La Polynésie aura-t-elle son mot à dire dans le Pacifique ?

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Publié le 05/09/2016 à 13:26 - Mise à jour le 05/09/2016 à 13:26

Les “Smaller Island States”, les petits Etats insulaires du Pacifique, sont déjà à Palikir, sur l’île de Pohnpei, l’un des quatre Etats fédérés de Micronésie. Mercredi, ils seront rejoints par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, pour l’ouverture du 47e Forum des Iles du Pacifique. Et par la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, deux collectivités non indépendantes qui souhaitent leur intégration dans le forum.

Edouard Fritch viendra lui-même défendre cette candidature, comme l’an dernier en Papouasie Nouvelle-Guinée, et comme Gaston Flosse et Oscar Temaru lorsqu’ils étaient au pouvoir. Pourquoi est-ce si important pour la Polynésie française ? D’abord pour une question de fierté, d’identité : nous ne sommes que membres associés du Forum, sans pouvoir de décision (Wallis-et-Futuna dispose d’un statut encore moins enviable de « membre observateur ». Bien qu’incontestablement Océaniens, nous pouvons passer pour un pays de seconde zone auprès des 16 pays qui en sont membres à part entière. Chaque année, au dernier jour du Forum, tous les leaders se retrouvent lors d’une “retraite”, un moment plus intime, sans conseillers et sans la presse, pour parler de manière plus informelle. Les membres associés, comme la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, ne sont pas invités…
 
Mais au-dela de ces questions d’orgueil, Papeete et Nouméa souhaitent avoir leur mot à dire dans les décisions du Forum. Des décisions qui semblent peser bien peu dans le concert des nations, et les voix du Pacifique résonnent rarement à l’ONU. Pourtant, c’est bien la déclaration du Forum des Iles du Pacifique, l’an dernier à Port Moresby, qui a orienté l’engagement planétaire de la COP21 : les pays signataires (rejoints samedi dernier par les plus grands pollueurs : les Etats-Unis et la Chine) s’engagent à limiter à 2 degrés le réchauffement climatique, et si possible à 1,5 degré. C’était le voeu des petits Etats insulaires, les plus menacés par la montée des eaux et l’augmentation des cyclones.
 
Si la Polynésie était membre à part entière du Forum, elle pourrait participer de manière plus directe aux décisions à venir sur l’organisation de la desserte aérienne dans le Pacifique, un enjeu majeur pour le tourisme. Obtenir aussi, comme le souhaitent les Etats indépendants, de meilleurs prix sur les carburants, en effectuant des achats groupés.
 
Qui freine donc l’intégration de la Polynésie et de la Calédonie dans le Forum ? Difficile à savoir avec certitude, tant les discours diplomatiques sont policés : à les entendre, tous les Chefs d’Etat y sont favorables.

Australie et Nouvelle-Zélande ont du poids, car les petits Etats insulaires dépendent de leurs aides. Ils ont longtemps été opposés a l’intégration des collectivités françaises dans le forum, craignant l’entrisme de la France dans la politique océanienne. Mais les rapports se sont réchauffés avec Paris : Canberra et Wellington sont désormais ouvertement favorables à l’intégration de la Polynésie et de la Calédonie.

Les autres Etats polynésiens, eux aussi, voient cette intégration d’un bon oeil. Elle renforcerait leur propre poids par ricochet, puisque les Cook et les Kiribati, par exemple, ont des intérêts géographiques communs, comme la surveillance de leur zone de pêche. Les Samoa et les Tonga, elles aussi, n’ont jamais caché leur attachement culturel à la Polynésie française.

Restent les Mélanésiens. C’est sans doute de là que viennent les résistances. De manière générale, le Forum répugne à intégrer des pays non indépendants ; ce serait d’ailleurs une première. Mais les pays mélanesiens semblent plus méfiants encore, craignant peut-être l’affaiblissement de leur influence au profit des Polynésiens.
Le FLNKS, actif au sein du groupe mélanésien Fer de Lance, souhaiterait aussi repousser ces intégrations après le référendum calédonien de 2018.

Or, les décisions du Forum ne sont pas soumises au vote. Il faut un consensus des 16 pays membres : il suffit donc de quelques opposants, ou même d’un seul suffisamment déterminé, pour repousser l’intégration à l’année prochaine… même si l’an passé, les Etats membres avaient montré de réels signes d’ouverture.

La décision du Forum devrait être connue samedi, a l’issue de la “retraite des leaders”.
 

Mike Leyral

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