Affaire Radio Tefana : « C’est un procès d’intention », pour Oscar Temaru

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Publié le 17/06/2019 à 21:14 - Mise à jour le 17/06/2019 à 21:14

Les militants, sympathisants et auditeurs avaient répondu à l’appel du Tavini Huira’atira, ce matin, au tribunal correctionnel de Papeete. Ils étaient près de 300 à s’être déplacés pour soutenir leur leader, et les employés de Radio Tefana, au procès concernant la radio de Faa’a. 

Oscar Temaru devait comparaître pour prise illégale d’intérêt par un élu public. Vito Maamaatuaiahutapu et Heinui Le Caill, ancien et actuel présidents du conseil d’administration de la radio, comparaissaient, eux, pour recel de biens provenant de prise illégale d’intérêts.
« Qu’il y ait une Justice avec un grand « J, » voilà ce que nous voulons, et pourquoi nous sommes là », s’est exclamé le leader indépendantiste en début de journée. 

« Ce public, on l’a tous les jours. Radio Tefana, ce sont 24 000 auditeurs chaque jours. Les sondages le montrent », précise Rahiti Buchin, vice président du conseil d’administration. « Si on se reporte à ces sondages, on a le public le plus stable, le plus fidèle. C’est aussi ce public qui est là, aujourd’hui, pour nous soutenir dans ce procès. On va bien s’en sortir parce-qu’on n’a rien à se reprocher. Ca fait plus de 8 ans que Heinui et moi nous sommes dedans, bénévolement. Tous les actes, toutes les subventions que l’on a touché, les mises à disposition de matériel, c’est juste le retour de toutes les campagnes d’informations, du journal qui passe essentiellement sur les lignes rouges, celles qui coûtent le plus cher car elles font le plus d’auditeurs. Chaque années nos comptes sont validés par un cabinet d’audit puis transmis à la CTC. On n’a rien à se reprocher ». 

Pour les défendre un ténor du barreau en métropole Maître David Koubbi, avocat d’Oscar Temaru avec Maître Jourdainne. Maîtres Antz et Dubois représentent les intérêts de Heinui Le Caill et Vito Maamaatuaiahutapu et Maître Cross ceux de la commune.

13 témoins devaient également être cités par la défense, parmi lesquels : le député Moetai Brotherson ; le vice président du Tavini Tony Geros ; Père Auguste, Richard Tuheiava, et l’indépendantiste calédonien Daniel Goa. 

 

Tony Geros : « J’ai été informé de la manière dont l’enquête a été menée, et surtout la garde à vue, et cela, je peux difficilement l’accepter « .

« Te reo Tefana a démarré au milieu des années 80. Et moi, je veux rappeler quelles étaient les motivations d’Oscar Temaru à ce moment là », explique Tony Geros.  Je suis choqué des chefs d’accusations retenus. On était dans une phase où le contrôle à posteriori n’était pas de mise. Cela a été étendu à la Polynésie en 2012. Nous avons été préparés à partir de 2009. Peut-être que le procureur a été aux ordres et qu’il fait son boulot, point barre. J’ai été informé de la manière dont l’enquête a été menée, et surtout la garde à vue, et cela, je peux difficilement l’accepter « .

Vito Maamaatuaiahutapu :  » Maintenant que cette affaire a atteint le sommet de la planète je pense que ça dérange beaucoup, et qu’il faut donc couper des têtes! »

Parmi les faits reprochés à Oscar Temaru, entendu en tant que personne morale dans cette affaire : la mise à disposition d’agents communaux, de locaux et de matériel de Faa’a, au bénéfice de Radio Tefana, qui a touché plusieurs dizaines de millions de francs de subventions de la commune. 
« Ca fait 35 ans qu’on attend ce procès », indique Vito Maamaatuaiahutapu « Quand je me suis engagé dans ce projet, je me doutais bien qu’à un moment, l’Etat allait nous mettre des bâtons dans les roues. Tant qu’on parlait de l’indépendance dans la cocoteraie, ça marchait, ça ne dérangeait personne. Mais maintenant que cette affaire a atteint le sommet de la planète… aux Nations Unies… là, je pense que ça dérange beaucoup, et qu’il faut donc couper des têtes. 35 ans après, ils découvrent qu’il y a un os ? C’est pas possible !!! « 

 

Heinui Le Caill : « Cette accusation, je la prends un peu comme une blessure et une insulte, aussi »

« Par rapport au chef d’accusation, j’ai été franchement surpris », raconte Heinui Le Caill. « Je suis quelqu’un d’intègre, et j’ai veillé, pendant toute ma présidence, et même en tant que trésorier bien avant l’affaire,  à ce qu’on utilise les fonds publics de manière honnête, et pour ceux à quoi ils étaient destinés. Et cette accusation, je la prends un peu comme une blessure et une insulte, aussi. On a toujours été très attentifs à l’utilisation des fonds publics. Les subventions que la commune nous transfère, cela correspond aux émissions qu’on fait pour la commune, etc, etc. J’ai le sentiment que c’est politique. On verra comment ça va se finir. Je pense que c’est un bon prétexte pour toucher Oscar, mais aussi cette radio. Ca fait 35 ans qu’elle existe. C’est la première radio anti-nucléaire, et qui porte dans son ADN le combat souverainiste. Maintenant, qui, aujourd’hui est pro-nucléaire, qui est anti-souveraineté ? Plus personne ! Aujourd’hui, on a dépassé la partie idéologique, on est dans une question de société, une question d’humanité, aussi « .

Mais cette première journée de procès n’a jamais vraiment démarré. Deux questions prioritaires de constitutionnalité ont été déposées, puis plusieurs requêtes en nullité. 
Les audiences devraient donc débuter ce mercredi. 
Les enjeux sont conséquents pour Oscar Temaru, déjà sous le coup d’une peine d’inéligibilité. A moins d’un an des élections municipales il pourrait perdre sa mairie et ne pas pouvoir se représenter. 
 

« J’observais l’attitude du procureur… pendant toute la plaidoirie de la défense, il écrivait des papiers, il lisait des choses, il levait la tête. Il ne suivait pas du tout ! Pas du tout ! », déplore le chef du Tavini.  « Là je me suis dit : mince ! Il a déjà fait son procès, c’est un procès d’intention, il ne suit pas du tout ! »

 

Propos recueillis par Laure Philiber et Thierry Teamo

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