C’est ce mardi que la directrice du musée de Tahiti et des îles, également artiste, a été élevée au rang de chevalier dans l’ordre national du mérite par le ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu. La cérémonie s’est déroulée en présence du président Edouard Fritch, de plusieurs membres du gouvernement, et des membres du jury du Fifo (Festival international du film documentaire océanien).
Le discours du ministre :
Si je pouvais résumer le film de la vie de Miriama Bono par une œuvre d’Art plutôt qu’un discours, ce serait forcément un tableau marqué par la sensibilité océanienne de Bobby ou de Ravello, auquel je rajouterai une touche de Kandinsky.
Kandinsky, pionnier de l’art abstrait mais aussi théoricien de l’art, considérait le principe de l’art et le fondement de l’harmonie comme le lien de la forme et des couleurs avec l’âme humaine.
J’avoue que ce soir est un moment particulier, et que le plaisir de faire face à Miriama est triple.
Nous honorons en effet à la fois la jeunesse du Fenua, le talent artistique et le sens, inné, de l’intérêt général.
La jeunesse tout d’abord. Forcément impétueuse, brillante, parfois inspirée, toujours généreuse.
Miriama Anne-Marie Ellia Bono est née le 9 juillet 1977 à Papeete. Elle est aujourd’hui âgée de 40 ans, mère de 3 charmants garçons.
L’histoire ne dit pas si elle passe une partie de ses jeunes années à dessiner sur les bancs de l’école ou du lycée Paul Gauguin – où sur les murs de la ville. On peut le supposer, vue la suite de sa vie.
Toujours est-il que Miriama intègre l’école d’architecture de Paris – La Villette à l’âge de 19 ans.
Elle en sortira diplômée en mars 2002, à 25 ans, avec une spécialité orientée vers le domaine environnemental qu’elle retrouvera tout au long de son parcours.
L’appel de la Polynésie se fait alors entendre, une première fois : Miriama rejoint la même année la présidence de la Polynésie française en tant qu’architecte conseil.
Elle intègre rapidement le ministère de l’Environnement, en tant que chef de cabinet et chargée de la communication, où elle œuvrera jusqu’en 2004, année de grands bouleversements politiques.
Miriama affirmera ouvertement, sa croyance en une Polynésie ayant toute sa place dans l’ensemble français, avec ses spécificités culturelles prononcées et respectées, tout en développant des qualités de tolérance et d’écoute qui forgeront un caractère affirmé mais également, un sens de l’écoute remarquable.
Son sens de l’intérêt général sortira éprouvé et renforcé de cette première expérience.
Après un bref retour à la présidence, l’appel du large se fait entendre. Je crois que cet appel ne l’a jamais quitté, ce sens de l’aventure, cette petite voix lui rappelant qu’elle est aussi artiste, qu’elle a des univers à visiter et qu’une artiste voyage afin de faire voyager son public.
Sans rêve d’ailleurs, sans regard sur le monde de l’autre ne serions-nous pas en effet prisonniers dans nos paradis intérieurs ?
Ce sens de la création s’exprimera notamment en France, où elle exposera à Strasbourg, Paris, et Ajaccio mais aussi Nouméa.
Son style épuré, abstrait, déterminé, interpelle. Miriama vivra ainsi en tant qu’artiste peintre et plasticienne loin de Tahiti jusqu’en 2008, année de son retour qu’elle effectuera, dans un premier temps, au sein de l’atelier d’artistes du Méridien, qu’elle animera avec brio durant deux ans.
Miriama comptera plus de 16 expositions, personnelles ou collectives, à son actif.
Bien évidemment sensible à l’Art, elle se rapproche vers une autre de ses grandes passions, l’audiovisuel, en suivant tout d’abord comme journaliste en 2011 le Festival International du Film documentaire Océanien, puis en devenant la déléguée générale de ce festival en 2012, succédant ainsi à Pierre Olivier, cheville ouvrière emblématique du FIFO. Héritage difficile mais qu’elle assumera avec charme et conviction. Elle deviendra trois ans plus tard la présidente de l’association organisatrice de ce festival.
En effet, notre ami Walles Kotra, alors nommé au poste de directeur exécutif en charge de l’Outre-mer au sein du groupe France Télévisions et moi-même en tant que ministre de la culture en 2014, il fallut céder la place, trouver la personne capable de reprendre les rennes de l’association. Cela faisait déjà quelques temps que nous évoquions tous les deux cette étape, inéluctable.
Ne pas nous accrocher inutilement, ne pas vieillir avec notre festival, mais le laisser vivre sa vie avec d’autres. Nos carrières nous ont finalement contraints à passer le relais. Et rapidement, le nom de Miriama a fait consensus.
On doit à Miriama l’ouverture du FIFO à d’autres festivals dans la zone du Pacifique. Un accord de principe a d’ailleurs été signé avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie et les îles Hawaii. Intitulé PADISA, cet accord regroupe d’autres organismes et festivals, et devrait fédérer les autres nations de l’Océanie qui ne bénéficient pas de structure audiovisuelle du même type.
Miriama était devenue entre temps conseillère technique en charge de la communication et de la culture auprès du Ministre de la Culture, de l’Environnement, de la Communication en charge de la Promotion des langues polynésiennes.
Elle sera notamment chargée de la coordination d’un des grands projets du Pays, en gestation depuis… 1989, le lancement des études concernant la création du futur grand centre culturel de la Polynésie française, mission qu’elle mènera avec un brio incontestable, retrouvant à cette occasion sa casquette d’architecte qui lui permettra de piloter les travaux avec les bureaux d’étude choisis pour l’occasion.
Miriama Bono est, aujourd’hui, l’une des plus jeunes chefs d’établissements publics de la Polynésie française. Elle dirige le Musée de Tahiti et des îles depuis l’année dernière.
Quel destin, pour une artiste, que celui de diriger un Musée. Elle succède, là aussi, à une autre artiste qui fut elle-même la première directrice polynésienne de notre Musée de Tahiti et des Îles. La boucle est bouclée.
« Miriama Bono, Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons CHEVALIER de l’Ordre national du Mérite. »