« Plus de 50 kilos d’ice saisis en Polynésie et aux États-Unis dans les 15 derniers mois. La circulation et la consommation de métamphétamines atteignent des sommets » . C’est par ce rappel chiffré que le procureur Yann Hausner a ouvert son réquisitoire dans l’une des nombreuses affaires d’importation d’ice jugée en comparution immédiate à délai différé, ce jeudi. Particularité de ce dossier, le profil des mis en cause, une quadragénaire et un homme de 48 ans vivant sans difficultés financières et insérés socialement.
Elle, mère de 3 enfants et enceinte, a ouvert une patente de guide touristique en 2020 et organise, tous les deux à trois mois, des voyages aux États-Unis pour des familles. Pécule qu’elle complète, au besoin, avec une aide financière de sa famille. Lui gagne bien sa vie comme technicien, et s’investit en tant que coach de volley. Aucun des deux n’en consomme, et pourtant : le 25 février dernier, ils sont arrêtés avec 189g d’ice. La drogue est cachée dans cinq boulettes et dans des chaussettes à Los Angeles, juste avant d’embarquer sur leur vol retour vers Tahiti. Elle explique qu’elle a d’abord refusé de prendre avec elle deux des boulettes, puis qu’elle s’est ravisée, « par amour« , et les a cachées dans son soutien-gorge.
L’homme déclare qu’il a simplement « aidé un copain » qui lui a payé l’hôtel, la voiture et lui a laissé 200 000 francs d’argent de poche en échange d’une transaction express à LA. Cet ami de longue date, c’est Poutoru Amaru, trafiquant notoire de la place condamné à 6 ans ferme dans l’affaire Papy Ellis. Le mis en cause explique que Poutoru l’a déjà sollicité pour transporter de l’argent entre Tahiti et les États-Unis, et qu’il l’a appelé en visio depuis la prison de Tatutu, quelques jours avant son départ pour la Californie. Il lui dit qu’il a juste à transporter de l’argent et qu’un contact se chargera du reste. Mais personne ne le rejoint, et c’est bien lui qui récupère l’ice d’un trafiquant mexicain -appelé Amigo-, dans la cité des anges. Un enchaînement qui n’était, selon lui, pas prémédité.
« Gourmandise » et apât du gain
« Vous êtes un peu crédule » , lui lance le procureur. « Vous pensiez ne pas participer à un trafic ? » . « Je me suis laissé aller » , répond le prévenu, qui espérait récolter 2 millions de francs dans l’opération (189 grammes d’ice valant 45 millions de francs environ) . « On est dans la gourmandise » , commente le président du tribunal.
Bien qu’ils n’ont pas de casier judiciaire, le procureur requiert 4 ans fermes contre l’homme, et 4 ans dont 2 avec sursis pour la femme, et mandat de dépôt. « Toutes les couches de la société polynésienne sont touchées, soit par la consommation, soit par l’avidité » du gain autour du trafic d’ice, poursuit M. Hausner. Des peines qui traduisent la volonté du parquet d’ « annihiler ce raz-de-marée » qu’est l’ice, conclut-il.
Avocat du couple, Me Peytavit déplore l’absence de Poutoru Amaru et sa facilité à gérer un trafic entre les murs de la prison. « Ce n’est pas la première fois que l’on a un trafic fait de prison (…) et on ne le traduit même pas devant la justice » , déclare-t-il au tribunal. La présumée implication du trafiquant dans le dossier aura toutefois des suites, a indiqué le parquet.
Le tribunal a finalement condamné l’homme à 4 ans de prison dont 1 an avec sursis. Sa complice, qui comparaissait libre, a été condamnée à 3 ans dont 1 an de sursis probatoire, puis emmenée en détention à sa sortie de la salle d’audience. Le couple devra également payer 9 millions de francs d’amende douanière.