Nucléaire : Richard Tuheiava se réjouit du retour de la Polynésie « sous la protection diplomatique de l’ONU »

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Richard Tuheiava, représentant Tavini huiraatira à l'Assemblée de la Polynésie française, invité de notre journal, est revenu sur son déplacement à l’ONU, le suivi des conséquences des essais nucléaires, mais aussi l’exploitation des ressources naturelles.

Publié le 02/07/2019 à 10:11 - Mise à jour le 17/07/2019 à 17:48

Richard Tuheiava, représentant Tavini huiraatira à l'Assemblée de la Polynésie française, invité de notre journal, est revenu sur son déplacement à l’ONU, le suivi des conséquences des essais nucléaires, mais aussi l’exploitation des ressources naturelles.

Une délégation composée de membres du Tavini et des membres de l’Église protestante ma’ohi s’est rendue à l’ONU la semaine dernière pour rencontrer le comité spécial de décolonisation et connaître la suite donnée à la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser. Une rencontre qui s’est soldée par une victoire pour les indépendantistes. L’ONU assurera un suivi des conséquences des essais nucléaires. Pour en parler, nous accueillons Richard Tuheiava.
Expliquez-nous, c’est un paragraphe qui existait déjà dans la résolution. Il avait été supprimé puis finalement rétabli. De quoi s’agit-il exactement ?

« C’est un paragraphe que nous avions réussi à intégrer depuis 2014, c’est-à-dire l’année suivant la réinscription. L’ONU faisait appel à son secrétaire général, c’est-à-dire le chef de l’administration onusienne, d’établir un rapport périodique sur la façon dont l’État français dirigeait les opérations en terme de gestion des conséquences sanitaires, environnementales, économiques, et sociales de ces essais nucléaires. C’était important puisque c’était l’une des raisons pour lesquelles la réinscription a eu lieu. En 2018, ce paragraphe a été supprimé sous les efforts de l’État français, et cela a permis malheureusement quelques dérives à notre sens, puisque des amendements ont été adoptés au Parlement pour au final conduire à un espèce de noyautage du système d’indemnisation -c’est ce que nous rencontrons aujourd’hui-même, quoiqu’en en dise. Et aussi, un toilettage statutaire qui, finalement, ni plus ni moins dans son premier article, a tenté de faire reconnaître que la Polynésie était d’accord dans le processus d’installation des essais nucléaires en Polynésie. »

 

On parlait donc de contribution et non de mise à contribution ?
« C’est ça. »

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Mais en quoi est-ce que ce paragraphe pourrait gêner la France à faire ça ?
« Ce paragraphe, jusqu’à samedi, a énormément gêné la France puisque jusqu’à la dernière minute il y a eu des interventions diplomatiques de la part de l’Autorité administrante, pour ne pas que ce paragraphe soit rétabli. En tout cas, c’est le cas, et on est vraiment très content pour l’intérêt général des Polynésiens, pour les malades, mais aussi pour les victimes transgénérationnelles -celles qui suivront dans les prochaines années, de replacer la Polynésie, le contexte des essais nucléaires, sous les hospices de l’ONU. »

Comment cela va s’organiser ? Qui va assurer ce suivi et de quelles façons ? Ce seront des Polynésiens, des Français, des gens mandatés par l’ONU ?
« C’est l’ONU qui, directement, établit un rapport. Elle collecte l’ensemble des dispositions et des efforts éventuels. C’est d’ailleurs ce qui a été décidé la semaine dernière : de prendre note des efforts qu’aura réalisé le Parlement, la France. Mais également de l’encourager à faire des choses plus concrètes encore pour les Polynésiens. Donc c’est vraiment un retour d’un paragraphe qui manquait cruellement et qui replace finalement la Polynésie, et les Polynésiens surtout, sous la protection -si je puis dire- diplomatique de l’ONU sur la question des essais nucléaires. »

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Un autre sujet a été débattu lors de cette session du 27 juin, celui des ressources de la Polynésie et de la liberté pour les Polynésiens d’en disposer librement. Pour appuyer votre propos, vous avez présenté à l’ONU un rapport rédigé par un cabinet d’avocats du Pacifique et qui dénonce une mainmise de l’État français sur les ressources naturelles de Polynésie française. Les ressources naturelles, c’était au cœur de ce que vous avez demandé à l’ONU. Il n’y pas de paragraphe là-dessus pourtant. Quelle a été la réponse qu’on vous a donnée à New York ?
« Si, justement. Il y a eu un paragraphe dans la mouture de 2016 qui est d’ailleurs maintenu jusqu’à aujourd’hui… »

 

… mais qui ne vous satisfait pas pleinement ?
« Si si, complètement. Il n’y a pas eu de débat sur la remise en question de ce paragraphe qui exhortait la France à garantir la souveraineté permanente du peuple polynésien sur ces ressources. C’est juste que l’ONU n’est pas allée jusqu’au bout de la logique, encore, jusqu’à la semaine dernière, puisqu’elle ne considérait pas que cette difficulté de propriété des ressources pouvait être source d’entrave à l’exercice du droit à l’autodétermination pour le peuple polynésien. Aujourd’hui, ce rapport, qui n’est pas du tout un rapport du Tavini huiraatira, est extrêmement intéressant puisque c’est le regard de juristes qui n’ont même pas réellement été influencés par le jeu politique local et qui, aujourd’hui, viennent finalement conclure peu ou prou la même chose. C’est-à-dire pour qu’un jour notre peuple puisse décider en tout éclairage du bien-fondé ou non de notre avenir institutionnel, il faudrait au moins que nous ayons connaissance de l’importance de nos ressources et de qui en est propriétaire. »

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Cela fait des années que la Polynésie est réinscrite, mais cette réinscription ne semble pas faire bouger la France. Des sanctions peuvent-elles être appliquées ? Va-t-on rester sur cette liste indéfiniment ?
« On ne souhaiterait pas, notre délégation en tout cas, faire sanctionner la France à l’ONU sur la partie décolonisation parce qu’on souhaite établir un dialogue. C’est un dialogue tripartite, qui n’a rien à voir avec les essais nucléaires où là nous considérons qu’il y a eu des crimes contre l’humanité. Sur la partie décolonisation, c’est essentiel qu’il y ait un dialogue, et donc ce dialogue on l’attend depuis 6 ans. Et pour la première fois, vendredi dernier, le Comité des 24 a fait une avancée en ce sens puisqu’il a répondu favorablement à l’invitation du président Edouard Fritch. (…) Ça serait l’un des premiers actes positifs, concrets, de mise en place de cette réinscription en Polynésie (…). Ce sont des choses qui ne parlent pas beaucoup aux Polynésiens, mais si les Polynésiens voient l’ONU venir en Polynésie, c’est autre chose. »

 

 

 

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