« On utilise les moyens modernes puisque les jeunes ne sont pas friands c’est vrai, des meetings en bord de route. En revanche ils sont tous sur Facebook. Et nous sommes très présents sur Facebook. Nous avons une grosse présence au travers de clips, de clips thématiques, de présentation de nos candidats. Et ce soir en sortant de ce plateau j’ai un Facebook live prévu jusqu’à minuit avec des jeunes aussi bien de Tahiti que les Polynésiens de France, d’ailleurs. »
Quel est votre programme ? Quelles sont vos aspirations pour la jeunesse polynésienne ?
« Pour nous la jeunesse polynésienne, d’abord, Oscar l’a rappelé, c’est la majorité des votants. La majorité elle n’est pas bleue, pas orange, elle est jeune. C’est eux qui vont faire la différence et construire ce pays. Nous ce que nous leur proposons, c’est de se projeter dans le temps long, d’arrêter d’être dans cette espèce de réflexe d’assistanat où on est en attente d’un CAE, toujours en attente de quelque chose qui doit tomber d’en haut. On leur propose de se prendre en main. Alors évidemment, le gouvernement a sa part là-dedans. C’est de créer les conditions pour que les petites entreprises, l’entrepreneuriat puissent décoller. »
De quelle manière ?
« Alors, nous avons par exemple un programme qui s’appelle Manava innovation qui consiste à attirer toutes les compagnies innovantes que ce soit dans les biotechnologies, nanotechnologies, l’informatique avancée, par un programme d’exonération de taxes. Mais avec un contrat à la fois de formation de nos jeunes pour qu’ils puissent s’installer, un contrat également d’embauche à l’issue de ces formations. Également un contrat de partage des brevets. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »
Hier soir (lundi, NDLR) Oscar Temaru a parlé de génocide culturel. On l’a entendu dans le reportage. C’est un terme un peu fort. Il ne mâche pas ses mots. Qu’est-ce qu’il entendait par là ?
« À l’échelle d’un peuple, c’est ce qui se passe. Ça ne se passe pas forcément de manière brutale, mais vous avez des langues qui disparaissent, une culture qui disparaît. C’est ça, c’est un génocide culturel. C’est vrai que le terme peut choquer. Mais dans les faits c’est ça, c’est ce qui se passe. »
Quel est votre programme globalement pour remédier à ce génocide culturel dont parle Oscar Temaru ?
« Il faut assumer qui on est. On est la Polynésie. C’est un peuple premier, et ensuite de nouveaux arrivants. C’est ça aujourd’hui la Polynésie. Il faut respecter ce peuple premier, ses langues. Il faut que nos langues deviennent officielles, il faut que notre histoire dans son intégralité, ses parties sombres comme disait quelqu’un, soient remises au jour. Il ne faut pas fermer le livre, il faut le garder ouvert. J’entends trop souvent dire « il faut tourner la page du nucléaire ». Non. Le nucléaire c’est un livre qui va rester ouvert 25 000 ans. Il ne faut pas oublier tout ça. »
Le nucléaire justement, on en parle. L’association Tamarii Moruroa a récemment reçu un refus de la part du ministère des Armées concernant le droit au titre de reconnaissance de la nation pour les vétérans des essais nucléaires. Selon eux, Moruroa et Fangataufa ne sont pas des zones de conflit. Quelle a été votre réaction à cette annonce ?
« Je ne suis pas surpris de la réponse qui leur a été faite. Je ne considère pas non plus qu’avoir travaillé à Moruroa soit un fait de guerre. Les gens qui ont travaillé à Moruroa ont été abusés. Ils ne sont pas partis à la guerre. »
Vous êtes d’accord avec l’association 193 pour mettre en place un référendum. Quelle serait la question selon vous, à poser ?
« Nous avons répondu, nous avons été les premiers à répondre à l’interrogation de 193 sur la question du référendum. Sur le principe nous sommes d’accord. Ce qui interroge c’est la question. Quelle question on va poser ? Pour l’instant, 193 ne nous a pas donné de réponse précise. Donc on est d’accord sur le principe. Mais il faut s’entendre sur la question. »
Justement, quelle question ? Est-ce que vous y avez déjà réfléchi ?
« La question elle est simple : est-ce que l’État doit assumer sa pleine et entière responsabilité par rapport au fait nucléaire ? »
Vous qui souhaitez un tourisme plus proche des Polynésiens. Que pensez-vous du projet de Village tahitien acté par le gouvernement la semaine dernière ?
« Il est déjà beaucoup plus raisonnable que la folie des grandeurs qu’était le Mahana beach de l’époque. Heureusement le Mahana beach n’a pas vu le jour et ne verra certainement jamais le jour, Dieu nous en préserve. Le Village tahitien me paraît, là c’est mon opinion, plus raisonnable, plus réalisable. Il y a encore des questions qui se posent par rapport au volet environnemental. On a vu des esquisses. Ça reste des esquisses. Le projet réel : quelle quantité d’eau ? Les assainissements. Toutes ces questions-là restent en suspens. Mais le projet est déjà plus raisonnable. On parle de 1200 chambres, je crois, réparties sur 4 hôtels. Ce sont des places supplémentaires qui sont nécessaires, mais pas suffisantes. Notre vision du tourisme, c’est un tourisme distribué, de circuit court. Et ce n’est pas un tourisme uniquement de grands hôtels 5 ou 6 étoiles. Il faut des unités de grand luxe. Mais ce que recherchent la plupart des touristes qui viennent chez nous, c’est un tourisme différent, un tourisme authentique, un tourisme de rencontre du Polynésien. Une expérience qu’ils ne peuvent pas avoir à Hawaii, à Macao ou à Las Vegas. »
Lors des meetings, Oscar Temaru laisse entendre qu’il pourrait ne pas être président même en cas de victoire du Tavini. Il parle souvent de vous. Est-ce qu’on peut en savoir plus ce soir ?
« Il faudrait lui poser la question, mais ce que je peux vous dire c’est qu’Oscar Temaru, contrairement à d’autres tenants de la politique, n’est pas quelqu’un d’attaché au pouvoir. Il a le sens des responsabilités, il a le sens d’une mission qui l’habite. »
Vous l’êtes vous, attaché au pouvoir ?
« Pas du tout. Je ne rêve que d’une chose c’est de pouvoir rentrer à Huahine m’occuper de mes abeilles et de mes enfants. »
Une place de président, ce ne serait pas envisageable pour vous ?
« À un moment donné, il faut prendre ses responsabilités et si ça passe par ça pourquoi pas. Mais ça peut être moi, quelqu’un d’autre. Personne n’est indispensable. Les indispensables, y’en a plein les cimetières. L’important c’est dès qu’on arrive aux responsabilités, de déjà commencer à préparer la relève. Il ne faut pas se croire éternel. C’est là que les dérives arrivent, lorsqu’on commence à se croire éternel. »