Androcur : un médicament sous surveillance

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Publié le 07/09/2018 à 16:15 - Mise à jour le 07/09/2018 à 16:15

Sur la base d’une nouvelle étude, qui chiffre ce risque pour la première fois, les autorités sanitaires françaises vont demander à l’Europe de redéfinir les modalités d’utilisation de l’Androcur et de ses génériques, a annoncé jeudi l’Agence du médicament ANSM.

Rendue publique fin août, l’étude a été réalisée par l’ANSM et l’Assurance maladie.

Elle montre que le risque de méningiome, une tumeur au cerveau le plus souvent bénigne, est « multiplié par 7 pour les femmes traitées par de fortes doses sur une longue période (plus de 6 mois) et par 20 après 5 années de traitement ».

Ce risque lui-même est connu de longue date et figure depuis 2011 sur la notice de ce traitement hormonal, grâce, déjà, à une alerte française.

Il est utilisé pour combattre une pilosité excessive dans des cas particuliers, mais aussi, hors de son autorisation de mise sur le marché (AMM), dans le traitement de l’endométriose.

« On s’attendait à trouver un risque » mais son importance chez des femmes traitées à haute dose et sur de longues durées « nous a surpris », explique à l’AFP l’endocrinologue Jean-Michel Race, de l’ANSM.

« Cela constitue un fait nouveau qu’il faut prendre en compte dans l’évaluation du rapport bénéfice/risque de ce produit », poursuit-il.

Pour autant, les autorités sanitaires ne jugent pas nécessaire de retirer ce médicament du marché. « Il a des bénéfices dans les indications qui sont les siennes », souligne le docteur Race. Elles veulent en revanche « repréciser ces indications » pour éviter les utilisations impropres.

Objectif : « Confirmer qu’il ne faut pas l’utiliser dans les pathologies plus légères (que celles pour lesquelles il est indiqué, ndlr) et définir pour combien de temps et avec quelles posologies maximales » il doit être prescrit, selon le docteur Race.

> Réunion le 1er octobre

Après une première réunion d’un comité d’experts indépendants le 13 juin, une seconde aura lieu le 1er octobre. « On aura alors les grandes lignes en termes d’indication, de durée et de posologie », dit le docteur Race.

Ces données seront transmises au niveau européen « avant la fin de l’année » pour une procédure dont l’issue est espérée en 2019.

L’acétate de cyprotérone, nom générique de l’Androcur, est un médicament qui bloque l’activité des hormones mâles.

Selon le docteur Race, « 89 000 femmes ont fait l’objet d’au moins une prescription en 2017 » en France.

En Europe, il est disponible dans cinq pays : le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la France, qui représente à elle seule 60% du marché.

Dosé à 50 mg, il est indiqué chez la femme dans le traitement de certaines maladies hormonales qui se manifestent par une augmentation du système pileux (hirsutisme). 

Mais il est parfois prescrit dans des cas qui ne correspondent pas au hirsutisme majeur pour lequel il est censé être indiqué.

Outre l’endométriose, « il est parfois prescrit pour des signes d’androgénie petits ou moyens : une pilosité un peu plus importante, une tendance à l’alopécie (perte de cheveux, ndlr), des peaux grasses et acnéiques », détaille le docteur Race.

Chez l’homme, ce médicament est préconisé dans certaines formes de cancer de la prostate. Il est également donné à des personnes transgenres afin de diminuer les hormones mâles.

Enfin, dans son dosage à 100 mg, ce médicament est utilisé dans la prise en charge des agresseurs sexuels afin d’éviter des récidives (« castration chimique »).

Menée avec le service de neurochirurgie de l’hôpital Lariboisière à Paris, l’étude a été réalisée sur 250 000 femmes exposées au médicament, sur la période 2007-2015.

Elle a consisté à comparer celles qui ont reçu de fortes doses (plus de 3 grammes sur 6 mois, soit au moins 3 boîtes, puis poursuite du traitement) à celles faiblement exposées (moins de 3 grammes sur 6 mois, soit une ou deux boîtes, puis arrêt du traitement).

« La sécurité des patientes et le bon usage d’Androcur (…) sont les premières priorités de notre laboratoire », a réagi Bayer, qui fabrique le médicament.

AFP

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