Accès au logement des Polynésiens : une véritable bombe à retardement

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Des taux d’intérêts bancaires en hausse d'un côté, des prix exorbitants de l'autre : l’étau se resserre pour les Polynésiens qui cherchent à se loger. À l’heure actuelle, seuls les ménages les plus aisés, gagnant entre 4 et 10 fois le SMIG, parviennent à s’offrir un toit. Et cette situation ne devrait pas évoluer à court terme selon les professionnels du secteur.

Publié le 26/02/2023 à 11:26 - Mise à jour le 27/02/2023 à 9:34

Des taux d’intérêts bancaires en hausse d'un côté, des prix exorbitants de l'autre : l’étau se resserre pour les Polynésiens qui cherchent à se loger. À l’heure actuelle, seuls les ménages les plus aisés, gagnant entre 4 et 10 fois le SMIG, parviennent à s’offrir un toit. Et cette situation ne devrait pas évoluer à court terme selon les professionnels du secteur.

80% de la population en Polynésie n’a plus accès à la propriété selon les professionnels de l’immobilier. Et la situation ne s’améliore pas. Dans les études notariales, on note un retard de 500 logements par an pour répondre à la demande. Et les rares réalisations qui sortent de terre se vendent à des familles qui touchent entre 4 et 10 fois le SMIG. Les autres ménages, eux, n’ont tout simplement pas la capacité d’emprunter auprès des banques. Que ce soit à la vente ou en location, se loger coûte de plus en plus cher au fenua.

« On voit des dossiers qui sont freinés au niveau des banques mais la demande est toujours là. Je pense que même l’augmentation des taux d’intérêts ne fera pas baisser les prix. On va avoir une stagnation des prix, je pense, en 2023 », analyse Jacques Menahem, le président de la Fédération polynésienne des agents immobiliers.

Au-delà de l’achat d’un bien, la location devient également difficile d’accès. Si le Pays a encadré les locations saisonnières, ce marché s’est tellement développé qu’il rogne sur le marché locatif. « Comme on avait un manque d’hôtels, finalement on a fortement incité à faire de la location saisonnière. Les Polynésiens se retrouvent avec des loyers élevés, inabordables. Donc ils sont dans une situation où ils ne peuvent plus louer et ne peuvent plus acheter. Donc, forcément, c’est explosif », constate avec regrets Jean-Philippe Pinna, le président de la chambre des notaires.

« C’est très compliqué de régler une succession de quelqu’un qui est mort en 1912 »

Mais qui dit construire de nouveaux logements, dit terrains disponibles. Et c’est là où le bât blesse : le manque de foncier et, en toile de fond, l’éternel casse-tête de l’indivision. En 2022, les 8 études notariales ont reçu quelque 75 000 personnes. Toutes avaient la même question : comment fait-on pour devenir propriétaire ? Pour partager les terres et y construire ? 

« Tant que les familles ne sont pas sorties de l’indivision et qu’elles ne sont pas maîtres de leur foncier, elles ne peuvent pas elles-mêmes construire. En gros, les familles polynésiennes sont propriétaires de beaucoup de terrains mais elles ne peuvent pas aller dessus car ils ne sont pas partagés. Elles n’ont même pas la chance de pouvoir construire sur leurs propres terrains », poursuit Jean-Philippe Pinna.

Selon la chambre des notaires, la création d’un statut de généalogiste successoral, et non plus familial, pourrait faciliter l’avancement des dossiers. Car pour sortir de l’indivision, les familles s’engagent souvent dans des procédures judiciaires complexes et coûteuses, qui peuvent s’étaler sur 10, voire 20 ans.  « La solution c’est de savoir comment on peut certifier les descendances des personnes de façon irrévocable », souligne Jean-Philippe Pinna, « c’est un gros travail. C’est très compliqué de régler une succession de quelqu’un qui est mort en 1912 et qui a 300 descendants ».

Le logement est donc une question centrale pour l’immense majorité des Polynésiens. Après l’annulation de la « loi des 1000% » par le Conseil d’Etat, le Pays a remis sur la table une mesure de défiscalisation sur le premier achat d’un logement neuf. Un outil qui s’est avéré efficace jusqu’en 2013 avant de disparaître et donc, de faire son retour aujourd’hui.

Entre 340 000 et 360 000 Fcfp le M2 à Papeete

En 2013, un appartement de type F6 coûtait en moyenne 26 millions Fcfp, soit le prix d’un F2 aujourd’hui. Marcel Taib, promoteur immobilier, s’en souvient : « Ils sont en train de mettre en place une défiscalisation comme celle qu’on a connue sur Vaihiapa : 125 logements sur 2,5 hectares, qui se sont vendus en moins de 6 mois avec des prix hors concurrence. Il y avait des F2 à 12 millions Fcfp, des F3 à 14 millions Fcfp ».

Au vu de la conjoncture économique actuelle, certains projets sont difficilement réalisables dans la capitale où les prix au mètre carré s’envolent. « Le coût de construction varie entre 340 000 et 360 000 Fcfp du mètre carré. J’ai souvent des agents immobiliers qui me proposent des affaires mais ils ne se rendent plus compte que 180 000 Fcfp du mètre carré, c’est irréalisable. Surtout si l’on veut faire de l’intermédiaire », estime Marcel Taib.

Seuls les foyers aux revenus inférieurs à 4 fois le SMIG sont concernés par cette nouvelle mesure. Une centaine de logements devraient ainsi voir le jour prochainement. Un chiffre qui est bien loin de répondre aux besoins de la population. A ce jour, il manque a minima 15 000 logements sur l’île de Tahiti.

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