TNTV : Que nous apprend cette enquête sur le profil des consommateurs et des trafiquants d’ice ?
Alice Valiergue, docteure en sociologie : « Ce que cette enquête montre, c’est qu’il est déjà difficile de parler d’un profil type. Il y a des personnes de toutes les catégories sociales, des riches, des pauvres, des personnes qui vont trafiquer ou consommer dans des contextes très divers. Ce qui est sûr c’est que, comme l’enquête l’a montré, et ça a été déjà dit, ce ne sont pas forcément les jeunes qui consomment le plus et qui trafiquent. Et, parmi les personnes qui sont condamnées, et je dis bien condamnées, pour trafic, la majorité sont des personnes qui n’ont pas forcément d’emploi, ne font pas forcément partie de la jet set comme on peut parfois l’entendre. »
Comment devient on trafiquant et pourquoi ?
« Dans l’enquête, ce qui a été possible de mettre en évidence, c’est deux grandes tendances : il y a des personnes qui vont se lancer dans le trafic parce qu’elles ont besoin d’argent, et parfois vraiment besoin d’argent. Et d’autres personnes qui se lancent dans le trafic parce qu’elles sont dépendantes. »
En dehors de sa valeur monétaire, comment expliquer cet attrait pour l’ice ?
« On peut trouver plusieurs types d’explications. En tout cas il y a une piste d’explication qui est importante et qui est liée aux effets qui sont recherchés par les consommateurs mêmes et qui ont pu nous parler de recherche de performance. Ça peut être performance au travail, pour faire la fête, pour être à l’aise, (…) pour pouvoir travailler toute la nuit. »
L’ice est aussi un désinhibiteur ?
« Ça peut être le cas et ça renvoie à la société dans laquelle on vit et où il est attendu d’être à l’aise, de pouvoir travailler de manière performante. Donc c’est un élément. »
Les inégalités sociales, c’est quelque chose qui est totalement absent des débats publics ?
« Effectivement on n’entend pas souvent parler de l’ice sous cet angle en Polynésie française. Et je pense notamment à la manière dont on parle du paka. Souvent on parle du paka parce que ça fait vivre des familles, mais c’est aussi le cas de l’ice. »
Votre travail a montré également que la répression ne suffit pas à faire reculer l’ice.
« C’est un résultat de l’enquête qui n’est pas propre à la Polynésie française. En tout cas, la répression telle qu’elle fonctionne aujourd’hui ne permet pas de ralentir le trafic et ça s’explique en partie quand on s’intéresse aux sorties de prison et certains n’ont pas les moyens d’arrêter le trafic à leur sortie. »
Le rapport est disponible sur le site de la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique, cliquez ICI