Antony Géros : Tapura – Amuitahiraa, « l’alliance de la carpe et du lapin »

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Tête de la section 2, le vice-président du Tavini Huiraatira était l'invité de nos journaux hier soir. Indépendance, alliance entre le Tapura et le Amuitahiraa, nominations des postes clés au gouvernement... Antony Géros se veut prudent et attend de "gagner les élections" avant d'envisager la suite.

Publié le 21/04/2023 à 10:03 - Mise à jour le 28/12/2023 à 9:49

Tête de la section 2, le vice-président du Tavini Huiraatira était l'invité de nos journaux hier soir. Indépendance, alliance entre le Tapura et le Amuitahiraa, nominations des postes clés au gouvernement... Antony Géros se veut prudent et attend de "gagner les élections" avant d'envisager la suite.

TNTV : Avant d’évoquer votre programme, on doit parler de la question de l’indépendance. Moetai Brotherson, que vous avez désigné président en cas de victoire, se veut rassurant sur la question de l’indépendance. Il ne veut pas être dans la précipitation. On sait que ce n’est pas l’avis de tous, au sein du tavini. Pour Ocar Temaru, le scrutin du 30 avril fera office de referendum d’autodértermination. Quelle est votre position en cas de victoire?

Antony Géros : « L’accès de ce Pays à l’indépendance s’inscrit dans un processus. Ce n’est ni le Tavini, ni Oscar Temaru, ni Moetai ni moi-même qui vont définir les contours, les tenants et aboutissants. Ce processus doit démarrer par un dialogue, sur la décolonisation notamment. Certaines questions doivent être posées dans le cas du dialogue bilatéral qui doit se tenir pour, justement, préparer les consciences, informer la population sur ce qui va arriver » .

TNTV : Que souhaitez vous concrètement?

Antony Géros : « Une fois l’information de la population complète, à ce moment on pourra attaquer la mise en place des dispositions qui vont construire le référendum d’autodétermination. C’est la population qui va décider » .

TNTV : Quand est-ce que cela se ferait?

Antony Géros : « Je vous pose la question de savoir : vous êtes la France, je suis la Polynésie, vous avez des fonctionnaires d’Etat qui travaillent ici. Si nous sommes indépendants demain, êtes-vous prêts à mettre en place des accords de coopération? » .

TNTV : Nous aimerions avoir votre avis, parce que, une fois l’indépendance acquise, se pose la question de l’Éducation. L’État finance 60 milliards de francs dans ce domaine en Polynésie. Comment comptez-vous financer ce domaine en particulier?

Antony Géros : « Ce n’est pas en ces termes que se pose ce genre de question. Ce sont des agents de l’État, c’est à l’employeur qu’il faut poser la question. Que faites-vous demain pour tous ces agents qui sont les vôtres ? Vous les ramenez en France ? Ou bien vous trouvez des dispositions de coopération pour continuer, à l’image de ce que vous avez fait dans les accords d’Évian (allusion à l’Algérie, ndlr), de financer l’Éducation dans un Pays où vous avez fait la guerre lorsqu’ils ont accédé à leur indépendance ? C’est en ces termes que la question doit être posée. Si le dialogue est rompu, on ouvre un dialogue multilatéral sous l’égide de l’ONU » .

TNTV : Il y a l’Éducation mais aussi les compétences régaliennes. La justice, la défense, la police, la surveillance maritime, les transferts de l’État qui atteignent environ 200 milliards de francs par an…

Antony Géros : « Ces questions doivent être posées sur la table de la décolonisation. On n’a pas appelé l’État à venir coloniser la Polynésie. Ils sont venus avec leurs armes et ont implanté ici le développement de leur République française en Polynésie. Aujourd’hui, ils sont dans une démarche de décolonisation. L’État doit apporter les réponses pour construire cette décolonisation, c’est constitutionnel. Ce dialogue aurait dû s’ouvrir depuis le 17 mai 2013. La France a peur de l’ouvrir, parce qu’elle ne dira jamais : ‘non, on coupe la corde et on ne paie plus rien’. D’abord, c’est interdit. Il faudra qu’elle choisisse si elle reste dans les Nations-Unies puisqu’elle est signataire de la charte de l’ONU, ou si elle s’en exonère. Je ne pense pas que l’enjeu de la Polynésie va pousser la France à sortir de l’ONU » .

TNTV : L’indépendance a été qualifiée de ‘très grand risque’ par Édouard Fritch et Gaston Flosse. Que leur répondez-vous?

Antony Géros : « Il y a 193 Pays membres de l’ONU. Tous sont des pays souverains. Il y a des pays plus petits que la Polynésie. Pourquoi ont-ils accédé à leur souveraineté ? Parce qu’ils ont pris conscience des ressources et des richesses naturelles qui leur appartiennent. Aujourd’hui, ces richesses font partie de l’actif national. On n’a pas le droit de propriété sur ces richesses. Quand on va accéder à notre souveraineté, on les récupérera et on aura tous les leviers de développement économique et ça répondra aux questions existentielles qu’on se pose. Depuis toutes ces années où la France a dirigé la Polynésie, l’agglomération de Papeete compte la moitié sous le seuil de pauvreté. Vous trouvez ça normal ? On a avancé ou on a régressé ? On ne fait que régresser, d’année en année. Il fait permettre aux politiques polynésiens de reprendre en main les rênes du pays pour pouvoir décider eux-mêmes et prendre leurs responsabilités quant à l’avenir de leurs citoyens » .

TNTV : Votre réaction à cette alliance autonomiste entre le Tapura et le Amuitahiraa ?

Antony Géros : « C’est une stratégie politique classique. Quand, entre les deux tours, on se voit affaibli, on va chercher les voix de la liste de gauche, de la liste de droite. On essaie de rassembler avec ces voix et on part du principe que, ce faisant, on va battre l’adversaire. C’est ce qu’ils ont fait avec les 42 maires qu’ils ont mis sur leurs listes » .

TNTV : C’est une alliance que vous craignez?

Antony Géros : « Absolument pas. C’est une alliance qui s’est faite mais qui ne risque pas de survivre. C’est l’alliance de la carpe et du lapin, ça ne va pas tenir » .

TNTV : Le jeu des chaises musicales en politique est dans tous les partis. On l’a vu avec Tauhiti Nena, avec Oscar Temaru, Gaston Flosse…

Antony Géros : « C’est pour cela que j’ai évoqué la nécessité de revenir à un mandat impératif (Avec le mandat impératif, les élus ne représentent que leurs électeurs et répondent à une mission précise, ndlr) et non plus représentatif, comme c’est le cas. À ce moment-là, il ne pourra plus y avoir ce jeu de pure politique politicienne. À partir de là, on peut construire autour de la proportionnalité, qui sera plus reconnaissante de la véritable démocratie » .

TNTV : Vous parlez du suffrage universel direct?

Antony Géros : « Pas seulement. On peut aussi faire une élection au suffrage universel direct, mais à la proportionnelle, comme on le fait, mais sans le bonus majoritaire comme c’est le cas actuellement » .

TNTV : Vous avez déjà annoncé avant l’heure votre président, Moetai Brotherson, en cas de victoire, votre vice-présidente Eliane Tevahitua. Vous-même êtes pressenti pour être président de l’assemblée. Le confirmez-vous ce soir? Comment voyez-vous ce nouveau gouvernement?

Antony Géros : « Je suis un adepte du ‘step by step’. Il faut gagner d’abord les élections, et ensuite on voit, pour pouvoir choisir avec qui je pourrai construire ce gouvernement. On a pris le parti de nommer quelques gens, comme M. Brotherson en tant que Président de Pays, lui-même a nommé Eliane en tant que Vice-présidente… Cela ne me gène pas. Maintenant, il y a plus de retenue, parce qu’il semble qu’au sein des personnages pressentis, il y aurait des membres de l’administration. À cause de tous ces enjeux, je dis qu’il faut attendre qu’on ait gagné pour pouvoir annoncer. Maintenant, on est un peu bloqués parce que si on annonce trop tôt, il risque d’y avoir des représailles par rapport aux personnes annoncées » .

TNTV : Vous confirmez que vous êtes pressenti en tant que président à l’assemblée en cas de victoire?

Anthony Géros : « Ca a été dit, mais on attendra de gagner d’abord » .

TNTV : Un mot sur cette stratégie de l’entre-deux tours du Tavini. Quel est le mot d’ordre pour le 30 avril?

Antony Géros : « Pendant 10 ans, on s’est extrait de la vie exécutive du Pays. On était à l’assemblée, on a observé la manière dont les différents gouvernements ont mené le Pays. On a pris note de leurs faiblesses. On a étudié la manière stratégique de remettre en place les dispositifs qui se sont affaiblis du fait des décisions qu’ils ont prises. Aujourd’hui, on est armés pour pouvoir répondre aux problèmes que l’on rencontre. Le premier problème, c’est celui évoqué à chaque fois sur les plateaux : la grande problématique de la TVA sociale et du redressement de la PSG. Par rapport à cela, on a une possibilité de le faire, certainement pas en mettant en place des nouvelles taxes, mais en mettant en place des dispositifs qui seront nos priorités » .

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