C’est tout d’abord Bernard Marcou qui s’est fendu d’un très long Power Point intitulé « le contrôle technique de la sécurité aérienne ». Ancien fonctionnaire de la Direction générale de l’aviation civile, le retraité explique posément, au fil des dizaines de slides projetés sur grand écran, le fonctionnement des différents « certificats » nécessaires à l’exploitation d’un aéronef, du « régime d’autorisation administratif » qui régit l’attribution des différentes licences, du « contrôle continu de la conformité »… Sans oublier le fonctionnement et la responsabilité des organismes chargés du contrôle des compagnies aériennes, depuis le ministère des Transports à Paris jusqu’à l’atelier même de la compagnie en passant par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) ou le groupement pour la sécurité de l’aviation civile (GSAC). Il a été question également des responsabilités qui incombent à la compagnie, en fonction de multiples documents et manuels issus du constructeur ou des organismes de contrôle. Le second intervenant, Francis Jouvard, ancien fonctionnaire du GSAC donnera sensiblement le même cours théorique en insistant sur la marge de manœuvre supposée de la compagnie en termes de maintenance. « Comme pour dédouaner l’organisme pour lequel il travaillait », ne manqueront pas de noter les parties civiles.
Mais lorsque les questions de détail fusent depuis le président du tribunal ou les avocats de la partie civile, avec en creux le problème fondamental du procès : est-ce qu’il y a bien eu un défaut de maintenance de la part d’Air Moorea ?, les deux témoins prennent de longues secondes avant de répondre, souvent à côté ou en bottant en touche.
Au final, dans ces complexes exposés, on comprend que les contrôles de la DGAC ou du GSAC consistent notamment à s’assurer que la compagnie effectue elle-même des contrôles. Mais est-ce que ces contrôles de la compagnie sont bons ? C’est une question à laquelle les deux « experts » cités par la défense n’apporteront pas de vraies réponses.
Pour Etienne Rosenthal, l’avocat du plusieurs parties civiles, « la réponse à l’une de mes questions a été claire : pour le GSAC il n’y a pas un canevas général avec une sorte de cahier des charges, c’est le correspondant local, qui connaît bien la compagnie qui sait ce qu’il faut contrôler et à quel moment.» En résumé, le dirigeant du GSAC de l’époque en Polynésie, Andriamanonjisoa Ratzimbasafy, qui est sur le banc des prévenus devra s’expliquer. Tout comme Guy Yeung qui était directeur du service d’Etat de l’aviation civile en Polynésie française.
Côté défense évidemment on était satisfait de l’audition de ses « experts ». Pour François Quinquis, leur témoignage a permis de montrer « combien la sécurité aéronautique est encadrée et contrôlée : les organes et normes sont nombreux et rigoureux. Et en dépit de tous ces contrôles Air Moorea n’a jamais été mise en cause ». Selon l’avocat notamment, les témoins ont écarté la supposé faute d’Air Moorea de n’avoir pas modifié de la durée de vie du câble de gouverne en fonction du climat tropical ou du grand nombre de rotations et d’avoir changé le matériel de ce câble.
Des conclusions qui vont évidemment à l’encontre de l’enquête du Bureau d’enquête et d’analyse qui pointe la rupture du câble de gouverne pour défaut d’entretien comme cause principale du crash.