« Keshi », contre ces secrets qui brisent les familles

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La nouvelle pièce de la compagnie du Caméléon n'évite aucun des tabous familiaux : viol, suicide, violence... et surtout le secret, celui des origines, celui qui est presque toujours tu, même au prix de grandes souffrances. Une pièce coup-de-poing sur la Polynésie contemporaine, dont beaucoup de spectateurs sont ressortis en larmes.

Publié le 06/03/2023 à 9:29 - Mise à jour le 06/03/2023 à 9:29

La nouvelle pièce de la compagnie du Caméléon n'évite aucun des tabous familiaux : viol, suicide, violence... et surtout le secret, celui des origines, celui qui est presque toujours tu, même au prix de grandes souffrances. Une pièce coup-de-poing sur la Polynésie contemporaine, dont beaucoup de spectateurs sont ressortis en larmes.

La Compagnie du Caméléon est connue des amateurs de théâtre pour déplacer à Tahiti, depuis près de 20 ans, les meilleurs spectacles de France et d’ailleurs. Mais parfois, elle produit elle-même une pièce inédite, inspirée par l’histoire ou la société polynésienne. C’est le cas des « Champignons de Paris », incontournable sur les essais nucléaires, et de « Keshi », une pièce jouée pour la première fois en fin de semaine dernière. 

Le keshi, c’est une perle qui n’est pas parvenue à se développer. Un peu comme Hereau, un personnage interprété avec beaucoup de sensibilité par Tuarii Tracqui. Il vit sans père et interroge continuellement sa mère sur ses origines. Impossible d’en dire plus sans dévoiler quelques secrets de la pièce. Ils viendront emporter les personnages, et le public, dans un tourbillon d’émotions.

Deux jeunes comédiens polynésiens (le bondissant Tuarii Tracqui et le placide Tepa Teuru) proposent ce voyage au coeur du mutisme familial avec Justine Moulinier, une comédienne qui a joué dans l’un des plus grands succès théâtraux français de ces dernières années, « Le porteur d’histoire » d’Alexis Michalik. Ils croisent aussi sur scène le fondateur de la Compagnie du Caméléon, Guillaume Gay, qui interprète avec une sagesse évanescente une femme récemment décédée, étonnée de sa propre décomposition, distillant ses conseils aux vivants comme un tupapau bienveillant.

L’alchimie entre les acteurs est renforcée par une scénographie brillante. Le spectateur est frappé par l’absence de décor au début de la pièce, puis apparaissent les éléments d’un modeste fare polynésien. D’astucieux jeux de lumières et de son surprennent le public, lui-même encerclé par les quatre acteurs lors de la révélation du Grand secret.

Cette pièce est l’une de celle proposée dans le festival Te Vevo, qui se poursuit jusqu’au 19 mai avec d’autres films et représentations. Chaque soirée est prolongée par un débat, avec les artistes et plusieurs professionnels des thèmes de sociétés abordés. Dimanche soir, Sylvia Quintard, du Foyer d’Action Educative, Cécile Moreau et Herenui Germain (Association APAJ-Te Rama Ora) sont venues expliquer la réalité des violences sexuelles et des secrets qui les entourent. Avec aussi des messages d’espoir : Herenui Germain a par exemple raconté comment auteurs et victimes parviennent à se réparer l’un l’autre en renouant le dialogue. Un moment fort, comme le spectacle lui-même : il donne tout son sens au festival Te Vevo, qui met l’Art au service d’une société meilleure.

Keshi

Texte : Solenn Denis

Mise en scène : Antonin Chalon

Assistante mise en scène : Mélissa Pratt

Scénographe : Salma Bordes

Construction des décors : Rémy Crochemore

Lumières : Quentin Maudet

Son : Clément Althaus

Avec : Guillaume Gay, Justine Moulinier, Tepa Teuru et Tuarii Tracqui

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