Moetai Brotherson : « on est un seul peuple et après les élections on sera toujours un seul peuple »

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Il serait désigné comme candidat à la présidence du Pays en cas de victoire du Tavini Huira'atira aux élections territoriales : Moetai Brotherson était de nouveau l'invité de nos journaux dimanche. Il appelle au calme et à la sérénité. Après les élections, "on baissera les drapeaux, on travaillera ensemble et pour le bien de tous", assure-t-il.

Publié le 24/04/2023 à 11:32 - Mise à jour le 28/12/2023 à 9:49

Il serait désigné comme candidat à la présidence du Pays en cas de victoire du Tavini Huira'atira aux élections territoriales : Moetai Brotherson était de nouveau l'invité de nos journaux dimanche. Il appelle au calme et à la sérénité. Après les élections, "on baissera les drapeaux, on travaillera ensemble et pour le bien de tous", assure-t-il.

TNTV : Nous sommes dans l’entre deux tours. Vous redoublez d’efforts dans cette campagne. Comment cela se passe-t-il pour le Tavini Huira’atira ? Ce matin par exemple, tous les groupes engagés dans le second tour étaient très tôt du côté du marché de Papeete. C’est important pour vous ?
Moetai Brotherson :
« Ça fait partie on va dire du folklore politique, de la culture politique ici au fenua. Tant que ça se passe dans la joie et la bonne humeur et qu’il n’y a pas de joute verbale ou d’affrontement physique, c’est une bonne chose. C’est vrai qu’on va présenter nos excuses aux commerçants pour qui ça a été un petit désagrément mais je crois qu’il ne faut pas aller au marché qu’en période électorale. Il faut y aller souvent. Moi j’y vais régulièrement le dimanche pour aller chercher les firi firi, le pua roti, et le poisson; Pour le bon petit déjeuner du dimanche. »

TNTV : Une réaction à propos de notre sujet sur l’axe indo-pacifique (Lire ICI) ?
Moetai Brotherson : « j’ai lu le titre de votre sujet qui était « L’Indo-Pacifique, un axe majeur pour la France » . Ça me rappelle malheureusement l’époque des essais nucléaires donc la question qu’il faut se poser c’est « qu’est-ce qui va primer ? ». Est-ce que c’est la raison d’Etat, est-ce que c’est l’intérêt de la France ou est-ce que c’est l’intérêt des Polynésiens et de la Polynésie ? Nous on ne veut pas être juste des pions sur le jeu d’échec d’autres personnes. On veut être partie prenante de la réflexion et de la mise en place de cette stratégie Indo-pacifique tant qu’on est dans l’ensemble français et on veut aussi avoir de bonnes relations avec l’ensemble des partenaires qui sont dans cette région. »

TNTV : On revient sur cette campagne. Quelle est votre sentiment à force de rencontres ? Que pensez-vous de cette union entre le Tapura et le Amuitahira’a o te nuna’a maohi de Gaston Flosse ?
Moetai Brotherson : « La mayonnaise marron ne prend pas. En tout cas c’est le constat qu’on fait quand on rencontre les gens. Beaucoup de gens du Tapura nous disent qu’ils vont soit voter vert, soit voter bleu. Et la plupart des gens du Amuitahira’a nous disent qu’ils vont voter bleu. Donc ça ne prend pas. Il faut se réjouir des retrouvailles on va dire du « père » avec le « fils ». Ça c’est au plan famillial, mais au plan politique je pense que c’était un mauvais calcul. »

TNTV : Vous qui êtes sur le terrain, vous voyez beaucoup plus de monde lors de vos meetings ?
Moetai Brotherson : « On n’a jamais vu autant de monde aux meetings du Tavini Huira’atira je crois depuis 2004. Donc ça rappelle de bons souvenirs. J’étais à Tumara’a à la mairie annexe de Vaiaau hier soir (samedi soir, NDLR). On a fait un meeting. J’en avais fait plusieurs les années précédentes et là c’était juste la folie. Il y avait autant de monde dedans que dehors et tout était plein. »

TNTV : Au-delà des calculs, comment allez-vous récupérer les voix chez les abstentionnistes par exemple qui ont été nombreux au premier tour ?
Moetai Brotherson : « Parmi ces abstentionnistes, un certain nombre viennent nous voir en nous disant « on n’est pas allé voter au premier tour, soit parce qu’on attendait de voir qui allait sortir parce qu’il y avait tellement de listes au premier tour qu’on était un peu dans la confusion », soit parce que c’est dans leur culture. Il y a des gens, c’est dans leur culture. Ils ne vont pas voter au premier tour et ils attendent le second. Donc on s’attend à un sursaut au second tour. »

TNTV : Et sur la question indépendance / autonomie, que répondez-vous à la volonté des autonomistes de freiner à tout prix l’élan des indépendantistes ?
Moetai Brotherson : « Ça sent un peu le désespoir. Ça devient un peu une obsession pour les autonomistes de parler d’indépendance. C’est un peu paradoxal. Je crois que la Nouvelle-Calédonie est réinscrite et a eu un certain nombre de référendums. Ils ne sont toujours pas indépendants pour autant. L’indépendance, ça arrivera au terme d’un processus et ça arrivera quand les Polynésiens le décideront donc je ne vois pas où est l’inquiétude. »

TNTV : Revenons sur l’axe indo-pacifique. Est-ce que cela ne vient pas perturber la campagne sur la peur des autonomistes ou de chacun sur l’indépendance ?
Moetai Brotherson : « Ça peut être utilisé par des esprits faibles pour agiter l’épouvantail de l’indépendance misère et immédiate mais ça ne fonctionne pas. C’est ce qu’on voit nous dans les rencontres qu’on fait avec la population. Je crois qu’il faut arrêter de prendre les Polynésiens pour des imbéciles. Il faut leur parler des vrais problèmes. Il faut leur parler des solutions qu’on propose et c’est comme ça qu’on arrivera à faire revenir les abstentionnistes, à aussi convaincre les jeunes qui sont dégoutés il faut le dire, d’une certaine façon de faire de la politique. C’est comme ça qu’on va arriver à changer les choses. »

TNTV : Et comment vous arrivez à convaincre ces jeunes (…) de voter pour l’indépendance alors que l’indépendance est souvent décriée et assimilée à la pauvreté, à la misère ?
Moetai Brotherson : « D’abord sur cette élection, on ne leur demande pas de voter pour l’indépendance. On leur demande de voter pour un parti indépendantiste mais qui a un programme de gouvernement, un programme précis qui adresse les questions sociétales, les questions sociaux économiques et je crois que c’est comme ça qu’on arrive à les convaincre et puis on leur explique également le processus qui mènera à l’auto-détermination et aux choix que feront les Polynésiens donc une fois qu’on explique les choses, les gens ont toujours peur de ce qu’ils ne connaissent pas finalement et on est tous nés, peut-être à part quelques centenaires, en Polynésie française autonome, donc forcément on a un peu peur de l’inconnu. Mais ce qui est inconnu pour nous, c’est le quotidien pour 193 pays donc l’indépendance c’est le standard par l’exception. »

TNTV : Vous avez rencontré (…) le monde de l’entreprise. Avez-vous su les rassurer en terme de fiscalité, d’économie et si vous arrivez au pouvoir, êtes vous prêt ?
Moetai Brotherson : « Je pense que oui. On a eu beaucoup de TPE et de PME qui sont venues. Moins de très grosses entreprises, mais j’avais déjà rencontré des gens du Medef avant le premier tour. Les questions sont un peu toujours les mêmes à savoir, « quels sont les dispositifs pour aider les TPE ? Comment est-ce qu’on impulse, comment est-ce qu’on insuffle chez nos jeunes cette culture de l’entreprise parce qu’aujourd’hui c’est clair : l’emploi salarié ce n’est pas ce qui va nous permettre de développer ce pays. Il faut créer des entreprises et il faut que nos TPE aient les moyens d’embaucher aussi. »

TNTV : Est-ce que la Polynésie possède des ressources pour créer des entreprises viables à l’heure actuelle ?
Moetai Brotherson : « Bien sûr. La première ressource de la Polynésie, c’est son peuple. C’est le peuple polynésien. On a des jeunes talentueux, on a des jeunes diplômés qui ont un peu de mal à revenir. Il faut les faire revenir, il faut les inciter à revenir. Et puis on a toute une partie de la jeunesse qui a finalement subi le décalage entre le système éducatif qu’on a proposé pendant des années et les besoins réels et les envies réelles du peuple polynésien. Donc nous on propose de changer le système éducatif, d’avoir une éducation qui nous ressemble, qui ne cherche pas forcément à former que des Bac + 12 mais qui au final donne la possibilité à chaque enfant de trouver dans le système éducatif la voie qui est la sienne. »

TNTV : Est-ce que vous comptez justement réformer le système éducatif ?
Moetai Brotherson :
« Oui, un de nos grands objectifs c’est la mise en place des écoles d’immersion, les puna reo, on peut les appeler comme ça mais on trouvera peut-être un autre terme, ça se fait ailleurs, avec les Kohanga reo en Nouvelle-Zélande, ça se fait avec les écoles Diwan en Bretagne depuis 1977. Ça se fait également depuis 1977 au Pays Basque avec les ikastola, et pourtant ni la Bretagne ni le Pays Basque ne sont des collectivités autonomes à statut particulier. Ce sont des départements et pourtant ça existe. C’est une question de courage politique avant tout je crois. »

TNTV : Et avec quels financements pourrez-vous le faire ?
Moetai Brotherson : « Les financements qui existent actuellement. Vous savez, quand on additionne tous les budgets qui ont été dépensés depuis 1977 pour l’éducation chez nous, ça donne des sommes assez affolantes pour un résultat qui n’est pas satisfaisant quand on prend les chiffres du décrochage scolaire, quand on prend les chiffres de l’analphabétisation et quand on prend également le décalage entre les besoins du fenua, les besoins des entreprises et les formations qui sont proposées. »

TNTV : C’est tout un processus qu’il va falloir mettre en place pour arriver à un développement économique, c’est tout ça qu’il faut changer ?
Moetai Brotherson : « Si les gens veulent voir un changement, il faut que les gens aillent voter en masse le 30 avril sinon on va continuer avec le système actuel et les mêmes personnes qu’on voit et qu’on subit depuis 40 ans. » .

TNTV : Un dernier mot ?
Moetai Brotherson : « Un appel au calme, un appel à la sérénité. Quelques esprits se sont échauffés suite aux annonces qui ont suivi le premier tour. Il faut qu’on reste unis parce qu’au départ on est un seul peuple et après les élections on sera toujours un seul peuple. On baissera les drapeaux, on travaillera ensemble et pour le bien de tous ».

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