Mardi et mercredi, le gouvernement a subi un revers historique au Parlement quand l’opposition travailliste et des indépendants ont voté contre l’avis de la droite au pouvoir, des amendements controversés sur le traitement médical des demandeurs d’asile relégués par l’Australie dans des camps offshore en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou sur l’île équatoriale de Nauru.
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Concrètement, ces textes peuvent permettre au millier de migrants encore détenus dans ces camps dénoncés par les organisations de défense des droits de l’Homme d’être envoyés pour traitement en Australie si deux médecins le demandent.
La politique de la droite australienne est depuis 2013 d’empêcher à tout prix les demandeurs d’asile tentant d’arriver clandestinement en Australie de fouler le sol australien.
> « Vous remercierez Bill Shorten »
Ce vote a constitué une défaite historique puisque c’est la première fois depuis 1929 qu’un gouvernement australien était défait à la chambre des représentants sur une loi considérée comme majeure.
M. Morrison, un conservateur qui s’était illustré après l’alternance de 2013 par la mise en oeuvre de la politique de tolérance zéro contre les boat people, a balayé le fait que les amendements ne concernent que les migrants encore détenus dans les camps offshore et accusé l’opposition de chercher à « affaiblir et compromettre nos frontières ».
Son gouvernement, a-t-il dès lors riposté, va adopter « 100% » de recommandations faites par les services de sécurité pour renforcer les efforts pour empêcher de nouvelles arrivées de clandestins.
Il s’est refusé à préciser ce qu’étaient ces recommandations, mis à part celle portant sur la réouverture du camp de l’Île Christmas, un territoire australien de l’océan Indien situé à 1 500 km des côtes nord-est de l’Australie continentale, et à 350 km au sud de l’Indonésie.
« S’ils ne viennent pas, ce sera grâce aux décisions que nous prenons maintenant et aux actions que nous mettons en oeuvre », a affirmé M. Morrison, qui avait pris le pouvoir en août après un « putsch » interne à son Parti libéral. « S’ils viennent, vous remercierez le Parti travailliste et (son leader) Bill Shorten. »
Cette décision choc s’inscrit dans la campagne pour les élections prévues d’ici mai, au cours de laquelle l’immigration sera un sujet clé.
Les derniers gouvernements conservateurs ont été vivement critiqués pour leur politique très restrictive mise en oeuvre en 2013 et qui consiste à repousser systématiquement les bateaux de réfugiés tentant de gagner illégalement ses côtes.
Les migrants qui y parviennent ont longtemps été relégués pour des durées indéterminées dans des camps de rétention offshore, le temps que leur demande d’asile soit instruite.
> « Pathétique, cruel et dangereux »
Même si la demande d’asile est fondée, ces clandestins ne sont pas autorisés à s’installer sur le sol australien. Ils ont le choix entre aller dans un pays tiers ou rentrer chez eux.
Canberra justifie sa politique par la nécessité de lutter contre les gangs de passeurs et de dissuader les migrants tentant la périlleuse traversée vers l’Australie.
Cette politique a effectivement été couronnée de succès, en ce que le nombre des arrivées s’est réduit à peau de chagrin, mais elle a divisé l’opinion australienne et terni la réputation internationale du pays. Nombre d’ONG ont étrillé une Nation très riche tournant le dos à des populations vulnérables.
L’Australie essuie depuis des années un déluge de critiques pour les conditions de détention dans les camps qui abritent de nombreux enfants, où suicides et actes d’automutilation ont été enregistrés.
Le camp de l’île Christmas, qui compta aussi plus récemment des condamnés étrangers de droit commun dont les titres de séjour avaient été annulés, fut d’ailleurs le théâtre d’une violente émeute en novembre 2015 après le décès d’un demandeur d’asile.
« Permettre l’accès à un traitement médical adéquat pour les réfugiés et les demandeurs d’asile est un impératif humanitaire pour sauver des vies », a déclaré Louise Aubin, représentante à Canberra du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés.
Le Parti travailliste est monté au créneau pour dénoncer « les tactiques alarmistes » du gouvernement accusé de jouer à des fins électorales sur la peur des migrants.
« La seule personne qui espère que des bateaux viennent est le Premier ministre Scott Morrison », a attaqué de son côté la sénatrice verte Sarah Hanson-Young, dénonçant un comportement « pathétique, cruel et dangereux ».
En dépit de la défaite au Parlement, M. Morrison a exclu de convoquer des élections anticipées, en estimant que les Australiens auraient voix au chapitre lors des législatives.