Les larmes ont encore beaucoup coulé, ce vendredi au palais de justice. La bande de l’enregistreur sonore du cockpit a été diffusée dans une ambiance de plomb. Dans la grande salle d’audience, tous les visages se sont soudainement crispés. On y entend le pilote, Michel Santurenne, demander aux passagers d’attacher leurs ceintures. Quelques instants après le décollage, le pilote lâche « Ah putain », puis on distingue le son des moteurs jusqu’au choc final, moins de dix secondes plus tard. Un moment insoutenable pour les proches des victimes dont certains ont préféré quitter la salle.
> Le pilote dans le viseur
L’état de santé du pilote a été au cœur des débats qui ont suivi. Des rapports de médecins experts ont été présentés. Le docteur Beaumont, qui a autopsié le corps a longuement été interrogé. Selon ses conclusions, le cœur du pilote battait au moment de l’impact, écartant ainsi l’hypothèse d’une mort subite en plein vol.
Mais l’autopsie a montré que les artères de Michel Santurenne étaient en partie bouchées.
Pour la défense, qui exclut la rupture du câble de gouverne comme cause du crash, cette pathologie pourrait être à l’origine de l’accident. « Une artère bouchée à 90 % et une autre bouchée à 70 % laissent penser qu’il s’agit d’artères dans un état critique, a lancé Me François Quinquis, l’avocat d’Air Moorea à l’issue de l’audience. Et tous les médecins pensent, y compris le Dr Beaumont, qu’il n’est pas impossible que ce soit compatible avec un malaise vagal ou un malaise hypoglycémique. L’état du pilote était malheureusement un état sévèrement critique, ce qui peut être une explication à ce malheureux accident. »
> Deux interprétations des faits
Du côté des parties civiles, on ne tire pas les mêmes conclusions des rapports des experts. Le raisonnement est même diamétralement opposé. Pour Me Jean-Pierre Bellecave, avocat de nombreux proches de victimes,
« la thèse de la partie adverse consiste à dire qu’il y avait un problème de santé qui a causé la mort, et tout le reste n’est que la conséquence d’un problème préalable de santé de M. Santurenne ».
« Ça ne ressort absolument pas de ce que le médecin légiste a déclaré, s’insurge-t-il.
Il n’y a pas de signe clinique de malaise, tous les experts l’ont exclu. »
Au final, chacun semble entendre ce qu’il veut. Comme pour l’intonation de la voix du pilote enregistrée dans le cockpit juste avant l’impact. Les avocats des prévenus y voient la manifestation d’une « douleur », alors que ceux des proches des victimes, mais aussi le docteur Beaumont, la perçoivent comme une réaction liée à un événement extérieur.
> Nouvel incident d’audience
En début d’après-midi, un nouvel incident est survenu à l’audience. Un médecin cité par la défense devait être entendu, le docteur Fabrice Chouty. Ce cardiologue a produit en 2009, à la demande du GSAC, une attestation qui pointe comme « hautement probable » la thèse de l’accident cardiaque pour le pilote du Twin Otter, se basant sur les éléments des examens pratiqués post-mortem.
Sauf que le Dr Chouty n’est pas là. Le 5 septembre dernier, il a prévenu le tribunal et le parquet qu’il ne viendrait pas car il n’avait pas connaissance des éléments médicaux du dossier et qu’il ne voyait pas quelle aide il pouvait apporter à ce procès. Le président du tribunal s’est étonné de cette contradiction manifeste. L’un des avocats des parties civiles est même allé jusqu’à qualifier de « faux » l’attestation de 2009. Une affirmation contre laquelle Me François Quinquis s’est insurgé sans pour autant pouvoir expliquer le pourquoi du comment.
Le procès reprendra lundi.
Rédaction Web avec Jean-Baptiste Calvas et Sam Teinaore