La goélette Tara met le cap sur les coraux du Pacifique

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Publié le 13/04/2016 à 16:30 - Mise à jour le 13/04/2016 à 16:30

« L’expédition Tara Pacific est la première tentative – à l’échelle du plus grand océan de la planète – d’étude du corail avec ses symbioses, c’est-à-dire ses locataires, bactéries, virus, algues, champignons, etc. », explique Stéphanie Thiébault, directrice de l’Institut écologie et environnement du CNRS.
 
Une grande partie des récifs coralliens tend à disparaître. 20% des récifs sont déjà détruits, 15% risque de l’être d’ici une dizaine d’années, 20% sont menacés d’ici 40 ans. « Si vous cumulez, ça fait plus de 50% de ces récifs, plus de 50% de la biodiversité qu’ils hébergent », souligne Serge Planes, l’un des spécialistes français des coraux, responsable scientifique de l’expédition.
 
Du canal de Panama à l’archipel du Japon, puis de la Nouvelle-Zélande jusqu’en Chine, Tara sillonnera près de 100 000 km entre mai 2016 et septembre 2018.
 
A bord, six marins et une équipe de scientifiques interdisciplinaire pour une approche « transversale ». Biologistes coralliens, océanographes, spécialistes du plancton, ils seront au final 70 scientifiques à se relayer en mer. Suivront ensuite dix ans d’exploitation des informations récoltées.
 
Au programme de ces deux ans d’expédition, sous la houlette du CNRS et du Centre scientifique de Monaco: 70 escales, 40 archipels analysés, 40.000 échantillons prélevés pour découvrir notamment la diversité cachée du corail.
 
Les récifs coralliens ne couvrent qu’environ 0,2% de la superficie des océans, mais rassemblent près de 30% de la biodiversité marine.
« Un km2 de récifs coralliens, c’est l’équivalent de toute la biodiversité marine des côtes françaises métropolitaines, vous y avez autant d’espèces », précise Serge Planes.
 
Tara tentera de dévoiler la biodiversité à la fois génomique, génétique, virale et bactérienne d’un récif. Un écosystème fragile que l’on connaît finalement assez mal. 
« Il y a énormément d’inconnus dans la biologie du corail, c’est une biologie récente », explique Denis Allemand du Centre scientifique de Monaco et codirecteur de Tara Pacific. 
 
L’expédition se penchera également sur l’état de santé des récifs confrontés aux changements climatiques et à l’acidification des océans, et sur leur capacité de résistance. « Le corail grâce à ses symbioses est un thermomètre de la planète », explique le chercheur. 
 
« Une augmentation de l’ordre de 0,5 à 1 degré suffit a provoquer un phénomène cataclysmique appelé blanchissement. » Le corail perd ses locataires et devient un squelette blanc. « Un phénomène qui est très rapide, visible en quelques secondes », ajoute-t-il. Contrairement aux autres effets du réchauffement.
 
Mais il est difficile de différencier les dommages dus au réchauffement de ceux causés par la pollution, l’aménagement des côtes, la surpêche ou l’accroissement démographique, très important en Indonésie, en Malaisie ou aux Philippines. 
 
Tara va donc naviguer jusqu’à des îlots très isolés. Archipels très denses en population et îlots perdus seront analysés de façon identique et ensuite comparés pour pouvoir dissocier chaque facteur de dégradation.
 
S’ils nous font rêver sur les cartes postales et hébergent de nombreuses espèces, les récifs coralliens ont d’autres atouts : on estime à plus de 26 milliards d’euros par an dans le monde les services qu’ils nous rendent. A commencer par la pêche (ils attirent les poissons) ou la protection des côtes (ils brisent les vagues et limitant ainsi l’érosion). 
« A peu près 500 millions de personnes en sont directement dépendantes » en termes de revenus ou d’alimentation, explique Serge Planes.  
 
Cette expédition sera la 11e menée par Tara, qui a déjà parcouru l’Arctique pour y étudier la banquise, navigué dans toutes les mers du globe à la découverte du plancton ou sillonné la Méditerranée pour mesurer l’impact de la pollution des plastiques.

AFP

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