Les indépendantistes de Corse, de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Guyane renforcent et consolident leurs liens

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Depuis Corte, où se tenaient ce weekend les Journées internationales de Corse, les élus indépendantistes de l’île de Beauté, mais aussi de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Guyane ont signé une déclaration commune pour notamment, "renforcer et consolider leurs liens de solidarité politique sur la scène régionale, nationale et internationale".

Publié le 11/08/2022 à 16:28 - Mise à jour le 12/08/2022 à 16:33

Depuis Corte, où se tenaient ce weekend les Journées internationales de Corse, les élus indépendantistes de l’île de Beauté, mais aussi de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Guyane ont signé une déclaration commune pour notamment, "renforcer et consolider leurs liens de solidarité politique sur la scène régionale, nationale et internationale".

Organisées ce 6 et 7 août, les Ghjurnate Internaziunale di Corti, réunions d’organisations indépendantistes et autonomistes du monde entier, ont conclu sur la signature d’une déclaration commune de solidarité entre les mouvements indépendantistes de Corse, de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie, de Guyane et du Pays Basque espagnol.

« Renforcer et consolider leurs liens de solidarité politiques sur la scène nationale, régionale et internationale » ; « développer des programmes d’actions et de coopérations auprès des peuples frères en lutte pour leurs souverainetés en Europe, dans le Pacifique et dans le monde » ; « investir davantage les programmes politiques développés par les parties » : tels sont les trois engagements de cette déclaration signée par les représentants des partis indépendantistes corse, polynésien, kanak, guyanais et basque. 

Les signataires ultramarins de cette charte sont plus précisément les députés Moetai Bortherson et Tematai Le Gayic pour la Polynésie et le parti indépendantiste Tavini Huira’atira, ainsi que Jean-Victor Castor pour la Guyane et le Mouvement de Décolonisation et d’Émancipation sociale (MDES), mais aussi Michael Forrest, membre du gouvernement calédonien et Alosio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien, parti indépendantiste composant le FLNKS.

La rédaction d’Outremers360 a contacté le député Moetai Brotherson (GDR-Nupes, Tavini Huira’atira), également président de la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, à l’issue de ces deux journées de rencontre :

Outremers360 : Quel bilan tirez-vous de ces Ghjurnate Internaziunale di Corti ?
Moetai Brotherson : Comme tous les ans depuis 1981, sauf les deux dernières années de crise sanitaire, les Ghjurnate Internaziunale di Corti sont organisées par le parti indépendantiste corse Corsica Libera, qui invite tous les partis souverainistes, indépendantistes, nationalistes, aussi bien de l’ensemble français que d’autres pays. L’objectif, c’est de faire un partage des expériences, de faire des points de situation avec chacune des délégations présentes et puis d’étudier ensemble les perspectives, les possibilités de coopération. 
Cette année fut très riche car il y avait une délégation catalane, une délégation d’Écosse, une délégation du Biafra, une autre de Kabylie, et bien sûr nos amis basques, nos frères kanak, la Guyane était présente ainsi que Ma’ohi Nui et naturellement, les Corses. Il y a eu beaucoup de discussions : des discussions auxquelles nous avons participé, d’autres que nous avons davantage écouté. On m’a demandé d’intervenir sur la médiation internationale dans les conflits qui opposent les territoires occupés à la puissance administrante, ce qui m’a permis de faire un récapitulatif historique des relations franco-ma’ohi et finalement la sortie du tunnel bilatéral avec notre réinscription sur la liste des territoires à décoloniser des Nations Unies.


À l’issue de ces deux journées studieuses, nous avons décidé de signer une déclaration commune autour de la solidarité des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle a été signée par cinq partis politiques qui étaient présents : Corsisa Libera, Tavini Huira’atira, FLNKS, MDES et Euska Herria Bai. Au départ, on souhaitait que tout le monde puisse signer cette déclaration commune, mais pour des raisons de cohérence d’écriture, nous nous sommes cantonnés aux territoires sous administration française : par rapport aux « considérants » que nous avons inscrit en préambule, certains ne s’appliquent pas aux Catalans ou aux Écossais et autres territoires qui ne sont pas sous administration française. 

Il se dit que les Corses regardent de près le statut d’autonomie de la Polynésie ?
En Corse, il y a deux mouvances. Celle qui est actuellement à l’exécutif, qui est majoritaire à l’Assemblée de Corse et qui a aussi des députés à l’Assemblée nationale : c’est la mouvance autonomiste. C’est surtout cette mouvance-là qui est très intéressée par notre statut, pour qui notre statut représente un objectif. Bien sûr, nous discutons avec cette mouvance, avec Gilles Simeoni, président de l’exécutif corse, et avec les députés Acquaviva, Castellani, Colombani. Mais nous, Tavini Huira’atira, nous sommes plus proches bien évidemment de la mouvance indépendantiste nationaliste, représentée par le parti Corsica Libera et Jean-Guy Talamoni.
Pour Corsica Libera comme pour le Tavini Huira’atira, l’Autonomie n’est pas forcément quelque chose de mal mais ça doit être perçu comme une période transitoire vers la pleine souveraineté. C’est ce qui nous différencie de nos collègues autonomistes.

Sur les évolutions statutaires avec notamment la révision constitutionnelle qui aura lieu pour la Nouvelle-Calédonie, le fait que plusieurs territoires, comme la Guyane, veulent en profiter pour faire évoluer leur statut, et que la délégation sénatoriale aux Outre-mer souhaite aussi travailler sur ce sujet : est-ce que ces perspectives ont été abordées durant ces journées ? 
Cela faisait 15 ans que la Guyane n’était pas revenue à Corte. Ce retour est bien évidemment lié aux Législatives et à l’élection de mon collègue Jean-Victor Castor. Je ne cantonnerais pas cette volonté de revisiter les relations avec l’État à la seule Guyane. En discutant avec mes collègues des Outre-mer, j’ai le sentiment qu’il y a dans tous les territoires ultramarins cette volonté de revisiter les relations avec l’État, avec toutefois des curseurs positionnés différemment suivant chaque territoire.

Par exemple, d’un côté du spectre, il y a Mayotte qui aspire à être Française. Mayotte est un département qui se sent déconsidéré en tant que Français. Et d’un autre côté, il y a le reste des Outre-mer qui veulent soit plus de régionalisation, plus de décentralisation, plus d’autonomie, ou encore la pleine souveraineté. Mais tous demandent moins de « jacobinisme » et une redéfinition de leurs relations avec l’État. 

Est-ce que vous, en tant qu’indépendantistes, vous pensez pouvoir tirer un bénéfice de ces évolutions statutaires, ou alors ne craignez-vous pas qu’elles verrouillent les volontés d’indépendance et de pleine souveraineté. On pense notamment à la Nouvelle-Calédonie qui a répondu trois fois non à l’indépendance, bien que le troisième référendum soit contesté, il y a eu ces trois non à l’indépendance et donc on peut considérer que la question est soldée. Est-ce que ces évolutions statutaires et institutionnelles ne vont pas verrouiller les combats indépendantistes ?
Je ne pense pas. Je pense que le fait que l’ensemble des Outre-mer veuille moins de « jacobinisme » et plus d’émancipation à des degrés différents, créent une dynamique supplémentaire pour le combat indépendantiste du Tavini Huira’atira. Concernant Kanaky-Nouvelle-Calédonie, nous, au Tavini Huira’atira, avons toujours refusé la tenue du 3ème référendum et nous considérons que son résultat n’est pas valide et pertinent. Pour nous, il y a deux référendums, et les résultats de ces deux référendums montrent une dynamique en faveur des indépendantistes. Et si le peuple premier, si les Kanak avaient participé au 3ème référendum, le oui à l’indépendance aurait certainement été victorieux. Donc pour nous, pour les indépendantistes kanak, pour l’ONU et pour le Forum des îles du Pacifique, les résultats du 3ème référendum sont nuls et non avenus. Maintenant il appartient aux Calédoniens de discuter de cela avec l’État.

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