Couvre feu à 21h : « on a un profond sentiment d’injustice » clament les patrons de bars et restaurants

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Le couvre-feu prend effet ce samedi, pour trois semaines. Ses horaires ont été modifiés vendredi : il aura cours entre 21h et 4h du matin, et cela afin de "respecter les spécificités du territoire", précise le Haut-commissariat. Mais les bars et restaurants, qui vont subir de plein fouet les conséquences de ce couvre-feu se sentent "oubliés". La mesure risque de fragiliser encore tout ce secteur d’activité, déjà ravagé...

Publié le 24/10/2020 à 13:44 - Mise à jour le 26/10/2020 à 9:07

Le couvre-feu prend effet ce samedi, pour trois semaines. Ses horaires ont été modifiés vendredi : il aura cours entre 21h et 4h du matin, et cela afin de "respecter les spécificités du territoire", précise le Haut-commissariat. Mais les bars et restaurants, qui vont subir de plein fouet les conséquences de ce couvre-feu se sentent "oubliés". La mesure risque de fragiliser encore tout ce secteur d’activité, déjà ravagé...

C’est un coup dur pour le monde de la nuit : l’annonce d’un retour du couvre-feu à partir de 21h, dès aujourd’hui, met à mal les espoirs des restaurateurs et patrons de bars. Les professionnels, qui peinent à récupérer du confinement et de l’effondrement du tourisme, et qui avaient déjà pu en voir les effets sur leurs homologues de l’hexagone, le redoutaient.

« Quand j’entends le Haut-commissaire dire : on a bien pensé aux restaurateurs, et pour les aider, on a poussé le début du couvre-feu à 21h : il aurait mieux fait de nous consulter, parce qu’en l’état, ça ne nous aide pas vraiment », déplore Stéphane Gay. Le président du syndicat des bars et dancing poursuit : « On demande des rendez-vous au haut-commissariat : personne ne nous calcule. On n’est pas considérés! »

« On a pourtant tout fait pour appliquer les normes d’hygiène qui nous sont imposées »

Cédric Wane, gérant du Café Maeva

Il n’est pas le seul à avoir le sentiment d’être mis à l’écart : « On essaie de faire les choses dans les règles, mais quand on se sent lésés et pas entendus, on a un profond sentiment d’injustice! On se demande pourquoi encore nous, alors qu’on a respecté les règles. On a pourtant tout fait pour appliquer les normes d’hygiènes qui nous sont imposées », souligne Cédric Wane, le gérant du Café Maeva, au centre de Papeete.

« Aujourd’hui, il me semble que la population visée par cette mesure n’est pas celle des restaurants. Et que par contre, les restaurants sont des victimes collatérales des mesures qui ont été prises », regrette Maxime Antoine-Michard, qui préside le syndicat des restaurants-bars et snacks-bars.

Maxime Antoine-Michard, vice-président de la CPME, et président du syndicat des restaurants-bars et des snacks-bars

Ce syndicat a néanmoins pu rencontrer les services du Haut-commissaire, jeudi en fin de journée… mais davantage pour s’informer que pour dialoguer.

« Notre principale demande reposait sur l’éventualité de terminer à 22h au lieu de 21h, sachant que 22h, ça n’aurait quasiment pas eu d’impact sur notre activité. Ca paraît futile, mais cette heure de différence change pourtant tout, pour nous », explique Maxime Antoine-Michard. « On n’a pas le choix, c’est important de le dire: puisqu’il n’y a aucune flexibilité. On nous a expliqué que c’était lié au fait que ce soit un décret, et que le Haut-commissaire, localement, n’a donc pas la pas faculté d’intervenir. Mais ce n’est pas une réponse qui nous satisfait ».

Il est vrai que l’horaire de fin du couvre-feu, lui, a été modulé… Au lieu de 6 heures, il se terminera deux heures plus tôt pour « respecter les spécificités du territoire », indique le Haut-commissariat.

Les professionnels polynésiens espèrent au moins bénéficier des dispositifs d’aide de l’Etat… un impératif pour survivre.

 » Dans le cadre des dispositifs qui ont été mis en place en métropole, toutes les entreprises qui ont été fermées administrativement sont éligibles à un certain nombre d’aides. Ce qu’on a demandé, c’est si les secteurs fermés à cause du couvre-feu local décrété au niveau national, vont en bénéficier aussi », explique le vice-président de la CPME. « Ca ne remplacera pas le chiffre d’affaire qu’ils ne vont pas réaliser, mais ça leur permettra de pouvoir au moins payer leurs charges. Localement, on a des dispositifs qui permettent la prise en charge des employés, mais il y a une carence pour aider les entreprises proprement dites ».

Cédric Wane, gérant de plusieurs commerces de restauration et d’une salle de sport, fait un constat similaire : « Depuis mars, il y a des mesures d’aides dont le PGE, le RES. Ce sont des mesures palliatives, mais pour moi, c’est un plasta pour une hémorragie! C’est mieux que rien, heureusement qu’on a ça pour les salariés. Mais pour nous, gérants, il y a d’autres problèmes ».

Cédric Wane, entrepreneur

« On nous dit qu’il y a d’autres aides qui vont arriver, mais déjà, les premières aides on ne les a pas! Ce serait pas mal qu’on nous paie déjà les premières aides! Pour l’instant, nous avons perçu, dans mon entreprise, seulement celles de mars et d’avril. Et il n’y a pas que nous! ». Stéphane Gay, du syndicat des bars et dancings, a avancé 5 à 6 millions pour les salaires de ses employés. Il estime le préjudice de ses commerces à près de 50 millions de francs depuis le début de la crise.

« Ces aides ne nous permettront pas de vivre, mais déjà, de maintenir l’outil le temps que la situation s’améliore. C’est surtout cela que l’on recherche en ce moment. Aujourd’hui on n’a pas encore de réponse. Les services du haut-commissariat nous disent qu’ils vont saisir l’autorité nationale pour avoir un retour sur le sujet. Ce qui est certain, c’est que nous, on va les saisir officiellement par courrier sur cette question-là qui est cruciale », conclut Maxime Antoine-Michard.

Les bars simples complètement fermés

Si à partir d’aujourd’hui, il est encore possible de consommer de l’alcool en commandant un repas, les bars qui n’ont pas de formule de snacking ou de restauration sont contraints d’arrêter purement et simplement leur activité jusqu’au 16 novembre.

« C’est brutal, fatal et mortel », s’exclame Stéphane Gay. « Nous les restaurants, on ne fera pas le service du soir. Les gens vont arriver à 20h, et vont vite devoir partir ».

Cédric Wane, lui, considère que les autorités n’ont pas vraiment cherché à « respecter les spécificités » comme elles le prétendent : » Ce qu’on déplore, nous, et ce qu’on regrette beaucoup, c’est que ce soient des mesures qui sont appliquées en invoquant l’égalité pour tous. Le couvre-feu : c’est pour tout le monde. Sauf que pour moi, une communauté fonctionne avec beaucoup d’engrenages, de spécificités. C’est ce qui fait la richesse du monde… tout cela n’a pas été évalué. On aurait du prendre des décisions beaucoup plus ciblées plutôt que de déployer des mesures qui mettent vraiment à terre une économie déjà à genoux depuis mars ». Cédric Wane conclut : « Vous savez c’est une passion, notre travail. On aime être avec les gens. Même si on a un substitut de salaire, au moins, on partage avec les gens notre passion de la gastronomie ou du sport… aujourd’hui, qu’est-ce qu’il nous reste »?

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