Interview : Baron Waqa, Président de Nauru (traduction dans le texte)
Le président de Nauru, qui accueille le Forum des îles du Pacifique, a qualifié le délégué chinois « d’insolent », l’accusant de tenter d’utiliser le poids de la Chine pour intimider les pays de la zone.
Cette sortie du président de Nauru, Baron Waqa, s’inscrit dans le contexte d’un début de sommet houleux entre son île et la Chine, qui n’appartient pas aux 18 Etats membres du Forum mais participe à la réunion en tant que « partenaire du dialogue ».
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Le représentant chinois avait exigé, mardi, de prendre la parole avant des chefs de gouvernement océaniens, ce qu’avait refusé Baron Waqa. Les deux hommes avaient insisté pendant plus d’un quart d’heure, une scène surréaliste dans un sommet diplomatique.
Le diplomate avait finalement quitté son siège. La Chine finance de nombreux pays dans le Pacifique, et ce conflit dérange donc plusieurs Océaniens.
Mais Baron Waqa n’en a cure : « Il n’est rien. Il n’est même pas ministre. Et demander à être reconnu, avant même le Premier ministre de Tuvalu, est-ce qu’il est fou ? Peu importe qu’ils soient un grand pays, qu’ils soient des partenaires : ils ne doivent pas nous manquer de respect. Personne ne peut venir et nous dicter notre conduite. D’ailleurs, d’après ce qu’on a entendu à la retraite des leaders, même leurs amis n’acceptent pas ça ! »
Nauru n’entretient pas de relations diplomatiques avec la Chine. L’île fait partie de la poignée de pays qui reconnaît toujours Taïwan, qui a financé une bonne partie des infrastructures servant à accueillir le sommet.
Depuis des décennies, Pékin et Taipei se livrent une lutte d’influence dans la région, les deux gouvernements proposant leur aide financière à de petites nations en échange de leur reconnaissance. Seuls 17 Etats reconnaissent encore Taïwan dans le monde.
> Visas refusés
Un compromis avait finalement été trouvé, avant que l’affrontement entre la minuscule île et le pays le plus peuplé du globe ne reprenne de plus belle mardi, quand M. Waqa a accusé M. Du de ne pas respecter le fait que les chefs d’Etat étaient prioritaires d’un point de vue protocolaire.
« Nauru, en tant que pays hôte, a violé les conventions internationales ainsi que le règlement du forum, et a joué là une bien piètre farce », a réagi mercredi lors d’un point presse régulier Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Permettez-nous ce conseil à Nauru et à quelques autres pays très minoritaires : admettez la tendance générale, corriger votre faute, et abstenez-vous de toute action allant à l’encontre de l’histoire », a-t-elle martelé en référence aux 17 nations alliées avec Taïwan.
Ces tensions illustrent la sensibilité de la question de l’influence grandissante de Pékin dans la zone. D’après le cabinet d’études australien Lowy Institute, la Chine a injecté 1,78 milliard de dollars d’aide, y compris sous forme de prêts préférentiels, aux nations du Pacifique entre 2006 et 2016.
« L’inquiétude vient en fait de la protection physique des populations. D’abord, le groupe des leaders du Pacifique a demandé effectivement que l’on puisse financer rapidement des formations de formateurs qui seraient dans chacun de nos archipels et qui viendraient préparer les populations à l’événement », explique le président Edouard Fritch.
Et comme chaque année, les îles les plus menacées lancent un vibrant appel pour mobiliser les pays développés contre le réchauffement climatique. Pour le limiter absolument à 1 degré et demi. « Si cet objectif n’est pas atteint, il va y avoir de sérieux problèmes sur des îles comme Tuvalu, lance Enele Sopoaga Premier ministre de Tuvalu. Elles vont probablement couler, si on se base sur les rapports géologiques des Etats-Unis, vers 2030. 2030, ce n’est pas loin. Nos petits-enfants seront toujours en train de grandir ! Et les îles de Tuvalu, de Kiribati et peut-être des parties de Nauru, seront submergées, selon ces prévisions. »
Le prochain Forum des Îles du Pacifique aura justement lieu à Tuvalu, et le suivant aux Vanuatu.