Tony Géros : « le combat du FLNKS est identique au combat du Tavini Huiraatira »

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Peu de temps après son élection à l'Assemblée de la Polynésie française en tant que président, Antony Géros a accordé un entretien exclusif à TNTV.

Publié le 11/05/2023 à 19:25 - Mise à jour le 11/05/2023 à 16:20

Peu de temps après son élection à l'Assemblée de la Polynésie française en tant que président, Antony Géros a accordé un entretien exclusif à TNTV.


TNTV : Vous retrouvez la présidence que vous avez déjà connue, mais cette fois, vous avez une large majorité et vous devriez être au pouvoir pour cinq ans sans problème. Quelles priorités allez-vous donner à cette Assemblée ? Est-ce que cela va être d’abord de redonner du pouvoir à l’Assemblée, ou de travailler sur l’indépendance ?
Anthony Géros, président de l’Assemblée de la Polynésie française : « Bien entendu, on a des actions à mener au sein de cette institution et c’est la priorité. Ensuite, on ne pas perdre de vue l’objectif du parti qui est de se formater pour permettre véritablement d’engager le dialogue sur la décolonisation. Cela va être la première étape de la poursuite de l’objectif du Tavini Huiraatira. Mais au sein de cette assemblée, il y a beaucoup de choses à faire. Déjà, l’espace à répartir entre les élus. Parce que d’expérience, j’ai remarqué qu’à chaque fois qu’il y avait une passation comme c’est le cas aujourd’hui, il y avait des travaux : on démolissait les cloisons, on essayait de rentrer les gens, on se bagarrait sur les espaces… et tout ça, il faut que ça cesse. C’est pour ça que j’ai déjà ma petite idée pour mettre en place un dispositif un peu plus cartésien qui va permettre, avec l’aide d’une étude qui va être menée par les hommes de l’art, de pouvoir cloisonner exactement comme ça s’est fait à l’Assemblée nationale où chaque élu a son box. Et ensuite, faire des espaces collectifs pour permettre aux commissions de se réunir etc. »

Justement, à propos de l’espace de chaque groupe, il y a eu une petite polémique entre le Tapura et le Tavini ce matin, sur la place que vous allez laisser à A Here Ia Porinetia. Quelle va être cette place ? On a vu qu’il y avait une vice-présidence pour Nicole Sanquer ?
« À l’Assemblée, les partis minoritaires représentés au sein d’un groupe ou pas du tout, ont toujours souffert du manque de moyens pour pouvoir exister démocratiquement. Parce qu’il ne faut pas oublier que ce sont quand même des élus qui ont été élus par la population, et qu’ils sont également porteurs de la voix de ceux qui les ont élus. Donc il faut leur donner les moyens. Peut-être pas tous les moyens qu’il faut, mais au moins les moyens minimum pour pouvoir faire en sorte qu’ils exercent leur mandat décemment durant les 5 années qui nous ont été assignées. »

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Dans votre discours, vous avez dénoncé les ‘manœuvres électorales de l’État’ en revenant sur l’histoire des dernières années. Est-ce que c’est une manière de vous dire que vous vous positionnez contre l’État alors que Moetai Brotherson le voit plutôt comme un partenaire de négociations ?
« Si vous avez bien compris mon discours, c’est un rappel de l’histoire. Parce que comme je l’ai expliqué, nous sommes 5, et lorsque le gouvernement va être composé, on risque d’être moins de 5. On sera peut-être 4 ou 3 anciens, parmi toute cette horde de nouveaux arrivants qui assistent pour la première fois à une séance aussi solennelle que celle-là, qui ne connaissent pas les rouages de l’institution. Il était nécessaire pour eux de savoir pourquoi et comment ils sont arrivés là. Donc il fallait rappeler l’histoire, rappeler que c’est à la suite d’un combat longuement mené qu’enfin, malgré les moyens et la stratégie utilisée pour faire en sorte que tous ceux qui prônent l’accession de ce pays à sa souveraineté, soient exclus du pouvoir. Eh bien, on a utilisé les mêmes armes, on a conquis ce pouvoir malgré les modifications des textes, avec leurs textes, et aujourd’hui, on peut se satisfaire du fait qu’il y ait maintenant cette grande majorité qui va diriger le pays. Et dans cette grande majorité, ce sont pratiquement tous des indépendantistes. »

« L’Assemblée est la principale institution du pays, même si ce n’est pas la première »

Antony Géros, président de l’Assemblée de la Polynésie française

Ce sera bien Moetai Brotherson demain (vendredi 12 mai, Ndlr)à votre candidat à la présidence de la Polynésie ?
« C’était décidé comme ça, on va le respecter, comme c’était décidé pour moi que je sois à l’Assemblée. »

On sait que l’Assemblée a souvent été considérée comme une simple chambre d’enregistrement du gouvernement. Est-ce que sous votre présidence, cela va changer ? Est-ce que l’Assemblée va gagner en pouvoir par rapport au gouvernement ?
« L’Assemblée va toujours rester ce qu’elle est. Ce n’est absolument pas une chambre d’enregistrement. Je l’ai dit d’entrée dans ma petite réunion avec mes collègues ce matin, que c’est la principale institution du pays, même si ce n’est pas la première. Parce que c’est d’elle que découle le pouvoir exécutif, c’est-à-dire l’élection du président, et grâce à ça, le président peut nommer son gouvernement. Donc c’est l’institution principale, me semble-t-il, qui normalement doit être considérée à son niveau. Et au sein de cette assemblée, nous sommes forces de proposition. C’est pour ça que la loi nous permet de faire des propositions, de pouvoir produire des propositions de lois de pays, des propositions de délibérations… Et fort de cela, j’ai cru comprendre dans les interventions de Moetai dans les médias, qu’il était ouvert à la faculté que l’Assemblée puisse être force de propositions vis-à-vis de ce gouvernement. Maintenant, dans quelle proportion, comment… on verra dans le temps. »

« Le combat du FLNKS ou de l’Union calédonienne est identique au combat du Tavini Huiraatira, c’est-à-dire que ces formations ont choisi pour objectif de faire accéder leur pays à sa souveraineté »

On a vu aussi ce matin Roch Wamytan venir de Nouvelle-Calédonie pour vous soutenir et célébrer votre victoire avec vous. On rappelle que c’est un indépendantiste calédonien : il nous dit que la cause indépendantiste qui est promue par le Tavini peut aussi servir la cause indépendantiste en Calédonie. De quelle manière pensez-vous pouvoir travailler ensemble dans cette lutte ?
« D’abord, ce qu’il faut savoir, c’est que Roch est pratiquement avec Paul Néaoutyine, l’un des survivants -on va dire- de la classe indépendantiste, qui a prôné l’accession de la Kanaky (nom donné à la Nouvelle-Calédonie par les indépendantistes, Ndlr) à sa souveraineté, à l’époque de Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné. Et aujourd’hui, ce sont pratiquement les seuls qui existent encore et qui sont toujours vivants. Qui plus est, Roch a pu accéder aux hautes fonctions de président du Congrès, qui est l’égal du président de l’Assemblée en Polynésie. Le combat du FLNKS ou de l’Union calédonienne est identique au combat du Tavini Huiraatira, c’est-à-dire que ces formations ont choisi pour objectif de faire accéder leur pays à sa souveraineté. Et pour cela, ce que nous propose l’organisation des Nations-Unies avec le comité de décolonisation et la quatrième commission, c’est le dialogue sur la décolonisation. C’est la première étape. D’abord, apprendre à dialoguer. Parce que si cette souveraineté était acquise, on rentre dans le concert des Nations-Unies, et si on n’est pas capable de dialoguer en bilatéral avec la ‘puissance administrante’ comme on l’appelle aujourd’hui, le travail sera plus difficile si toutefois on accédait à la souveraineté en disant qu’on ne va pas discuter avec eux, mais qu’on va discuter avec ceux-là… C’est pas comme ça. On a appris lors de nos courts séjours à l’ONU qu’on rentre vraiment dans la cour des grands où tout le monde se concerte. Mais c’est vrai qu’il y a peut-être des petites différences, des petites divergences pour des intérêts qui leur sont propres, mais on doit discuter, on doit dialoguer ».

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