Édouard Fritch sur la suppression de la TVA sociale : « Ce n’est pas réfléchi du tout »

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Invité de notre journal ce lundi, l'ancien président du Pays et leader du groupe Tapura Huiraatira à l'Assemblée de la Polynésie française Édouard Fritch est revenu plus en détail sur les premières annonces du gouvernement Brotherson pour lutter contre la vie chère et maîtriser le poids de la dette. Des mesures qui s'inscrivent, selon lui, dans la continuité du travail mené par le Tapura : "On prend le même nid et on fait d'autres œufs dedans", analyse-t-il.

Publié le 29/08/2023 à 11:08 - Mise à jour le 30/08/2023 à 8:18

Invité de notre journal ce lundi, l'ancien président du Pays et leader du groupe Tapura Huiraatira à l'Assemblée de la Polynésie française Édouard Fritch est revenu plus en détail sur les premières annonces du gouvernement Brotherson pour lutter contre la vie chère et maîtriser le poids de la dette. Des mesures qui s'inscrivent, selon lui, dans la continuité du travail mené par le Tapura : "On prend le même nid et on fait d'autres œufs dedans", analyse-t-il.

TNTV : La suppression de la taxe CPS (Contribution pour la solidarité, communément appelée TVA sociale, ndlr) doit intervenir dès le 1er octobre. Vous avez eu du mal à faire accepter cette mesure à l’époque où vous étiez à la tête du Pays. Comment réagissez-vous face à cette suppression ?

Édouard Fritch, président du groupe Tapura Huiraatira à l’Assemblée de la Polynésie française : « Il faut retenir ce qui vient d’être dit, il faudra trouver des recettes pérennes pour maintenir l’équilibre de nos fonds. C’est le plus important, ne plus compter sur une augmentation des prix, de rentrée de la TVA, tout cela correspond à des calculs incertains qui font que les régimes risquent de ne pas répondre à nos besoins. La question de savoir pourquoi on a supprimé ces 1% alors qu’il y a une incertitude sur la baisse des prix dans nos magasins et qu’il y a une réelle inquiétude sur les taxes ou les impôts qui vont venir remplacer la taxe sociale. Ces deux choses font qu’aujourd’hui, on se demande s’il n’y a pas une ‘inpréparation’ dans les annonces qui ont été faites et les décisions qui ont été prises, sur les deux volets : à savoir le fait que l’on se sépare de 9 milliards de Fcfp de recettes qui ne vont pas atteindre les objectifs politiques que l’on s’est fixés, c’est-à-dire d’abaisser le coût de la vie. Surtout, sur quoi allons-nous baser la recherche de nouvelles recettes pour compenser ces 9 milliards ? »

TNTV : C’est une suppression précipitée, selon vous ?

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Édouard Fritch : « Ce n’est pas réfléchi du tout. Il y a eu un problème de préparation là-dessus » .

TNTV : À la base, cette mesure de TVA sociale était provisoire. Ensuite, il y a eu une reconduction. Est-ce qu’elle était amenée à être pérenne ?

Édouard Fritch : « Nous étions partis pour deux années de TVA sociale, parce que nous estimions qui fallait deux ans pour atteindre l’équilibre des fonds sociaux. Compte tenu du fait que le nombre d’emplois, le nombre de cotisants va augmenter, et aussi du fait que le contexte économique sera beaucoup plus favorable. Aujourd’hui, on supprime et on se pose des questions pour savoir comment on fait demain » .

TNTV : L’augmentation de la CST, est-ce une solution ? Lorsque vous avez décidé de mettre en place la TVA sociale, aviez-vous ces pistes de réflexion ?

Édouard Fritch : « Parallèlement, nous avons déjà augmenté la CST. C’est la deuxième mesure qui a été prise pour l’équilibre des fonds sociaux. Aujourd’hui, on entend dire que Moetai Brotherson souhaiterait encore augmenter la CST sur les salaires de 600 000 Fcfp et plus, mais de combien ? On ne sait pas. D’après nos calculs, il faudrait une augmentation de l’ordre de 60 à 70% de cette CST pour que l’on puisse répondre aux besoins des fonds sociaux. La deuxième chose, c’est une augmentation des cotisations sociales à la CPS. On parle de 14 à 20%, ce qui est énorme. Ce sont des préconisations, mais c’est compliqué parce que cela joue contre l’emploi. Dès que les cotisations augmentent, plusieurs smigards sont laissées sur le carreau parce que le coût du travail en Polynésie est excessivement cher. Il faut trouver un équilibre, une solution, le plus rapidement possible » .

TNTV : Autre décision prise par Moetati Brotherson : restituer 3 milliards sur l’emprunt contracté par votre gouvernement, afin d’alléger la dette du Pays. Est-ce judicieux selon vous ?

Édouard Fritch : « La démarche d’allégement de la dette du Pays, nous l’avons commencé sur ce budget 2023. Ce qui nous est dit aujourd’hui, c’est plus une décision politique, pour dire que le Tapura Huiraatira a emprunté trop d’argent et dire ‘nous voulons être plus vertueux’. Mais là où ils sont en train de nous tromper, c’est que l’on va rendre 3 milliards de Fcfp, de l’argent qui peut être utilisé en investissement pour construire ou donner du travail pour la commande publique. On va rendre 3 milliards, je vous donne rendez-vous au mois de décembre prochain où on va nous annoncer qu’on va aller emprunter encore 8 milliards, parce qu’il faudra emprunter de l’argent pour fiancer la commande publique. Au mois de décembre prochain, dans le budget du Pays, on sera obligés d’emprunter » .

TNTV : Un mot sur le déplacement du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin au fenua et son anonnce de faire venir une commission chargée d’estimer les dépenses réelles supportées par la CPS pour la prise en charge des victimes de maladies radio induites. Qu’en pensez-vous ?

Édouard Fritch : « Je suis un peu étonné. C’est un process que nous avons lancé depuis un certain temps. Quel est le souci de l’État ? C’est de payer ce qui est dû au Pays, et non pas de payer sur des estimations. Il y avait 100 milliards avant les élections, 100 qui sont venus se rajouter après… On est en train de perdre du temps. Effectivement, l’approche a été bien avancée, nous avons beaucoup travaillé là-dessus et nous étions en phase de conclusion. Maintenant, s’il faut faire venir des inspecteurs du côté fiscal, etc, on va perdre du temps » .

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TNTV : Moetai Brotherson a fait de la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques une priorité. C’était déjà le cas lorsqu’il était député. La majorité actuelle a l’intention de faire abroger la loi de Pays préparée par votre gouvernement pour la remplacer. Est-ce là aussi une décision politique selon vous ?

Édouard Fritch : « On ne doit pas parler du même paka, ou de la même plante. Pourquoi annuler une loi ? C’était compliqué de la mettre en place. J’ai bien compris que l’on a envie d’avancer très vite, mais effectivement, ce que veut faire l’actuelle majorité, c’est d’introduire dans la loi le paka récréatif, c’est-à-dire l’utilisation pour autre chose que pour faire du CBD. Là, par contre, on sera opposés à ce que l’on reconnaisse que chez nous, fumer le paka est dépénalisé. Sinon, la loi est là, il faut avancer et ne pas perdre de temps. J’ai vu que dans la série de mesures annoncées par le président, beaucoup de choses viennent déjà de chez nous. Les Fare ora s’appelaient, avant le mois de juin, Fare natira. On en a mis deux en place, c’est la même chose. Il y a les cartes Fetiaora qui existaient déjà… On prend le même nid et on fait d’autres œufs dedans » .

TNTV : Où en est la plateforme autonomiste que vous aviez l’interntion de créer avec Gaston Flosse? Est-ce toujours à l’ordre du jour ?

Édouard Fritch : « Oui. Mon partenaire Gaston Flosse n’est pas sur place, donc nous n’avons pas eu l’occasion d’en reparler, mais nous avons évolué dans notre concept de cette plateforme. Dès qu’il sera rentré, nous allons élargir les consultations aux autres autonomistes qui existent, aux autres partis. Il faudra que l’on se mette bien ensemble et qu’on regarde comment évolue le Pays avec cette actuelle majorité. Il y a des tendances fortes au niveau du Tavini Huiraatira qui ne viennent pas dans le bon sens. Il faudra se tenir prêts » .

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