Moetai Brotherson : « A aucun moment on s’est posé la question de prendre une partie de nos salaires pour faire un fonds de solidarité »

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La séance extraordinaire à l’assemblée de la Polynésie française se poursuit. Lors des votes, deux représentants de l’opposition se sont abstenus : le député Moetai Brotherson et la représentante indépendantiste Eliane Tevahitua. Le député s’en explique.

Publié le 19/03/2020 à 14:06 - Mise à jour le 17/04/2020 à 9:34

La séance extraordinaire à l’assemblée de la Polynésie française se poursuit. Lors des votes, deux représentants de l’opposition se sont abstenus : le député Moetai Brotherson et la représentante indépendantiste Eliane Tevahitua. Le député s’en explique.

Pourquoi vous êtes-vous abstenu lors du vote ?
« Nous sommes deux à nous être abstenus, pour les mêmes raisons : Eliane Tevahitua et moi-même. Il y a deux familles de raisons. Il y a des raisons structurelles, mais il faut d’abord préciser une chose. Nous ne sommes pas intervenus lors des débats parce que nous ne voulions pas le prolonger, et il nous semblait évident que ces mesures allaient être adoptées. Ce ne sont pas nos deux abstentions qui auraient empêché l’adoption de ces mesures. Maintenant, qu’est-ce que le rôle de l’assemblée ? C’est de contrôler l’action du gouvernement, ce n’est pas lui donner un blanc-seing, ce n’est pas au nom d’une union sacrée d’oblitérer les esprits critiques. Et pour nous il y a d’abord une première famille de questions qu’il faut se poser, des questions structurelles sur le dispositif en lui-même, sur le montant qui est alloué. C’est l’avantage du confinement, j’ai passé les derniers jours à relire les 7 derniers budgets. Et selon mes calculs il y a à peu près 38 milliards de réserve, alors pourquoi est-ce qu’aujourd’hui on nous impose d’aller prélever encore de l’argent. C’est une première question à laquelle je n’ai pas eu la réponse.
L’aide aux employés c’est bien, mais qu’est-ce qu’on fait pour les entreprises ? Qu’est-ce qu’on va faire des 20 milliards ? Sur les 30 milliards, il y en a 20 qui sont alloués et il n’y a pas d’utilisation prévue aujourd’hui. Il y en a 10 qu’on sait à peu près ce qu’on veut faire avec, mais les 20 autres on ne sait pas.
La deuxième raison est symbolique. Depuis ce matin on nous parle de solidarité, ce sont des mots qui sont fantastiques mais à aucun moment dans notre réflexion on s’est posé la question de savoir si on n’allait pas nous, les élus, et eux, les ministres, prendre une partie de nos salaires pour faire un fonds de solidarité.

Vous seriez d’accord pour le faire ?
« Bien évidemment ! J’attendais ça et je ne l’ai pas eu ; et c’est une des raisons de mon abstention. »

L’institution néanmoins fait un geste…
« L’institution fait un geste, oui certes, mais quand on vient parler à la population de solidarité, quand on a été élu par la population, je pense que la première des choses est de commencer par soi. »

Que pensez-vous des mesures annoncées ? (couvre-feu, déplacements limités entre le sud et le nord de l’île…)
« C’est des mesures qu’on aurait dû prendre plus tôt. Il y a le dossier sanitaire et médical et il y a le dossier économique. Ce qu’on aborde aujourd’hui c’est principalement le dossier économique. On nous a annoncé en marge de la discussion un durcissement des mesures sanitaires et médicales ; je suis tout à fait d’accord. Le président a raison de dire que le plus efficace c’est de rester chez soi. Vous voulez sauver des vies, restez chez vous. »

Et par rapport au fait d’affrêter un avion spécial pour aller chercher du matériel médical en Chine ?
« C’était important de le dire. Je pense qu’ils n’ont pas voulu le dire jusqu’à présent pour ne pas que les gens se mettent à aller à la plage en disant : c’est bon, tout va bien, il y a un avion qui arrive avec de la chloroquine, des masques, etc. Non, restez chez vous. Mais il faut se féliciter qu’il y ait cette démarche. Je ne sais pas exactement où ils en sont aujourd’hui. Ça a été annoncé, on va le suivre de près. Mais je me réjouis également que le décret ait été pris hier en France pour l’utilisation de la chloroquine. Ça veut dire qu’on peut aujourd’hui utiliser la chloroquine. »

Le soutien de l’Etat est-il satisfaisant ?
« Il y a d’abord la représentation de l’Etat en Polynésie, et là je pense qu’ils font ce qu’ils peuvent. On les voit travailler dans la cellule de crise avec le gouvernement. Je n’ai aucune raison de douter de leur bonne foi, de leur bonne volonté. Et puis il y a l’Etat au niveau national et là, pour l’instant, force est de constater que dans la mappemonde de la République française, la Polynésie française n’existe pas. Pour l’instant il n’y a pas grand-chose. »

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