Les SISAE pour la réintégration professionnelle des plus démunis

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48 600 personnes peinent à trouver un travail durable, à se nourrir et à se loger aujourd'hui en Polynésie selon le ministère de la Solidarité. Pour les sortir de la précarité, le Pays s’engage à financer des structures d’insertion sociale, afin de les relancer sur le marché de l'emploi. Un dispositif voulu par les associations comme "Te U’i Rau" qui accompagne tous ceux qui sont en marge de la société.

Publié le 20/03/2022 à 19:00 - Mise à jour le 21/03/2022 à 11:48

48 600 personnes peinent à trouver un travail durable, à se nourrir et à se loger aujourd'hui en Polynésie selon le ministère de la Solidarité. Pour les sortir de la précarité, le Pays s’engage à financer des structures d’insertion sociale, afin de les relancer sur le marché de l'emploi. Un dispositif voulu par les associations comme "Te U’i Rau" qui accompagne tous ceux qui sont en marge de la société.

Ce sont des anciens détenus, des sans domicile fixe, des bénéficiaires d’aides sociales ou encore des mineurs en rupture familiale. Dans l’un des ateliers de l’association Te U’i Rau, ils explorent les pistes qui mènent à une activité durable. Car maintenir un emploi n’est pas chose aisée : « […] en tant que transgenre, à chaque fois qu’on dépose nos CV, on n’est jamais prises. Juste à cause de notre physique », déplore Lola*.

De son côté, Hina* a elle aussi des difficultés à trouver un travail stable : « J’ai été au RSMA. J’ai fait 6 mois et je suis sortie du RSMA. J’ai commencé à chercher de l’emploi. C’était long aussi. Du coup, j’ai attendu qu’on m’appelle. On ne m’a jamais appelée. J’ai essayé de trouver des petits boulots, chez les particuliers ».

Tout est passé en revue au cas par cas. Sur place, des éducateurs spécialisés dans le social évaluent si le demandeur d’emploi arrive à se nourrir, à se loger, à se soigner ou à soutenir financièrement sa famille. Des freins qu’il faut résoudre avant d’engager la recherche d’emploi : « par exemple, pour une jeune mère de famille qui veut rentrer en formation et dont on n’a pas réussi à résoudre le problème de la garde des enfants, l’insertion est vouée à un échec », estime le directeur de l’association Te U’i Rau, Henri Mou Sin. « On sait très bien qu’une personne ne peut pas être à 100% sur une formation s’il y a ces problèmes environnants qui sont présents ».

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Et cette fracture sociale ne date pas d’hier. Aujourd’hui installée dans un hangar proche de la prison de Nuutania, l’association Te U’i rau voit le jour il y a 34 ans. Au début des années 80, les fondateurs de l’association, d’anciens travailleurs sociaux de Faa’a, s’inquiètent de l’inactivité croissante des jeunes hommes de leur commune. Un danger pour la paix sociale. Te U’i Rau voit alors le jour quelques mois après les émeutes de 1987. À l’époque, des casseurs avaient pillé et incendié Papeete. Il avait suffit que les dockers se mettent en grève pour allumer la mèche. « Les gens lorsqu’ils n’ont pas ce qu’il faut à manger, ne trouvent pas forcément de solution pour leur avenir, pour leurs enfants. Arrivé à un moment donné, ça peut péter », met en garde l’actuel directeur de l’association.

« Suite aux émeutes le gouvernement de l’époque a décidé de reprendre l’insertion par l’activité économique », se rappelle Aldo Tirao, président de l’association. « C’est ce qu’ils ont fait les travailleurs sociaux au niveau des affaires sociales à l’époque. L’ancienne ministre de la Solidarité, Isabelle Sachet, n’est pas restée sourde à ce signal de détresse ». Son dernier projet de loi : les Structures d’insertion sociale par l’activité économique ou SISAE, le plus souvent portées par une association. Pour une durée limitée, ces structurent offrent un contrat de travail, des formations et un accompagnement personnalisé à des personnes éloignées de l’emploi, mais susceptibles d’intégrer une entreprise.

Crédit Tahiti Nui Télévision

Le nouveau texte permettra aux associations et aux entreprises œuvrant dans le social d’être agréées par le Pays. Elles accèderont ainsi à plus de contrats aidés et surtout aux marchés publics pour mieux former les demandeurs d’emplois. Votée à l’assemblée le 9 décembre, la loi de Pays a été défendue par Virginie Bruant, l’actuelle ministre des Solidarités : « Le texte des SISAE a été promulgué fin janvier 2022″, indique la ministre. « Donc maintenant, nous travaillons sur les arrêtés d’application pour une mise en place dans la foulée. Après, il va y avoir un appel à projet. Ces sociétés, ces associations, ces fondations devront d’abord être agréées par la DSFE. Et une fois cet agrément donné, ils pourront lancer leurs actions. D’ici cet été, j’espère que les premiers projets vont pouvoir sortir de terre. Au moins pour la rentrée scolaire« .

Mais les entreprises s’inquiètent de l’arrivée sur le marché du travail de cette concurrence subventionnée par le Pays. Pour que les SISAE n’empiètent pas sur ses plates-bandes, le MEDEF a fait le point sur les structures existantes en métropole pour définir des projets innovants, créateurs d’emploi. « Les métiers qui vont être déployés par les SISAE sont liés à […] des champs sur lesquels des activités marchandes ne sont pas positionnées », rapporte Arnaud Habert, directeur général délégué de Vinci Insertion Emploi. « Ça peut être le logement, l’administration, la santé… Et en même temps, le but est de les accompagner, de les faire monter en compétence sur des métiers où il y a des besoins en sortie de parcours ».

100 millions de Fcfp seront affectés aux projets des SISAE. Le tout moyennant l’octroi d’un accompagnement de 5 ans délivré par le président de la Polynésie Française.

*Prénoms d’emprunts

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