Affaire Radio Tefana : les raisons de la relaxe générale

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La cour d’appel a prononcé une relaxe générale, mercredi, dans l’affaire Radio Tefana, infirmant ainsi le jugement rendu en première instance. La juridiction a considéré que les nombreuses charges retenues contre les prévenus, dont Oscar Temaru, n’étaient pas démontrées par les éléments du dossier. TNTV s’est procuré l’arrêt qui détaille les motivation du jugement. Eclairage.

Publié le 25/05/2023 à 12:15 - Mise à jour le 25/05/2023 à 12:16

La cour d’appel a prononcé une relaxe générale, mercredi, dans l’affaire Radio Tefana, infirmant ainsi le jugement rendu en première instance. La juridiction a considéré que les nombreuses charges retenues contre les prévenus, dont Oscar Temaru, n’étaient pas démontrées par les éléments du dossier. TNTV s’est procuré l’arrêt qui détaille les motivation du jugement. Eclairage.

Dans cet arrêt de 71 pages, le président de la cour d’appel, Karim Sekkaki, motive les raisons qui ont conduit la juridiction à rejeter la culpabilité des mis en cause dans le dossier. Concernant la prise illégale d’intérêts reprochée à Oscar Temaru, en raison de subventions accordées par la commune de Faa’a à la Radio, ainsi que la mise à disposition de locaux, de matériels et de personnels, la cour d’appel considère que le président du Tavini « n’a jamais eu aucun intérêt patrimonial direct ou indirect à décider des opérations d’aide financière et matérielle à l’association Te Reo O Tefana ».

Or, note le président de la juridiction, « le délit de prise illégale d’intérêts suppose (…) que l’auteur ait eu un intérêt dans l’opération ». « Oscar Temaru n’est plus membre de l’association depuis 2008 (…) et n’a plus aucune fonction au sein de l’association depuis de nombreuses années, de sorte qu’il n’a jamais eu un intérêt matériel à aider l’association », souligne l’arrêt.

Sur le « lien d’affection entre Oscar Temaru » et Radio Tefana, la cour d’appel revient sur le jugement prononcé par le tribunal correctionnel. Elle estime que, pour condamner le maire de Faa’a, les juges de première instance se sont appuyés « sur des éléments vagues, mélangeant le soutien de la commune de Faa’a à l’association pour déduire un soutien d’Oscar Temaru, sans démontrer en quoi il aurait un intérêt personnel de cette nature ».

« Des idées censurées à l’époque »

« Si Oscar Temaru a créé l’association et la radio, très clairement au départ pour bénéficier de l’essor d’une radio libre en Polynésie pour communiquer avec sa population, déjà avec l’idée de l’aider (….), mais également de la sensibiliser à des idées censurées à l’époque sur le territoire », le maire de Faa’a « s’en est détaché, au point de mettre fin à sa présence en 2008 ». « Par conséquent, si tant est qu’Oscar Temaru a pu avoir une affection particulière pour cette radio à titre personnel (…), la cour n’a trouvé aucune preuve de ce que celle-ci persiste au-delà des années 2000, les liens étroits évoqués par le tribunal correctionnel entre Oscar Temaru et l’association sont inexistants pendant la période de prévention (…). Les témoignages (…) démontrent le contraire, c’est-à-dire un désintérêt personnel, remplacé par l’intérêt ponctuel d’un maire pour subventionner une association de sa commune comme toutes les autres », écrit le président de la cour d’appel, selon qui « il ne peut par conséquent être retenu l’existence d’un intérêt personnel d’Oscar Temaru lié à un lien d’’affection avec la radio ».

Au sujet de « l’intérêt résultant des liens » entre le leader du Tavini « et les présidents successifs » de Radio Tefana, Victor Maamaatuaiahutapu et Heinui Le Caill, « le premier étant un ami proche d’Oscar Temaru et compagnon de lutte », la cour d’appel note qu’ils « n’ont jamais été mis en exergue par aucun témoin, ni aucune autorité de contrôle, comme une circonstance rendant douteuse l’octroi des subventions ».

« De plus », souligne le président de la juridiction, « la commune de Faa’a est une commune connue pour son orientation politique indépendantiste » et, « surtout, la Polynésie est un territoire comportant peu d’habitants (…), de sorte que les liens entre Tahitiens comportent nécessairement des liens familiaux (…) Dès lors, la circonstance de l’existence d’un intérêt lié à un lien de ce type doit nécessairement s’apprécier à l’aune de cette particularité, et notamment pour apprécier si de ce fait un lien affectif peut être perçu comme remettant en cause l’impartialité de l’agent public qui finance une opération. En l’espèce, aucun témoignage ne vient l’établir ». 

Citant les témoignages recueillis, le magistrat estime, qu’au « contraire », Oscar Temaru « ne favorisait aucunement des membres de son parti, privilégiant la compétence sur l’appartenance politique, engageant des opposants et les faisant participer, à égalité, au travail communal de manière transparente ».

« Caractère neutre de la programmation »

Enfin, sur les accusations d’outil de propagande politique qu’aurait été Radio Tefana, la cour d’appel conclut que rien, dans le dossier, ne permet de l’établir. « Si plusieurs témoignages (…) indiquent que Radio Tefana était une radio à l’idéologie indépendantiste et qui informait sur les conséquences des essais nucléaires (….), la cour a analysé, ce que n’a pas fait le tribunal, la temporalité de cette assertion. Or, si les auditions sont prises en 2017 et les affirmations faites au présent, la cour constate qu’en réalité les déclarations faites dans ces auditions ne distinguent pas selon qu’il s’agit de la radio à ses débuts ou si ces marqueurs sont toujours d’actualité ». De plus, « les documents remis aux gendarmes (…) ont également permis de constater le caractère neutre de la programmation et l’absence d’évocation de luttes indépendantistes ou sur les essais nucléaires. Enfin (…), aucun enregistrement n’a été récupéré par les enquêteurs ou sur instruction du procureur de la République, pendant l’enquête, qui a duré pendant 4 années de la prévention, permettant de prouver par des moyens objectifs le caractère partisan de la programmation de Radio Tefana au profit du Tavini ».

Cette « absence de preuves » a par conséquent conduit la cour d’appel à prononcer la relaxe pure et simple d’Oscar Temaru ainsi que celle de l’ensemble de prévenus dans le dossier. Le parquet général a toutefois encore la possibilité de se pourvoir en cassation.

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