​Comment Air Moorea a masqué des incidents techniques après le crash du 9/8/7

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Publié le 01/02/2017 à 15:06 - Mise à jour le 21/06/2019 à 12:21

Nul doute que les familles des victimes du crash d’Air Moorea – qui attendent toujours un procès dix ans après les faits – vont suivre ce premier épisode judiciaire avec attention. Le 21 février (comme l’avait annoncé la Dépêche de Tahiti en septembre 2016) Air Moorea et trois de ses employés (un pilote et deux mécaniciens) vont être jugés devant le tribunal correctionnel de Papeete.

Selon le réquisitoire définitif et l’ordonnance de renvoi – que nous avons pu consulter – les faits reprochés datent de décembre 2007, quatre mois après le dramatique crash de Moorea. La compagnie effectue alors des rotations aux Marquises, en plein festival de Ua Pou. Les deux mécaniciens sont poursuivis pour avoir « maintenu en circulation un aéronef ne répondant pas aux conditions de navigabilité » et avoir ainsi « exposé directement l’équipage et les passagers à un danger de mort, d’infirmité ou de blessure ». Le pilote est poursuivi pour avoir conduit un avion « non conforme aux règles de sécurité » mais aussi pour faux et usage de faux. La compagnie, en tant que personne morale, est également poursuivie.

Que s’est-il passé en décembre 2007 ? Le 14 décembre, une « sensation de dureté ou d’effort important sur la commande d’aileron en gauchissement » est signalée par un équipage à un autre lors d’une relève. Malgré cette alerte et un test confirmant le problème, le pilote décide de poursuivre les vols car, pendant cette période se déroulait le festival de Ua Pou. Et, selon l’enquête, le problème technique « n’a été inscrit que deux jours après sa découverte par le pilote qui déclarait en outre que le test s’était déroulé le 16 décembre et non le 14 ».
L’anomalie, facilement constatée, se trouvait sur un câble non seulement endommagé (usure sur un centimètre) mais qui en plus ne passait plus dans la poulie prévue à cet effet. Pire encore : lors de l’instruction, l’un des mécaniciens reconnaîtra qu’il a subi « des pressions de la part du directeur général d’Air Moorea » car celui-ci espérait récupérer un agrément qu’il avait perdu suite au crash de Moorea…  Le dirigeant demande alors au mécanicien « de signer l’autorisation de remise en service de l’avion et d’effectuer le contrôle a posteriori ». Le pilote lui-même a reconnu avoir omis délibérément de mentionner l’anomalie avant le 16 décembre  pour attendre la fin du festival qui « générait des flux importants de passagers ».

D’une manière générale, l’enquête fait état de nombreux témoignages évoquant « une forte pression commerciale sur une compagnie fragilisée ». L’instruction établit par ailleurs que l’anomalie qui a été cachée était « critique car de nature à mettre en danger la sécurité de l’équipage et des passagers ». Une prise de risques incroyable et confirmée par tous les témoignages. Le Twin Otter incriminé a ainsi transporté 147 passagers dans ces conditions.  

Des manœuvres et des faits accablants que l’on ne peut s’empêcher de rapprocher du terrible crash d’août 2007 où l’usure d’un câble est pointée par les experts parmi les causes probables de l’accident.
Contacté, l’avocat de la compagnie et de l’un des mécaniciens n’a pas souhaité faire de commentaires. Le procès, une première fois renvoyé, doit se dérouler le 21 février au tribunal de Papeete.
 

Bertrand Parent

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