Richard Tuheiava : « La vision d’une Polynésie décolonisée et décomplexée »

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Publié le 11/10/2015 à 13:06 - Mise à jour le 11/10/2015 à 13:06

Que peuvent faire nos îles pour contenir le réchauffement climatique selon vous?
« Je pense que l’information est déjà véhiculée à l’avance. C’est déjà très bien. Je pense qu’il y a un dispositif de prévention qui est en court et les autorités jouent le jeu, si je peux m’exprimer ainsi. Et la population, il faut qu’elle s’y mette, il faut qu’elle se prépare. Et je voudrais saluer les médias qui relaient le message. On n’est pas à l’abri. C’est quelque chose qu’il faut véritablement prendre au sérieux. El Niño est de retour et il faut véritablement que chacun et chacune adopte des comportements citoyens.« 

Vous revenez tout juste de l’ONU, la décolonisation est-elle en marche ?
« Absolument, en fait, nous sommes en phase de décolonisation depuis le 17 mai 2013. La Polynésie a été réinscrite sur la liste des territoires de l’ONU. Et je rappelle, pour faire encore œuvre de pédagogie, qu’une réinscription n’a rien à voir avec l’indépendance ou une association. Pour l’instant, une réinscription, c’est de nous mettre sous l’ombrelle d’un comité qui vient surveiller ce que la puissance administrant, ce que la France, vient faire chez nous, dans ce territoire non-autonome. Et aujourd’hui, ce qui est intéressant, c’est que le débat a lieu… J’ai envie de dire avec le comité, avec les Nations unies, avec l’assemblée générale. Il y a des questions qui nous sont posées désormais par les Etats membre. C’est intéressant. Mais la France, comme elle l’a fait d’ailleurs avec la plupart des pays qu’elle avait eu sous ses ailes, telles que Vanuatu, l’Algérie et comme Kanaki aussi, ne sait pas décoloniser. Ça ne s’enseigne pas dans les écoles parisiennes. Et donc au départ, elle ne vient pas dans les débats, elle ne se présente pas dans la salle. C’est ce qui se passe pour la Polynésie française pendant un certain temps. »

La France estime que la résolution de l’ONU est une ingérence dans ses affaires. Quelle est votre stratégie : imposer la décolonisation à la France avec l’aide de l’ONU ou négocier avec elle ?
« Notre stratégie, vous savez, c’est un petit peu comme l’eau, elle peut sembler inerte (…) mais elle peut couper une roche. Et on peut s’y noyer aussi avec de l’eau. Et donc aujourd’hui, c’est d’occuper le terrain, de ne rater aucun rendez-vous. L’UPLD sera présente. Nous serons assidus et nous parlerons des problèmes franchement et de manière transparente. Que ce soit des essais nucléaires ou des ressources naturelles, ce sont deux piliers du débat souverainiste qui se posent. Le passé, mais également le futur. Et donc aussi cette nécessité de passer par les urnes, avec un référendum d’autodétermination, quand la Polynésie sera prête.
La France a toujours eu cette stratégie, si je peux me permettre, de diviser pour mieux régner. Elle le fait avec le pays et les communes. Et donc la gouvernance polynésienne est un peu divisée en deux avec les maires d’un coté et le représentant à l’assemblée de l’autre. Aujourd’hui, ce que l’on donne comme pouvoir à l’un, on le reprend d’un autre côté et ça a toujours été comme ça que la France s’est comportée. Aujourd’hui, l’avantage de l’ONU, je vais conclure ainsi, est de permettre un débat qui dépasse le clivage Papeete-Paris et Tarahoi-Matignon. »

Parlons des ressources naturelles : la France a étendu hier son domaine maritime de plus de 500 mille km2. La lutte entre les grandes puissances, se poursuit pour le contrôle des ressources sous-marines. Selon vous, qui devrait exploiter les nôtres ?
« Ça a déjà été cité dans un document d’opinion légale à l’ONU en 2002. Les ressources naturelles d’un territoire réinscrit ou inscrit sur les territoires non-autonome de l’ONU appartiennent aux habitants de ce territoire. Et aujourd’hui, la France usurpe presque unilatéralement ce droit des Polynésiens. »

Mais il faudrait que la Polynésie dépose un dossier de demande ?
« La Polynésie est capable de déposer des dossiers pour inscrire un site culturel a l’Unesco… Pourquoi elle ne pourrait pas déposer un dossier pour élargir aussi sa zone économique. »

Mais pour que la France bénéficie de ces ressources, il faudrait apparemment que la Polynésie fasse une demande ?
« Le problème qu’il y a aujourd’hui, c’est le statut, qui a était confirmé par une académicienne universitaire française récemment, c’est que lorsque les ressources sont qualifiées comme stratégique, c’est un décret parisien qui vient décider que c’est de compétence d’État. Et la Polynésie n’a plus rien à voir à ce moment-là. Et nous ne sommes pas d’accord avec cette analyse-là. Ces ressources appartiennent au futur de nos générations. ET au développement économique et social de notre pays. »

Une question Politique : les relations entre le Tavini et le Parti socialiste c’était un peu rafraîchies depuis que François Hollande est au pouvoir. Qu’en est-il aujourd’hui ?
« Nous sommes en attente d’un renouvellement. Nous ne sommes pas en situation de difficulté d’un point de vu administratif. Nous ne prendrons pas l’initiative d’en découdre, comme peut-être certains le voudraient, j’imagine que d’autres partis politiques en Polynésie rêveraient que le Tavini ne soit plus « sous l’escarcelle » du PS. Peut-être même voudraient remplacer le Tavini. »

Vous pensez au Tapura ?
(rire) « Je n’ai pas dit cela, mais certains peut-être pourraient avoir des vérités. »

Pour terminer rapidement, d’un point de vu plus personnel : est-ce que vous êtes le dauphin d’Oscar Temaru ?
« Non. Il n’y a pas de dauphin d’Oscar Temaru. Il y a des gens qui travaillent avec lui et qui suivent sa vision. Je suis sa vision. La vision d’une Polynésie décolonisée et décomplexée. Vis a vis de sa puissance administrante, je suis un souverainiste et un indépendantiste aussi. Et Temaru est le présidant du seul parti dominant en alliance avec le Ia Mana Te Nunaa. Je ne l’oublie pas. Donc nous sommes une coalition que l’on appelle l’UPLD. »

Interview plateau de Richard Tuheiava, représentant de l’UPLD à l’assemblée de Polynésie française

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