour 5 ans et qui seront propriétaires… On a l’impression qu’on nous noie dans un flot de rêves que nous propose le gouvernement, mais j’espère sincèrement que la voix des habitants de Moorea sera entendue par le gouvernement. (…) Je ne veux pas que Moorea ressemble à Tahiti. Je veux que Moorea garde son authenticité, sa beauté, son environnement, sa paix sociale. (…) Et aujourd’hui, nous ne voulons pas que Moorea devienne un ghetto pour les riches. Et nous voulons participer activement en tant que citoyen au développement de notre île. Nous devons être une force de proposition pour notre commune, notre maire, et non pas être à la merci de propositions qui viennent de l’extérieur. Oui, nous voulons un développement et nous l’attendons, mais qu’il soit en harmonie avec la vie d’une personne de Moorea. »

« Je regrette qu’on reproche au gouvernement des projets qui ne sont pas des projets gouvernementaux »

Jean-Christophe Bouissou, vice-président et ministre de l’Aménagement

Des habitants de Moorea avaient également fait le déplacement ce vendredi, dont Tahnee Tchen : « Je me suis déplacée pour écouter ce qu’ils avaient à dire et voir ce qu’ils montrent au public et ce qui est fait par derrière. J’ai l’impression qu’on nous dit des choses, mais que ce n’est pas vrai. Ma principale préoccupation, c’est qu’on prenne en compte la consultation publique. Il faut que Moorea évolue, mais en prenant compte les avis de la population actuelle, et qu’on reste dans un développement durable. On sait que ces espaces verts, cette beauté, ce calme… c’est ça que les gens recherchent, pas d’autres supermarchés ou hôtels. (…) Il y a une réelle inquiétude aujourd’hui de la part de la population sur l’avenir de leur île : où est-ce que nos enfants vont vivre si nous, déjà, on ne peut pas se payer un logement tellement les prix grimpent ».

Lors de la présentation des projets devant le conseil municipal de Moorea-Maiao la veille, le président du Pays, Edouard Fritch, avait déclaré qu’il était nécessaire de réfléchir sur le modèle de développement de Moorea, afin de créer de l’activité dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, du tourisme, etc. L’objectif étant de créer de l’emploi, et de les accompagner par des formations, en faveur des jeunes de l’île.

Interrogé, Jean-Christophe Bouissou, le vice-président et ministre de l’Aménagement parle de « faux procès » de la population : « C’est juste le travail normal d’un gouvernement de mener une concertation. Ils ne m’ont jamais transmis de courrier de demande de rencontre. (…) Je regrette qu’on reproche au gouvernement des projets qui ne sont pas des projets gouvernementaux. Donc je suis venu parler du schéma d’aménagement, et de la concertation que l’on pourrait mener pour se projeter sur les 5, 10, 15, 20 ans à venir, pour savoir quelle est notre vision du développement de Moorea. Le schéma d’aménagement général est une vision d’ensemble du pays, qui a fait l’objet d’une enquête publique, donc on ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir écouté et rencontré la population. On a rencontré la population dans toutes les communes, et les gens ont pu s’exprimer, donc c’est un faux procès. Il y a besoin de se concerter, de voir comment on peut travailler ensemble, et créer ce développement durable de l’île de Moorea-Maiao avec l’ensemble des acteurs ».

Concernant les grands projets à venir, il réaffirme que le gouvernement n’y est pour rien : « Concernant les grands projets, nous n’y sommes pour rien. Il ne faut pas tout mettre sur le dos du gouvernement. On veut interdire aux investisseurs locaux d’acheter des terrains dans une zone dont le PGA prévoit déjà la construction d’un hôtel. Il faut être logique… C’est la commune de Moorea qui a voté ce PGA. Et qui a voté pour ce maire de Moorea ? C’est bien la population… ».

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