Vidéo – Nikolaz Fourreau : « On ne peut pas espérer des peines similaires à ce qui a pu nous arriver »

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Publié le 22/01/2019 à 9:13 - Mise à jour le 07/06/2019 à 16:36

Vous avez confié ne pas éprouver de satisfaction. Quelle a été votre réaction à l’annonce du jugement ?
« C’est une réaction partagée. D’abord c’est un soulagement, parce que ce pour quoi on se bat depuis tant d’années, les dysfonctionnements qui étaient apparus dans le dossier, tout simplement, a enfin été reconnu et présenté par un tribunal à tout le monde, et opposé à ceux qu’on appellera désormais condamnés. Donc c’est une très bonne chose en soi. »
 
En ce qui concerne les peines, de l’interdiction d’exercer, de la prison ferme… C’est ce que vous attendiez ou vous espériez des peines plus sévères ?
« On ne peut pas espérer des peines similaires à ce qui a pu nous arriver. Une des choses les plus importantes, c’était qu’ils aient une sanction et notamment celle de ne plus travailler dans le même domaine, puisqu’ils ont montré leur incompétence. Après, effectivement, qu’il y en a qui soient condamnés à de la prison pour des actions volontaires qui ont déstabilisé la compagnie et la sécurité de la compagnie, je trouvais ça tout à fait normal. »
 
Guy Yeung, l’ex-directeur du service d’État de l’aviation civile, a été le seul prévenu relaxé. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
« De l’étonnement. Les propos du président, mais je pense qu’il faudra lire l’intégralité du document issu du procès, et notamment des justifications, il l’a reconnu incompétent et qu’il n’avait pas les outils, la compétence, etc. Donc il a servi à quoi pendant ces 25 années ? Je suis un peu étonné. »
 
Vous parlez de soulagement. C’est vrai que la procédure a été longue, plus de dix ans. Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que c’est un chapitre qui se referme pour vous ?
« Je crois que désormais nos adversaires ont décidé de faire trainer encore plus le dossier, donc ça ne clôt pas un chapitre, c’est juste qu’au moins, on a reconnu. Il y avait une reconnaissance populaire indéniable, mais là une reconnaissance populaire reconnue et défendue par les juges. »
 
Et d’entendre le président du tribunal qui dénonce « une politique de rendement au détriment de la sécurité », selon vous ça va permettre de réveiller les consciences dans le domaine de l’aviation civile ?
« Je l’espère, mais pendant le procès, on a quand même entendu des dirigeants qui exerçaient encore aujourd’hui dire qu’ils pensaient avoir bien fait et qu’ils referaient exactement la même chose. Ça fait peur. C’est un peu inquiétant. »
 
D’autant qu’ils ont fait appel, ils ont aussi demandé le dépaysement du procès. Qu’est-ce que vous en pensez ?
« L’appel n’est absolument pas une surprise. Le dépaysement, c’est encore une facétie de plus dans la procédure. Les croix, j’irai les poser n’importe où, que ce soit en France ou à Nouméa. Je m’en fous, s’il faut mettre la pression. Je pense que nos juges qui exercent ici en Polynésie et qui changent, c’est le principe de l’indépendance de la justice, sont tout à fait compétents pour juger cette affaire sans tenir compte de l’environnement. Et quand bien même, nous mettrons l’environnement… On créera l’ambiance si besoin est ailleurs. »
 
Mais si vous créez une ambiance, c’est bien que vous contrecarrez un peu la sérénité des débats de la justice, non ?
« On s’exprime. Juste pendant 11 ans, on a été d’une discrétion absolue. De temps en temps, on apparaissait, on posait une gerbe, on n’embêtait personne, et au quotidien on vivait la disparition de nos êtres chers. Eux sont là, évidemment, sans émotion. Et on parle d’émotion, mais quelles émotions ont pu ressentir ces gens au lendemain de l’accident, alors qu’ils ont recommencé au mois de décembre, de la même année, la même erreur en ne posant pas le câble correctement et avec le risque à nouveau qu’un Twin Otter s’écrase. Ils n’ont pas d’émotions, ces gens, ni de compétences. »
 
Vous l’avez souligné, certains continuent d’exercer dans les métiers de l’aviation. Selon vous, ce dépaysement est-il aussi une manière de gagner du temps, quand on sait qu’en France les procédures sont très très longues ?
« Oui, il leur faudra étudier les 1600 ou 1700 pièces du dossier, ça va prendre du temps. »
 
Donc l’interdiction d’exercer sera reculée…
« C’est le but de toute façon. Ce n’est pas pour obtenir justice, c’est pour faire trainer les choses… »
 

Rédaction web avec Tamara Sentis
 

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