Moetai Brotherson : « Nous avons pris l’engagement de vous servir et pas de nous servir »

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Comme attendu, Moetai Brotherson a été élu, ce vendredi, président du Pays pour les 5 prochaines années. Trois autres représentants avaient fait acte de candidature : Edouard Fritch, Nicole Sanquer et le Marquisien Benoît Kautai qui s’est dit opposé à toute idée d’indépendance pour son archipel. « Aujourd’hui n’est pas le moment des promesses. Aujourd’hui est le moment de l’engagement », a déclaré le nouveau chef de l’exécutif. Retour sur cette séance historique à l’Assemblée de Polynésie.

Publié le 12/05/2023 à 14:16 - Mise à jour le 13/05/2023 à 15:33

Comme attendu, Moetai Brotherson a été élu, ce vendredi, président du Pays pour les 5 prochaines années. Trois autres représentants avaient fait acte de candidature : Edouard Fritch, Nicole Sanquer et le Marquisien Benoît Kautai qui s’est dit opposé à toute idée d’indépendance pour son archipel. « Aujourd’hui n’est pas le moment des promesses. Aujourd’hui est le moment de l’engagement », a déclaré le nouveau chef de l’exécutif. Retour sur cette séance historique à l’Assemblée de Polynésie.

Dans son discours d’avant vote, improvisé, Moetai Brotherson, dernier des candidats à prendre la parole, s’est adressé « à vous, à nous, au peuple ». Il a dit « respecter le peuple avant tout ». « Respecter également toutes les institutions. Respecter l’Etat pour qu’il nous respecte, respecter également nos cousins du Pacifique et nous respecter nous-mêmes ». « Aujourd’hui, n’est pas le moment des promesses. Aujourd’hui est le moment de l’engagement. L’engagement que nous avons tous pris est celui de vous servir et pas de nous servir », a-t-il déclaré.

Répondant aux craintes des autonomistes (voir ci-dessous), il a ajouté : « J’entends la défense vibrante de l’autonomie. Je ne suis pas là pour attaquer l’autonomie. C’est un statut, un cadre dans lequel nous évoluons aujourd’hui (…) Demain, on nous dit : ‘s’il y a l’indépendance, la France va s’en aller et nous allons mourir de faim’. Est-ce à dire que l’Etat s’en ira avec le Taro, le Fei, le Umara, les bananes, les poissons et aussi les pieds et les mains des Polynésiens ? Mais je ne suis pas non plus venu ici ce matin pour vous parlez d’indépendance ou pour vous convaincre. J’entends les craintes qui ont été exprimées par notre Hakaiki -Benoît Kautai, voir les déclarations ci-dessous, Ndlr-, les craintes que nous vous livrions aux mains des Chinois. Cela n’a jamais été notre intention. Jamais. En revanche, nous refusons de ne pas pouvoir discuter avec tout le monde. Il nous faut pouvoir discuter avec tout le monde en bonne intelligence, avec la prudence qui s’impose (…) J’entends également les craintes que l’indépendance vous soit imposée. Cela aussi n’arrivera jamais (…) Au final, ce seront les Polynésiennes et les Polynésiens qui choisiront de rester dans l’ensemble français ou de trouver une autre expression de la relation qui nous liera à ce partenaire historique que restera, de toute façon, la France ».


Pour conclure, le nouveau chef de l’exécutif s’est adressé à la « jeunesse ». : « Je voudrais dire que vous êtes réellement l’avenir de ce pays. Il faut que vous soyez fiers d’être polynésiens (…) Il faut que vous ayez envie de bâtir tous ensemble ce pays. À charge, pour nous, de créer les conditions pour que vous trouviez votre voie ». « Sans nos langues, nous ne sommes plus rien », a-t-il ajouté, leur maîtrise étant « la condition sine qua non pour que nos enfants puissent être ce qu’ils sont, sans exclure les autres cultures ».

« Nous ne voulons plus d’instabilité »

En préambule de son discours, Edouard Fritch a, lui, adressé ses « vœux de réussite au Tavini Huiraatira et ce, au nom de l’intérêt de la Polynésie française ». Il a assuré vouloir « tourner la page » et « profiter de ces 5 années pour réparer nos propres défauts ».

« Nous ne voulons plus d’instabilité. Ne voyez pas dans la prime majoritaire, un complot de l’Etat (…) Nous voulions arrêter cette valse politique (…) C’était une volonté souhaitée par cette majorité (…) Vous -les représentants Tavini, Ndlr- êtes un grand nombre d’élus (…) Je vous souhaite bon vent pour les 5 prochaines années. La stabilité aidera le Pays », a-t-il indiqué.

Le président sortant a ensuite vanté le statut d’autonomie. Un « partenariat avec l’Etat » qui a « permis aux communes de se développer de manière importante (…), de mieux équiper tous nos archipels » et d’assurer « la surveillance totale et efficace de notre zone économique ». « Nous avons besoin d’une grande nation démocratique qui nous protège et nous respecte. Cette grande nation démocratique, c’est la France ».

Il a, dans la foulée, martelé « que l’autonomie est la meilleure solution institutionnelle » pour le Pays. « Ce statut a permis de façonner la Polynésie moderne enviée par nos voisins du Pacifique (…) L’autonomie nous donne toute la latitude pour répondre aux besoins de notre population (…) tout en respectant notre culture et nos particularités (…). Ce n’est pas l’autonomie qui créée la misère mais la mauvaise gestion des affaires publiques (…). Ne mordons pas la main de celui qui nous donne à manger (…). Nos échecs et nos réussites ne sont que le fruit de nos propres décisions », a-t-il lancé.

Et Edouard Fricth de conclure : « Nous sortons de cette mandature avec la tête haute et le sentiment du devoir accompli. ‘Fa’aitoito’ -bon courage, NDLR- Moetai. Que Dieu bénisse ce pays ».

Benoît Kautai met en garde la majorité

Surprise du jour, le Marquisien Benoît Kautai, représentant du Tapura, s’est lui aussi porté candidat pour faire entendre la voix de son archipel. Dans son discours, il a souligné que le parti indépendantiste avait recueilli, au second tour des Territoriales, « 44% des suffrages ». Il a aussi et surtout insisté sur le fait que « 81 107 électeurs, soit un peu plus de 55% des suffrages (…) se sont portés en faveur des partis autonomistes ». « La Polynésie française demeure une terre autonomiste rattachée à la France. Ce constat est encore plus vrai pour les Marquises. Près de trois quarts des électeurs ont donné leur confiance aux autonomistes ».

Benoît Kautai a en outre milité pour la création d’une « communauté d’archipel » aux Marquises, « une innovation institutionnelle », sur le modèle des provinces en Nouvelle-Calédonie, « pour répondre aux besoins » de la population de ces îles. « Un échelon intermédiaire entre le Pays et les communes (…) afin d’aboutir à plus d’autonomie ». 

Il ne souhaite pas « remettre en cause l’unité » de la Polynésie, mais l’élu a mis en garde la nouvelle majorité. « Sachez-le, cela pourrait changer si le Tavini Huirratira venait à marchander avec une nation étrangère, en particulier la Chine (…) ou s’il engage le Pays dans une indépendance dont nous ne voulons pas (…).  Il n’y a aucune raison pour que le peuple marquisien, numériquement inférieur en habitants, soit trainé dans un processus qu’il n’a pas choisi (…). Accepter cette différence, c’est respecter la singularité des peuples qui composent la Polynésie française ». Au moment du vote, Benoît Kautai a annoncé le retrait de sa candidature.

« Nous souhaitons que cette mandature soit une victoire collective »

Pour débuter son intervention, Nicole Sanquer, l’une des trois élus non-inscrits du A Here Ia Porinetia a quant à elle ciblé la majorité précédente « enfermée dans ses certitudes, souvent arrogante et surtout méprisante ». « Les Polynésiens ont surtout exprimé ce qu’ils ne voulaient plus pour leur pays. Nous espérons que cette défaite conduira ceux qui en sont les seuls responsables à une salutaire autocritique qui, avouons-le, n’est pas le fort du parti politique déchu », a-t-elle taclé.

« Nous voulons croire que la majorité qui s’installe ne s’enfermera pas dans les mêmes travers. Celui du déni de démocratie, celui de la confiscation du pouvoir par crainte de le perdre (…) celui de la démesure face à la précarité et la pauvreté grandissante de nos familles, celui de l’impunité aux règles que l’on édicte (…) Nous souhaitons que cette mandature soit une victoire collective (…) une réussite pour notre pays et pour son peuple. Pour chacun de nous quelle que soit son origine, sa profession, ses choix idéologiques (…) Nous souhaitons que cette mandature soit la naissance d’une nouvelle ère pour notre société », a-t-elle ajouté.

Nicole Sanquer a appelé à « passer rapidement à l’action » sur « trois axes majeurs » : « la réduction de nos inégalités sociales, la réforme de notre modèle économique et le changement de notre système politique ». Puis elle a égrené les nombreuses préconisations formulées durant la campagne par A Here Ia Porinetia, en matière économique, fiscale, de santé ou d’éducation. 

« Refonder notre autonomie est indispensable pour redonner confiance au peuple », a-t-elle considéré. « Changer les élus, changer nos gouvernants, ceux qui sont là depuis trop longtemps et qui n’ont malheureusement plus aucune solution à nous proposer. C’est aussi ça le sens de notre engagement ». « Changer de système politique en mettant fin à la soumission des maires, aux subventions accordées par le gouvernement en échange d’un reniement de leur engagement politique. 48 maires sur 48 qui soutiennent le président. Ce n’était pas un soutien, c’était le témoignage d’une soumission politique et le contraire de l’expression démocratique », a-t-elle dit avant de s’adresser aux femmes de l’assistance : « Seule une d’entre nous a réussi à atteindre le perchoir -de l’Assemblée, en l’occurrence Lucette Taero, Ndlr- et aucune à la tête de la première institution du Pays. Pourtant, la solution est bel et bien en nous ».

Lundi matin, le nouveau président Moetai Brotherson, qui démissionnera de son poste de député de l’Assemblée nationale, dévoilera les membres qui composeront son gouvernement.

Revoir notre liveblog sur l’élection de Moetai Brotherson ICI

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