Tiare Trompette-Dezerville : « Nous ne sommes pas prêts à être seuls face au monde extérieur »

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Candidate de la section 1 pour le Tapura Huiraatira, Tiare Trompette-Dezerville était l’invitée du journal de TNTV, mercredi soir. A quatre jours du second tour des Territoriales, elle fait un tour d’horizon de diverses thématiques de la campagne : du décrochage scolaire à la prise en charge des personnes porteuses d’un handicap, en passant par le clivage autonomie/indépendance. Interview.

Publié le 27/04/2023 à 14:18 - Mise à jour le 27/12/2023 à 15:52

Candidate de la section 1 pour le Tapura Huiraatira, Tiare Trompette-Dezerville était l’invitée du journal de TNTV, mercredi soir. A quatre jours du second tour des Territoriales, elle fait un tour d’horizon de diverses thématiques de la campagne : du décrochage scolaire à la prise en charge des personnes porteuses d’un handicap, en passant par le clivage autonomie/indépendance. Interview.

TNTV : Vous êtes bien connue dans le monde de la culture mais aussi de l’éducation puisque vous êtes conseillère pédagogique et présidente d’une association de parents d’élèves. Tout d’abord, un mot sur l’actualité. Comment avez-vous réagi à cette alliance entre le Amuitahiraa de Gaston Flosse et le Tapura ?

Tiare Trompette-Dezerville : « C’est une famille qui se retrouve, d’abord. Il faut savoir que toute famille a des hauts et des bas et, qu’aujourd’hui, on doit se retrouver, rallier des forces pour le second tour ».

TNTV : Ce clivage, autonomie/indépendance, qu’en pensez-vous ?

Tiare Trompette-Dezerville : « A l’heure actuelle, il faut vraiment que l’on conserve cette autonomie pour rester proche de l’Etat qui est notre soutien principal. Et surtout, ramener des valeurs que sont l’amour et la paix. Ensemble, pouvoir continuer à travailler ».

TNTV :  Mais la question de l’indépendance se pose-t-elle légitimement ?  Ne faudrait-il pas donner plus d’autonomie à la Polynésie ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Nous avons déjà un statut qui nous permet d’évoluer sur certaines missions. Il ne faut pas oublier, non plus, qu’au niveau de la Justice, de la sécurité, et de l’armée, nous avons encore besoin de ce soutien. Nous ne sommes pas prêts à être seuls face au monde extérieur ».

TNTV : La population semble souhaiter ce changement, on l’a vu au premier tour avec le Tavini qui est arrivé en tête. Les inégalités se creusent aussi d’année en année…

Tiare Trompette-Dezerville : « Je pense qu’il faut surtout être transparent. Il faut communiquer au maximum. Aujourd’hui, le Tapura, avec le Amuitahiraa, a décidé d’être très communicant, d’être au maximum à l’écoute des personnes. Aujourd’hui, il faut changer de tactique. Il faut être sur le terrain. Il faut partager, écouter et surtout être transparent ».

TNTV : Mais le Tavini est arrivé en tête au premier tour. Ne faudrait-il pas faire évoluer le statut d’autonomie de la Polynésie ? Est-ce que le Tapura l’envisagerait, en cas de victoire ?

Tiare Trompette-Dezerville : « C’est possible, mais c’est long. Il faut aller en France et négocier. Il faut revoir la Constitution. Ce n’est pas au bout de 5 ans que l’on pourra avoir ces modifications. Il faut vraiment qu’on prenne le temps de se poser les bonnes questions : qu’est-ce qu’on veut pour notre Pays, pour le peuple, dès demain ?».

TNTV : Concernant la lutte contre l’échec scolaire, votre programme préconise la diminution des effectifs dans les établissements, notamment les établissements scolaires non-identifiés du réseau prioritaire d’éducation. Qui dit diminution dit meilleure répartition. Concrètement, comment comptez-vous vous y prendre ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Aujourd’hui, il faut penser ‘élève’. C’est l’enfant qui doit être au centre du système, avec les parents, la famille. Il faut que l’on retrouve cette communauté éducative qui a été très éloignée, suite à la Covid. En réduisant les effectifs, on va arriver à se centraliser sur l’enfant et à identifier toutes les difficultés, sociales et scolaires, de manière à ce qu’il y ait des interventions avec un plateau technique : la Santé, la DSFE (Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité, Ndlr) et l’Education pour rattraper ces enfants qui ont besoin d’être pris en charge et d’être surtout en sécurité scolaire ».

TNTV : Cela suppose l’ouverture de plus de classes et de plus d’enseignants ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Non. Il faut savoir que l’on est déjà en diminution d’effectifs aujourd’hui. Nous avons moins d’enfants dans le premier degré. Et nous avons des enseignants travailleurs. D’ailleurs, je les salue car, aujourd’hui, ce sont ces enfants qui sont encadrés par des enseignants qui travaillent longuement et des directeurs d’école qui encadrent, avec des collèges et lycées qui cherchent à mettre en avant des projets qui vont permettre une ouverture sur le monde et de se centraliser sur ce qu’on va donner aux enfants ».

TNTV : La plupart des enseignants sont travailleurs mais il y a aussi des absents. Comment lutter contre l’absentéisme des professeurs ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Il y a un plan qui est mis en place pour les professeurs du second degré. C’est-à-dire qu’à un moment donné, on va être capable de récupérer des professeurs et de pouvoir rattraper des heures qui n’ont pas été faites. Il y a aussi l’embauche des vacataires qui sont d’abord formés avant d’être mis sur le terrain. Aujourd’hui, tout est possible, à partir du moment où l’on peut anticiper et travailler sur une projection sur les rentrées prochaines ».

TNTV : L’échec scolaire peut aussi être lié au contexte familial. En Polynésie, l’alcool et la maltraitance règnent dans certains foyers. Quelles solutions ?

Tiare Trompette-Dezerville : « C’est l’accompagnement des familles d’abord, s’occuper de leurs situations sociales. Aujourd’hui, avec la ministre de la Solidarité, il y a énormément de dispositifs qui sont mis en place grâce aux interventions des assistantes sociales, grâce aux personnes qui sont sur le terrain. Un, pour les identifier et, deux, avec les mairies, pour accompagner ces familles dans leur prise en charge, que ce soit alimentaire, que ce soit au niveau de la parentalité. Il y a des camps de familles qui sont proposés au sein des mairies. Une fois que les repères familiaux sont retrouvés c’est : ‘comment vais-je accompagner mon enfant dans la scolarité ?’ Et, ensuite, trouver un bien-être au sein de la famille. Il faut qu’on pense aux loisirs éducatifs, à l’encadrement des parents et à ce que la structure familiale se retrouve avec la collectivité. »

TNTV :  Autre problématique, le handicap. Actuellement se déroulent les Journées polynésiennes du handicap. 17 000 personnes sont concernées en Polynésie, soit 10% de la population. Quelles sont les avancées que promet le Tapura sur ce sujet ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Il y a d’abord les structures qui sont identifiées. Il va falloir se projeter sur la façon d’adapter ces structures, des endroits accessibles pour tous et il y a, surtout, la revalorisation des allocations qui a été faite pour les personnes en situation de handicap. Au-delà de ça, il y a l’employabilité. Madame Bruant (la ministre du Travail, Ndlr) a travaillé sur cette prise en charge de l’emploi. Comment réinsérer ces handicapés et comment leur redonner goût à la vie ? Comme vous le savez, je suis moi-même maman d’une enfant en situation de handicap et donc je me bats tous les jours, comme tous les parents. Ce qui est important, aujourd’hui, c’est que l’enfant soit reconnu et que la famille qui l’encadre soit soutenue. Un handicap, c’est à vie. On construit donc à vie avec la famille. Donc, il faut penser médical, accompagnement scolaire et société ».

TNTV : On en a peu parlé lors de cette campagne mais les sans domicile fixe sont de plus en plus nombreux. Que compte faire le Tapura vis-à-vis de cette problématique ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Les sans domicile fixe ont été intégrés dans le programme notamment par l’identification de chacun d’eux. Ils ont tous un parcours différent. Avec le centre d’accueil du Père Christophe, on va pouvoir les recevoir. Mais au-delà de ça, c’est : comment on va leur permettre de retrouver leur estime de soi ? Car vivre dans la rue, c’est quand même des repères qui sont durs, face au regard des autres. Et comment je vais pouvoir me réinsérer dans la vie active en sachant que moi-même je dois me retrouver en tant que personne ? ».

TNTV : Donc vous estimez que cette structure suffira ?

Tiare Trompette-Dezerville : « Non, pas du tout, parce que c’est un plateau technique qui va s’insérer avec la DSFE et aussi avec le SEFI. Nous allons avoir un plateau technique adapté grâce aux études qui ont été faites sur le terrain et au travail du ministère de la Solidarité ».

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