Fourniture d’Internet dans les îles : deux millions d’amende requis contre l’OPT

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Publié le 27/08/2018 à 17:51 - Mise à jour le 13/06/2019 à 13:20

A l’origine de cette affaire, des plaintes déposées par des professionnels de Rangiroa et des Marquises auprès de la direction générales des Affaires économiques en août 2014 : ils dénoncent tous alors un très faible débit, très loin de ce que leur promet leur forfait. Un agent de la DGAE mène une enquête fouillée, concluant à l’infraction pénale de tromperie. Le rapport est transmis au parquet. Selon ce document (qui avait été révélé en 2016 par Tahiti Pacifique Hebdo), les techniciens ont alerté très tôt la direction de l’OPT et de Mana (devenu Vini ensuite) que le haut débit promis dans les îles étaient impossible à fournir, à cause notamment de la saturation de la capacité satellitaire. Et pourtant les offres ont continué d’être vendues. Pire : avant même la commercialisation des premières offres, l’impossibilité de les tenir était connue. 

Ce mardi, à la barre du tribunal, l’avocat parisien de l’OPT, Sylvain Justier et Jean-François Martin, PDG de l’OPT ont tenté de désamorcer une affaire qui, selon eux, ne contient « aucun élément technique précis » et qui a été mené par un agent de la DGAE «partial » car membre, à l’époque des faits, du CA de l’OPT en tant que commissaire du gouvernement de l’office.

Le tribunal a longtemps détaillé l’enquête et tenté d’avoir des réponses de Jean-François Martin, notamment sur l’absence d’étude de marché préalable avant de commercialiser des offres de haut débit que les techniciens de l’OPT savaient impossible à tenir. Le PDG de l’OPT, qui n’était pas en poste au moment des faits s’est réfugié derrière des « décisions à caractère politique imposées à l’OPT ». Pour son avocat, la qualification même de tromperie ne peut pas s’appliquer car dans les conditions générales des contrats il était indiqué que ces débits (1 ou 2 mégas selon les forfaits) n’étaient pas garantis. Il a également expliqué qu’une tromperie doit avoir un but financier, ce qui n’était pas le cas : selon l’OPT la fourniture d’Internet dans les îles éloignées ne rapporte pas d’argent mais lui en coûte.

Du côté des quinze parties civiles, pour la plupart des professionnels de l’hôtellerie : silence ! Aucun n’était présent ou représenté au procès. Certaines ont demandé des dommages et intérêts pour un montant total de près de 750 000 Fcfp.

Le président du tribunal a quand même pointé toutes les preuves et témoignages apportés par l’enquêteur de la DGAE, s’étonnant à plusieurs reprises de la légèreté avec laquelle toutes ces offres avaient été commercialisées. « Les gens payaient 6 000 à 10 000 F par mois pour rien !» s’est insurgée à un moment la procureure. « Non ils payaient pour mieux » lui a répondu Me Justier assurant que le débit promis était régulièrement assuré… Selon lui, l’OPT a tenté d’accomplir une mission de service public « sans y être légalement tenu ».

Pour la procureure, cette affaire cristallise la fracture numérique et l’enquête « extrêmement nourrie de la DGAE » montre, si ce n’est une volonté de tromperie, « un certain amateurisme ». Elle demande au tribunal de condamner l’OPT et Vini à 2 millions de francs d’amende (loin de la peine maximum qui est de 22,3 millions). Mais si, « par extraordinaire ! », le tribunal décidait de requalifier les faits en publicité mensongère, elle demande alors une amende de 800 000 F.

La décision sera rendue le 18 septembre.
 

Bertrand Parent

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