Keanu Hikutini, la musique dans les veines

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Il a de l'or dans les mains et des idées plein la tête. Keanu Hikutini, a.k.a "Wesleyy" , s'est distingué en remportant le concours du meilleur jeune artisan créateur en mars dernier. Du haut de ses 22 ans, il revisite la fabrication traditionnelle des instruments de musique pour en faire des œuvres d'art aux veines maohi. TNTV l'a rencontré à Hitiaa, où il donne vie à ses créations.

Publié le 06/05/2023 à 16:28 - Mise à jour le 07/05/2023 à 14:27

Il a de l'or dans les mains et des idées plein la tête. Keanu Hikutini, a.k.a "Wesleyy" , s'est distingué en remportant le concours du meilleur jeune artisan créateur en mars dernier. Du haut de ses 22 ans, il revisite la fabrication traditionnelle des instruments de musique pour en faire des œuvres d'art aux veines maohi. TNTV l'a rencontré à Hitiaa, où il donne vie à ses créations.

Vous n’avez probablement jamais entendu parler du kamalele, et pour cause : cet instrument hybride entre le kamaka (ukulele hawaïen) et le ukulele tahitien a été conçu par Keanu Hikutini, jeune artisan du Centre des Métiers d’Art (CMA) de Tahiti. C’est avec cette pièce qu’il a remporté le 1er prix du concours du meilleur jeune artisan créateur en mars dernier, sur le thème « Réinventer la tradition » . On pourrait s’imaginer une pièce de musée, destinée à être passivement observée derrière une vitrine. Mais le jeune homme, originaire de Moorea, a pensé son œuvre avec de la suite dans les idées.

« Les ukulele hawaiiens ont un son très doux, très rond. Le tahitien a un son très strident et aigu, explique-t-il. En alliant les deux, il obtient « un son doux avec la puissance des ukulele tahitiens« . Plus que par esthétisme, Keanu a donc fait en sorte que son instrument soit jouable et ergonomique. Un pari qui a séduit le jury du concours : « Je sais qu’on est une île de ‘zikos’, je savais que ça allait plaire » , sourit-il.

Chaque essence de bois a sa beauté et sa caractéristique particulière, qu’il apprend à travailler, que ce soit en sculpture ou en lutherie. Ce sont les voyages et la culture polynésienne qui lui fournissent les pièces de son imagination. « Découvrir les autres cultures musicales, ça a attisé ma curiosité dans ce milieu, vouloir en savoir plus. La musique est un langage. Tu ne parles pas forcément la langue natale, mais avec la musique tu peux échanger avec les gens, partager et découvrir beaucoup de choses » .

Sur les îles, il découvre des pierres et des habitants uniques. À Niau dans les Tuamotu, il a trouvé une pierre parfaite pour ses idées, et n’a pas hésité à en faire venir des gros échantillons par fret. « Je pose plein de questions aux gens sur leur vie quotidienne, leur demande ce qu’ils ont de plus local. Je leur dis que je cherche des matières un peu différentes pour sculpter, et la plupart du temps, ils me les partagent » .

Tout commence au CMA, dont il est sorti diplômé l’an passé. Sa passion pour la musique le guide vers Ora Ukulele et la case locale de la fabrication de cet instrument. Une expérience qu’il confie avoir « totalement kiffé » , et qui lui permet surtout de comprendre en profondeur la manière de concevoir le ukulele dans sa variante hawaiienne. Il se sert de ce passage pour son sujet de diplôme en lutherie, au cours duquel il fabrique une guitare acoustique… et des ukulele.

Le thème « Revisiter la tradition » était taillé pour lui : « Inconsciemment, je tends vers ça. Je me suis dit, ouvre un atelier, pas forcément seulement pour des instruments mais aussi pour d’autres choses, comme refaire des pièces qui concernent le patrimoine polynésien » . Un coup de foudre pour lui, qui n’est dans le milieu que depuis trois petites années et qui, pour l’instant, fabrique ses œuvres dans un coin aménagé à côté de sa maison. Faute de mieux, il sculpte parfois à même le sol.

S’il s’est habitué aux contraintes, Keanu rêve d’ouvrir les portes de son propre atelier. Pour sa pièce gagnante, il n’avait à disposition, chez lui, « qu’une tronçonneuse » et ses gouges de sculpteur : « pour le caisson de l’instrument, je devais partir. Je pars du tronc et je finis mon instrument, je ne prend pas des bois déjà calibrés » , précise-t-il. Il a donc fallu contracter un prêt, trouver les essences de bois, dégrossir les planches, creuser le caisson, faire l’assemblage et surtout régler la tension des cordes pour que le son soit parfait. Un travail minutieux qui l’a occupé une quarantaine d’heures.

Le concours a mis un coup de projecteur sur son travail, et il a déjà reçu de nombreuses demandes. Mais Keanu préfère conserver sa facette artisanale et proposer un travail « plus qualitatif » , qu’il serait incapable de maintenir en suivant un carnet de commandes fourni. Du moins, pas sans un lieu 100% dédié à son activité. L’affaire de « quelques mois » , souffle-t-il.

Seul, il a fabriqué 5 instruments, et voit déjà plus loin. Il aimerait fabriquer « un instrument qui suit l’idée d’une grosse contrebasse de jazz, en version locale, un peu comme la basse-tura des bringues d’ici. Bon, je veux faire une version un peu plus élégante qu’une poubelle et un manche à balai quoi ! » .

De ce travail d’orfèvrerie, il tire des pièces signatures pour ses commandes et se donne le temps, tous les 3 à 6 mois, de créer des pièces taillées pour les expositions. « Ce n’est que le début« , rappelle-t-il. « Des projets à venir, des idées en tête, j’en ai plein » .

Retrouvez le travail de Keanu sur Instagram et, à l’occasion, derrière sa guitare.

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