Professeur assassiné : des dizaines de milliers de personnes dans les rues en France

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Contre l'horreur, la mobilisation : des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche à Paris et partout en France en hommage au professeur Samuel Paty, décapité vendredi pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, un attentat islamiste qui a suscité une émotion nationale.

Publié le 18/10/2020 à 10:22 - Mise à jour le 19/10/2020 à 12:13

Contre l'horreur, la mobilisation : des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche à Paris et partout en France en hommage au professeur Samuel Paty, décapité vendredi pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, un attentat islamiste qui a suscité une émotion nationale.

Un conseil de défense s’est tenu dans la soirée à l’Élysée, en présence notamment du Premier ministre Jean Castex, du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. 

Aucun d’entre eux n’a pris la parole à l’issue de ce conseil, qui visait à étudier des « réponses concrètes » après l’attaque, « à court et moyen terme ».

Théâtre de la manifestation historique qui avait suivi les attaques contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher le 11 janvier 2015, la place de la République à Paris s’est remplie en début d’après-midi de milliers de manifestants, enseignants, élus et anonymes venus défendre la liberté d’expression, dire non à « l’obscurantisme » et chanter la Marseillaise.

« Je suis là comme prof, comme maman, comme Française et comme républicaine », a déclaré Virginie, 52 ans, une professeure de musique de la région parisienne. 

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Samuel Paty a été décapité vendredi vers 17 heures près du collège où il enseignait l’histoire-géographie dans un quartier calme de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son assaillant, un Russe tchétchène de 18 ans, a ensuite été tué de neuf balles par la police.

Dans un message diffusé sur Twitter, il a expliqué son geste en disant vouloir se venger de celui « qui a osé rabaisser Muhammad ». 

« Je suis venue (…) pour m’indigner contre cet acte odieux et affreux », a expliqué une autre manifestante parisienne, Guigané, 34 ans. « Il ne faut pas que cette violence s’installe et devienne notre quotidien », a ajouté cette médiatrice socio-culturelle de l’Essonne, son fils de 4 ans sur les épaules.

« Je suis enseignant »

À Bordeaux. Crédit : MEHDI FEDOUACH / AFP

« Nous n’avons pas peur. Vous ne nous diviserez pas », a lancé sur Twitter le Premier ministre Jean Castex, présent dans le cortège parisien. À ses côtés, son ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer et sa collègue déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa « en soutien aux professeurs, à la laïcité à la liberté d’expression et contre l’islamisme ».

Les patrons de La République en marche, Stanislas Guerini, de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, du Parti socialiste, Olivier Faure, et d’Europe-Ecologie-Les Verts, Julien Bayou, étaient aussi présents.

D’autres rassemblements se sont tenus à travers le pays. Partout, de longs applaudissements, des Marseillaise, des fleurs et des bougies. À Lyon, la place Bellecour était noire de 12 000 personnes, selon la préfecture. Ils étaient plus de 3 000 à Strasbourg, 1 500 à Lille, 2 500 à Marseille et 2 000 à Montpellier.

À Lyon, nombre d’entre eux portaient un autocollant « je suis enseignant » au revers de leur veste ou une rose à la main. « La mort de ce professeur, c’est l’horreur intégrale, c’est dramatique. C’est quelqu’un qui est mort de ses idées », a dit Geneviève Huguel, 70 ans.

« Je suis en colère contre l’institution, qui ne nous protège pas assez », s’est exclamé à Lille Lise, professeure de français.

« Il faut que la Nation fasse bloc contre cette barbarie », a abondé à Marseille Nicolas Voisin, professeur d’histoire dans un lycée professionnel du nord de la ville. Il va continuer à « montrer et expliquer » des caricatures à ses élèves. « Plus que jamais on a besoin d’éducation », ajoute-t-il. 

« Aujourd’hui, on voit bien que c’est plus compliqué », a regretté à Bordeaux, Olivier, 40 ans, venu en famille : Après les attentats de 2015, « tout le monde faisait front. Maintenant, c’est ‘oui mais' »

Un hommage national sera rendu mercredi en coordination avec la famille de l’enseignant assassiné, a annoncé l’Elysée, sans en préciser le lieu.

Le conseil départemental des Yvelines a proposé de rebaptiser de son nom le collège où il enseignait.

Les enquêteurs ont poursuivi dimanche leurs investigations pour remonter le fil des responsabilités et des éventuelles complicités dans l’attentat.

Onze gardes à vue

L’assaillant a été identifié comme Abdoullakh Anzorov, né à Moscou et réfugié en France avec sa famille.

Dans sa ville d’Evreux, ses voisins décrivent un jeune homme « discret », « plongé dans la religion » depuis trois ans. Il n’était toutefois pas fiché pour radicalisation par les services de renseignement.

Une onzième personne, issue de son entourage, a été placée dimanche matin en garde à vue, selon une source judiciaire, qui n’a précisé ni son identité ni les raisons de son interpellation.

Les parents, qui ont obtenu l’asile politique en France il y a dix ans, le grand-père et le petit-frère du tueur, ainsi que des membres de son entourage proche ont été interpellés dès vendredi soir par les policiers et se trouvaient toujours en garde à vue dimanche.

Le père d’une élève de la victime et un militant islamiste très actif connu de la police, Abdelhakim Sefrioui, ont eux aussi été arrêtés et étaient toujours interrogés depuis samedi.

Contre l'horreur, la mobilisation : des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche à Paris et partout en France en hommage au professeur Samuel Paty, décapité vendredi pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, un attentat islamiste qui a suscité une émotion nationale.
À Strasbourg. (Crédit photo : FREDERICK FLORIN / AFP)

Les deux hommes avaient entamé une campagne de mobilisation pour dénoncer l’initiative du professeur de montrer à sa classe de 4eme les caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, et appelé à son renvoi du collège.

Les enquêteurs cherchent désormais à identifier d’éventuels liens entre ces deux hommes et le tueur. A-t-il été « piloté » ou a-t-il de lui-même décidé de s’en prendre au professeur ?

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