Président du Syndicat pour la Promotion des Communes de Polynésie (SPCPF) et maire depuis de longues années de Tumaraa, Cyril Tetuanui a occupé à lui seul l’audience du tribunal correctionnel. Une journée aux enjeux cruciaux pour l’édile.
Dans le premier dossier, le plus délicat sur le plan pénal, il était poursuivi pour avoir signé, en sa qualité de tavana, le certificat de fin de travaux d’un chantier de bétonnage de 13 servitudes de Tumaraa, en 2015. Un document officiel actant la bonne réalisation du projet. Sauf qu’il n’en était rien. En réalité, seules 6 voies ont été réalisées pour une distance totale de 1557 mètres de bitumage contre les 2945 prévus. Presque moitié moins.
Le chantier avait été évalué à 46 millions de francs et avait été financé sur fonds publics à hauteur de 36 millions par le Pays. Mais au vu des travaux réellement effectués, la mairie avait donc reçu un trop perçu de 16 millions de francs environ, au préjudice de la Polynésie française. Le pot aux roses avait été dévoilé à la justice grâce à deux courriers anonymes adressés au parquet et à la Chambre Territoriale des Comptes.
Pressé de questions par le président du tribunal, ce mardi, Cyril Tetuanui, a nié toute intention frauduleuse. Il a déclaré qu’il ne supervisait pas lui-même l’avancement des travaux, rejetant la faute sur le directeur des services techniques de la mairie et ses adjoints au conseil municipal.
« Je n’ai jamais dit de faire de faux », a-t-il lancé, « quand je rentre à Tumaraa, je n’ai pas le temps de regarder un par un les parapheurs. Je les signe. Celui qui avait préparé le document aurait dû m’expliquer (…) Si le chef du service m’avait dit que c’était un faux, je n’aurais jamais signé (…) Le suivi des travaux a toujours été fait par le service technique et les adjoints délégataires. Ce n’est pas la première fois que je me retrouve au tribunal avec ce service ».
« Le maire a trompé la collectivité »
Interrogé à son tour, le directeur dudit service, qui a attaqué le tavana pour harcèlement moral, a expliqué que le maire avait donné comme consigne aux agents de ne perdre aucune subvention publique, et ce, « coûte que coûte ».
« L’échéance de cette opération financée par le Pays allait bientôt s’arrêter. Donc il fallait un moyen pour la garder. Même si les travaux n’étaient pas terminés, on pouvait avoir les financements et les terminer au rythme de la mairie », a-t-il indiqué, assurant avoir pris l’initiative de cette option.
Reste que Cyril Tetuanui, « premier magistrat de la commune », a rappelé le procureur a signé le document certifiant la réalisation des travaux.
« Vraisemblablement, il ne vérifie rien dans sa mairie (…) Je l’ai entendu se défausser sur son directeur des services techniques (…) Il est clair que le maire a trompé la collectivité de Polynésie française pour se faire remettre des fonds avec la production d’un certain nombre de pièces insincères. Et monsieur apparait comme récidiviste (…) Il aurait dû redoubler d’efforts pour avoir un comportement exemplaire dans la gestion des deniers publics », a martelé le magistrat avant de requérir 3 ans de prison dont un ferme, une amende de 1,5 million de francs, 5 ans d’inéligibilité et l’interdiction définitive d’exercer une fonction publique.
Des réquisitions qui ont « effaré » l’avocat de l’édile, Me Robin Quinquis. Le conseil a plaidé les délais de prescription pour une grande partie des accusations. Pour le reste, il a estimé que le service technique de la mairie était responsable de la situation et que son client avait signé « négligemment » le certificat de fin de travaux. « Dans ce dossier, il n’y a aucun enrichissement personnel. Monsieur Tetuanui n’a rien gagné », a-t-il conclu en demandant la relaxe.
Harcèlement moral
La journée n’était pas pour autant finie. Dans la foulée, l’élu a comparu pour harcèlement moral sur le directeur des services techniques. Car depuis l’affaire précédente, l’homme a été mis au placard et s’est vu confier des tâches subalternes. A la pépinière communale ou comme accompagnateur dans les transports scolaires.
« C’était la deuxième fois que j’étais en garde à vue. C’est un peu trop. C’est pour ça. Il n’y a plus de confiance. A chaque fois je me retrouve devant le tribunal à cause du travail qu’ils ont fait. C’est pour ça que je l’ai éloigné », s’est justifié Cyril Tetuanui qui suspecte aussi l’intéressé d’être à l’origine des courriers anonymes.
Le procureur a, lui, considéré que l’édile avait voulu « clouer au pilori » le fonctionnaire sans respecter les « procédures disciplinaires ». Il a requis 6 mois de prison, 300 000 francs d’amende et 5 années d’inéligibilité.
Enfin, le maire de Tumaraa a dû répondre de l’utilisation pour son propre usage et celui d’administrés qui le louaient, d’un bateau municipal destiné au secours en mer. Un navire qui servait de temps à autre pour des mariages, des funérailles ou des évènements sportifs. Il s’agissait d’une demande des administrés a expliqué Cyril Tetuanui, ajoutant que les interventions de secours en mer étaient rarissimes.
Pour le procureur, cette mise à disposition du bateau a pourtant entravé « le principe de continuité des services publics » et suscité une « perte de confiance des citoyens ». Il a demandé une peine d’interdiction de toute fonction publique pendant 5 ans, 5 années d’inéligibilité, et 300 000 francs d’amende.
« Je laisse la justice faire son travail, mais j’ai servi ma population. Je n’ai pas détourné quoi que ce soit », a lancé Cyril Tetuanui à l’issue de l’audience. Le tribunal correctionnel rendra l’ensemble de ses décisions le 13 février.