L’Assemblée donne un large feu vert au texte controversé sur la « sécurité globale »

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Plombée par des polémiques, honnie par ses opposants, la proposition de loi sécurité globale qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l'image des policiers, a reçu un large feu vert de l'Assemblée nationale mardi, avant son examen au Sénat.

Publié le 24/11/2020 à 8:05 - Mise à jour le 24/11/2020 à 8:06

Plombée par des polémiques, honnie par ses opposants, la proposition de loi sécurité globale qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l'image des policiers, a reçu un large feu vert de l'Assemblée nationale mardi, avant son examen au Sénat.

Dans un hémicycle quasi-plein, les députés ont adopté en première lecture le texte présenté par LREM et son allié Agir par 388 voix pour, 104 contre et 66 abstentions.

Chez les « marcheurs », le niveau de contestation est important mais loin des records : 30 LREM se sont abstenus et 10 ont voté contre, au lendemain de l’évacuation controversée d’un campement de migrants dans le centre de Paris.

Le Sénat, qui doit examiner la proposition de loi concoctée par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot mais mise en musique par la place Beauvau, attend déjà ce texte controversé de pied ferme avec l’intention de le « corriger », selon le LR Philippe Bas.

Cet horizon est partagé tant par le gouvernement que la majorité.

Ainsi le Premier ministre Jean Castex, tout en déplorant des « procès d’intention », a renvoyé aux futurs débats parlementaires « le soin de l’améliorer davantage et de clarifier ce qui mérite encore de l’être ».

Et tout en défendant un « excellent texte », le chef du gouvernement a annoncé devant les députés qu’il saisirait lui-même le Conseil constitutionnel sur l’article 24 le plus polémique, à l’issue du processus législatif.

Pour « protéger ceux qui nous protègent », jetés « en pâture sur les réseaux sociaux », la majorité a souhaité pénaliser d’un an de prison et 45 000 euros (environ 5.4 millions de Fcfp) d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » de membres des forces de l’ordre en intervention, quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ». Une mesure plébiscitée par les syndicats policiers.

Face au tollé chez les défenseurs des libertés publiques qui y ont vu « une atteinte disproportionnée » à la liberté d’informer et le signe d’une dérive autoritaire de la Macronie, face à la levée de boucliers chez les journalistes, le gouvernement a déjà révisé la copie en fin de semaine dernière.

Débattu pendant quatre longues heures de denses et âpres débats vendredi dans l’hémicycle, le futur délit ne pourra finalement porter « préjudice au droit d’informer », et l’intention malveillante contre les forces de l’ordre devra être « manifeste ».

Lire aussi : Échauffourées à Paris à la fin de la manifestation contre le texte « sécurité globale »

Suffisant pour apporter la « clarté » revendiquée par le chef de file des députés LREM Christophe Castaner ?

Les députés LR, qui ont quasi tous voté la proposition de loi, considèrent encore la mesure « mal écrite, mal ficelée ».

Partagé entre protection des forces de l’ordre et craintes pour les libertés publiques, le Modem avait fait part de ses réticences, avant de majoritairement se ranger aux garanties du gouvernement.

La gauche, au diapason de personnalités de la société civile et des milliers d’opposants ayant manifesté samedi dans toute la France, continue de réclamer le retrait d’un texte jugé « liberticide ». 

Même Bruxelles a fait les gros yeux. La Commission européenne a rappelé lundi que les journalistes devaient pouvoir « faire leur travail librement et en toute sécurité ».

La proposition de loi a été percutée par les images de policiers brutalisant des exilés et un journaliste, lundi soir lors de l’évacuation d’un campement de migrants dans le coeur de Paris, apportant de l’eau au moulin des opposants et semant le doute chez des « marcheurs ».

Le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin, qui a jugé les images « choquantes », a saisi la police des polices. Une démarche loin d’être suffisante pour le leader LFI Jean-Luc Mélenchon qui avait demandé la suspension du vote de la proposition de loi. Sans succès.

Selon des sources parlementaires, le mécontentement envers M. Darmanin, qui a soufflé le chaud et le froid au cours de la séquence, a grandi au sein du groupe LREM au fil des débats. 

Témoignage de la tension autour de ce texte, un imposant dispositif de sécurité a été mis en place aux abords du Palais Bourbon à l’occasion du scrutin, alors que, à quelques kilomètres de là, un rassemblement de soutien aux migrants avait lieu place de la République.

Polices municipales, sécurité privée : la proposition de loi sur la « sécurité globale » comporte une kyrielle de mesures visant à renforcer le « continuum de sécurité ». Elle prévoit également la création d’une police municipale à Paris. En outre, d’autres dispositions sur la libéralisation de l’usage des caméras-piétons au bénéfice des forces de l’ordre, ou l’usage des drones, hérissent les défenseurs des libertés fondamentales.

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