Pour son discours d’ouverture de la session budgétaire, Moetai Brotherson, a évoqué les « orientations générales de la politique publique » du gouvernement, sans véritablement entrer dans le détail. Ce qui sera fait à « l’occasion du débat budgétaire » qui se tiendra durant l’ensemble de cette session.
Mais le chef de l’exécutif a dit vouloir, durant sa mandature, donner « un cap nouveau » au Pays « en redonnant des perspectives et de nouvelles opportunités d’emploi » à la « jeunesse », en « fléchant les aides à l’emploi vers les entreprises privées, vers les secteurs prioritaires de développement » : « le secteur primaire, le tourisme, le numérique et la transition énergétique ».
« Nous ambitionnons d’adapter nos filières traditionnelles pour réduire nos dépendances et la misère sociale qui existe de manière grandissante dans notre population. Nous ne voulons pas simplement protéger l’environnement, mais qu’il soit notre atout de développement et le centre de notre identité commune. Le soleil, le vent, les océans sont notre alternative aux hydrocarbures fossiles », a-t-il souligné, estimant que la « bifurcation écologique » était « indispensable » et à la « portée » de la Polynésie. Sur ce thème, il a annoncé le lancement d’un « chantier de reconversion globale de toute la chaîne, avec les acteurs ».
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« Quoi qu’il en coûte »
Moetai Brotherson a ainsi préconisé d’utiliser « les méthodes de production d’hydrogène grâce » aux déchets. Une solution « qui fonctionne » à « partir d’une ressource renouvelable et sans émission de gaz à effet de serre ». « Ces défis, il nous faut y répondre avec des individus formés et qualifiés. C’est pour cela que le retour des forces vives originaires de nos territoires, nos talents, est un préalable indispensable » a-t-il ajouté, précisant que la Polynésie soutiendrait « quoi qu’il en coûte les entreprises innovantes ».
« Le secteur de l’innovation doit avoir sa place chez nous. De l’exploitation des rori, en passant par celle des cônes du Pacifique, des hautes technologies, du cannabis thérapeutique, du chanvre industriel et bien d’autres secteurs, j’inclus bien évidement les applications du numérique », a-t-il encore dit. « Dès 2024 » une école de codage verra ainsi le jour en « partenariat avec des géants du numérique ».
Le président a ensuite évoqué des sujets « qui interrogent » comme le projet du Village Tahitien, initié par le gouvernement précédent, et qui « comporte des faiblesses ». « Il représente, d’ici 2028, l’engagement de 42 milliards de deniers publics », a-t-il souligné.
Il en est de même pour l’organisation les Jeux du Pacifique de 2027, dont la Polynésie doit être le pays hôte. Sans abandonner le projet, le président a expliqué que les coûts de cet évènement étaient chiffrés à « 36 milliards » : « De tels engagements sont-ils compatibles avec le quotidien de notre peuple ? Assurément, non ».
Moetai Brotherson a dit vouloir, sur chaque dossier d’importance, « s’assurer de la soutenabilité budgétaire » de ceux-ci. « Nous mettrons en place une révision de la fiscalité pour la rendre plus juste et plus équitable (…) Nous conduirons une réelle politique de maîtrise des dépenses publiques sur toute la mandature », a-t-il encore assuré, avant de conclure : « Nous avons sur les 5 années qui viennent, la possibilité de mettre en œuvre nos idées. Pour une société économiquement prospère et socialement juste, où chaque Polynésien trouve sa place ».
La 29 juin ne sera plus un jour férié
Avant lui, c’est le président de l’Assemblée, Antony Géros, qui a pris la parole. Le titulaire du perchoir a profité de la tribune pour faire plusieurs annonces. La première : la suppression du 29 juin comme jour férié, remplacé par le 1er septembre, date d’accession de l’Eglise Protestante Maohi à son indépendance. Il a fait valoir que le 29 juin était une « date sombre », celle de l’annexion de la Polynésie par la France, en 1880, mais aussi de la « pseudo autonomie » du Pays, en 1984. Avoir instauré un jour férié à cette date était « de nature à entraver la bonne éducation politique de notre peuple », a-t-il considéré.
Ce à quoi Moetai Brotherson a tenu à lui répondre. « Nous nous rejoignons sur la nécessité de trouver une date qui fasse moins polémique. Cette date nous divise. Mais il ne faudrait pas que la prochaine date retenue nous divise de nouveau (…) Ce débat doit se tenir, et cette Assemblée est le lieu naturel de ce débat, mais il devrait être élargi, si possible, à la société civile », a martelé le président, « ni protestant, ni catholique ».
Quant aux relations avec le gouvernement central, là-aussi Moetai Brotherson s’est directement adressé à Antony Géros : « Depuis le début de mon mandat, j’ai tissé des relations fortes avec l’État. Je ne vois pas en l’État un adversaire. Je vois l’État comme un partenaire (…) Pour autant, celui qui se trouve devant vous, aujourd’hui, est indépendantiste, mais aussi profondément républicain et démocrate ».
« La parole de l’ensemble du peuple maohi » à l’ONU
Parmi les autres annonces du président de l’Assemblée : « la création d’une nouvelle commission ad ’hoc en matière de décolonisation » coprésidée par lui-même et par le chef de l’exécutif, Moetai Brotherson. « Elle permettra à l’Assemblée de pouvoir être partie prenante du dialogue multilatéral (…) entre notre collectivité et la puissance administrative », a déclaré Antony Géros.
Celui-ci a aussi annoncé la construction à venir d’une nouvelle annexe de l’Assemblée, face à l’actuelle présidence, destinée aux collaborateurs des représentants, mais aussi la « rénovation complète » des bâtiments actuels de l’institution pour les « agrandir » et les « moderniser ».
Pour conclure, Moetai Brotherson a, lui, confirmé qu’il se rendrait à compter de vendredi à Washington pour une rencontre avec Joe Biden et les leaders du Forum des îles du Pacifique, avant de participer, au siège des Nations Unies, à la 4ᵉ commission, aux côtés de plusieurs des cadres historiques du Tavini. Il a appelé ceux-ci à avoir une position consensuelle et non partisane : « Nous devrons garder à l’esprit, dans les propos que nous tiendrons là-bas, que nous n’allons pas porter la parole que d’une seule partie du peuple maohi, mais que nous devons porter, si possible, la parole de l’ensemble du peuple maohi ».