TNTV : Le dernier point de conjoncture de l’ISPF confirme la bonne reprise de l’économie polynésienne au deuxième trimestre. Les entreprises du fenua se portent relativement bien. Pour autant, l’inquiétude face à l’inflation mondiale est bien là. C’est un constat que vous partagez ?
Frederic Dock, président du Medef : « Bien sûr. Et je voudrai d’abord dire aux jeunes chefs d’entreprises (…) que je les comprends et aussi que le Medef travaille sur ces sujets auprès du gouvernement puisqu’on a beaucoup de propositions pour essayer de freiner les effets de l’inflation mais aussi surtout en parallèle d’assurer le développement économique parce que sans développement économique, rien ne sera possible.«
L’inflation se chiffrait à +7% en août sur un an. Plusieurs mesures ont déjà été appliquées pour augmenter le pouvoir d’achat des Polynésiens : élargissement de la liste des PPN, augmentation du Smig. À ce stade, que pourrait on faire de plus ?
« Déjà dire que les mesures qui ont été mises en place par le gouvernement ont eu un effet immédiat sur l’inflation et pour preuve : on voit que l’inflation sur la moyenne européenne ou aux Etats-Unis est supérieure à l’inflation polynésienne. Ce qui est déjà une bonne nouvelle. Alors que nous avons une exposition aux importations et donc aux événements extérieurs beaucoup plus importante que n’importe quel pays du monde. Donc sur les premiers effets il n’y a pas de doute. Les nouvelles mesures annoncées et qui doivent être mises en place rapidement devraient avoir le même effet immédiat. Après, ce qu’il faut aussi préciser, c’est qu’une partie de ces mesures pèse sur les chefs d’entreprises, pèse sur les entreprises. Je prendrai quelques exemples : par exemple le contrôle des prix. Aujourd’hui, la liste des produits de première nécessité comme la liste des produits de grande consommation va être étendue. Cela veut dire que les entreprises auront moins de possibilités de répercuter l’ensemble de leurs charges donc c’est une contrainte pour les entreprises. L’augmentation du coût de l’énergie et en particulier de l’électricité est plus importante pour les entreprises que pour les particuliers, sachant qu’on souhaite développer notre industrie, et dans ce cas là c’est un handicap. Donc on a quand même des sujets aujourd’hui qui préoccupent les entreprises et pour lesquels il va falloir qu’on continue à travailler avec le gouvernement. »
Nous sommes en pleine période de négociations par branche. Parmi les demandes récurrentes : reconsidérer les grilles salariales selon l’inflation. Qu’en pense le patronat ?
« Alors, le patronat est évidemment à l’écoute de ses salariés. C’est la première chose puisqu’on ne vit pas sans nos salariés. Ceci dit les négociations ont en réalité débuté depuis le début de l’année parce qu’il y a plusieurs secteurs qui ont déjà réévalué la grille en plus du fait et il faut le rappeler, que le Smig a été augmenté trois fois de suite depuis le mois de décembre dernier pour arriver aujourd’hui à 6.5 ou 7% d’inflation. Et donc les patrons aujourd’hui qui sont complètement conscients de la situation, font tout ce qu’ils peuvent pour limiter leurs charges. Comment limiter les charges ? Le Medef a demandé la mise en place d’une prime pouvoir d’achat. Une prime qui aura l’avantage de ne porter aucune charge sociale ni aucune CST, la fameuse contribution. Pourquoi ? Parce que cette prime permettra de porter et d’être moins lourde dans le compte d’exploitation des entreprises et aussi de bénéficier directement du montant aux salariés. Et cette prime qui n’était pas prévue, en tout cas qui n’était pas quelque chose de prévu dans les budgets que ce soit de la PSG ou du Pays, n’aura pas d’impact, ni pour le gouvernement, ni pour les entreprises. (…) Il faut savoir que tous les secteurs ne bénéficient pas de la même situation aujourd’hui. C’est vrai que le tourisme est bien reparti. D’autres secteurs comme le commerce avec je le disais tout à l’heure l’augmentation de la liste des prix contrôlés, va forcément avoir un peu plus de difficultés. Et au sein de chaque secteur, les entreprises pourront plus facilement donner cette prime, là où d’autres seront plus en difficulté. Donc tout ça il va falloir l’ajuster. Ça va faire partie des discussions, comme je le disais qui ont débuté en début d’année mais qui vont prendre une tournure beaucoup plus officielle dans les mois qui viennent. Et notre objectif, évidemment, c’est d’ajuster au mieux un équilibre entre les salariés et les entreprises. Sachant que là, ce qu’il faut retenir aujourd’hui, c’est qu’à la fin tout le monde sera obligé de faire un effort. On ne peut pas imaginer aujourd’hui qu’on répercute directement l’ensemble des augmentations dans les salaires parce que ça veut dire qu’on va hypothéquer notre avenir. Et l’avenir c’est quoi ? C’est la compétitivité de notre industrie touristique, ce sont les marchés, des effets économiques auxquels il faut se préparer dès maintenant. »
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Comment vous envisagez l’avenir ? Vous l’avez dit plus tôt : il faut un fort développement économique. C’est bien ça ?
« Ça passe forcément par l’investissement parce que sur la conjoncture internationale, on vient de l’observer, les Etats-Unis au premier semestre de cette année, ont eu une croissance négative. Ce qui n’est pas bon signe quand on sait que les Américains sont un de nos premiers clients en terme de tourisme. Ceci dit, on a un tel retard en investissements que ce soit dans cette industrie hôtelière et touristique en général, que ce soit dans la transition énergétique ou dans notre écosystème numérique avec nos infrastructures qui en dépendent. On a tellement de choses à faire, tellement de moyens d’investir qu’il faut le faire, il faut l’accélérer. Tous ces éléments, ils sont ou ils étaient en tout cas dans le plan de relance. aujourd’hui, pour avoir rencontré le haut-commissaire la semaine dernière, il attend du pays et, je l’entends, de nous aussi, une feuille de route dans laquelle on va pouvoir poser ces éléments là et profiter aussi, parce que c’est un élément très important pour nous, profiter de la défiscalisation métropolitaine qui est un soutien à l’investissement extrêmement important. Qui pour l’instant n’est pas prolongé au-delà de 2025 et donc dont il va falloir tirer tout l’usage, tout le profit le plus rapidement possible. Donc en conclusion, tout est une question de temps. »