Après 13 jours d’un parcours hors norme à l’Assemblée en première lecture pour ce projet emblématique visant à créer un système « universel » par points, le Premier ministre avait signé samedi la fin de la partie avec le recours surprise à cet outil constitutionnel permettant de faire adopter le texte sans vote.
Aussitôt, LR et les trois groupes de gauche -PS, PCF et LFI- ont déposé des motions, qui feront l’objet d’un vote tard dans la soirée, seules les voix favorables étant recensées.
Dans un hémicycle pas comble, le chef de file des députés LR Damien Abad a défendu la première, pointant un « fiasco parlementaire sans précédent » sur une réforme qui fera des Français les « grands perdants ».
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Au nom des groupes de gauche, le communiste André Chassaigne a fustigé dans la foulée un « désastre démocratique », après le recours à l’arme « funeste » du 49-3 qui « parachève la chronique du fiasco annoncé de cette réforme ».
« Vous avez fracturé le pays », a renchéri la socialiste Valérie Rabault, tandis que Jean-Luc Mélenchon (LFI) a taclé un 49-3 « décidé sournoisement », promettant la poursuite d’une « guérilla populaire et parlementaire, pacifique ».
Opposé aux motions, Jean-Christophe Lagarde (UDI-Agir) a pour sa part regretté le « spectacle lamentable » donné par l’Assemblée. « Pourquoi n’avons nous pas pris un mois de plus ? » a demandé Philippe Vigier (Libertés et Territoires).
« Nous avons fait cent fois le tour de la loi », a jugé Patrick Mignola (MoDem), tandis que Gilles Le Gendre (LREM) a lancé sous des huées à la gauche de la gauche à l’origine de milliers d’amendements : « le 49-3, c’est vous ! ».
Après ces interventions contrastées, à l’image des débats depuis deux semaines, le Premier ministre a donné calmement la réplique, insistant sur une réforme de « justice sociale » : « ceux qui défendent le statu quo (…) racontent bien trop souvent des calembredaines ».
Récusant tout « coup de force », il a observé qu’il aurait fallu « 8 semaines », week-end compris, pour arriver au bout. Avoir une minorité qui « bloque systématiquement les questions de fond » n’est pas à l' »honneur du débat parlementaire », a ajouté Edouard Philippe.
Rappelant les amendements retenus in fine par le gouvernement, il a aussi vanté « un texte de compromis », « qui a évolué ».
« 49-3 on n’en veut pas »
Le rejet des motions ne fait aucun doute et va entraîner de facto l’adoption du projet de loi: ni LR avec 104 députés, ni la gauche avec 63 élus, ne peuvent rassembler la majorité de 289 voix requise pour faire chuter le gouvernement.
Mais les opposants à la réforme, mobilisés depuis le 5 décembre, continuent le combat : ils ont manifesté à nouveau mardi à Paris et en province contre ce « passage en force ». Au sein des cortèges clairsemés, les slogans clamaient « Macron traître et retraites » ou « 49-3, on n’en veut pas ».
La séquence se déroule dans un climat déjà tendu pour l’exécutif, entre nouveau coronavirus et élections municipales. En interne, la majorité est aussi confrontée à un enjeu de cohésion, avec des départs au compte-gouttes qui se poursuivent.
Lors de la réunion hebdomadaire des députés LREM, Edouard Philippe les a appelés à « rester soudés », évoquant « une période de combat politique très intense ».
Les députés ont encore au menu à partir de mercredi, le projet de loi organique accompagnant la réforme et objet de 1 800 amendements, Gilles Le Gendre jugeant « jouable » son examen d’ici dimanche soir.
La réforme poursuivra ensuite son parcours au Sénat, à majorité de droite, en avril, avant de revenir à l’Assemblée, le gouvernement visant toujours une adoption définitive avant l’été. Entre-temps sont attendues les conclusions de la « conférence de financement », dont la CGT et FO ont claqué la porte.
À l’instar de Jean-Luc Mélenchon qui ne veut « aucune violence », plusieurs élus ont appelé à ne pas « attiser » les colères, alors que depuis samedi plusieurs permanences et locaux de campagne ont été ciblés, dont ceux du Premier ministre au Havre.