Femmes auteurs d’agressions sexuelles : un « tabou » qui persiste

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Publié le 07/01/2019 à 9:38 - Mise à jour le 07/01/2019 à 9:38

86% des victimes de violences sexuelles enregistrées par la police et la gendarmerie en 2017 en France sont des femmes.

« Victime est un mot féminin, et agresseur un mot masculin, et c’est vrai qu’on compte plus d’hommes auteurs de violences sexuelles et plus de femmes victimes, mais il y a aussi des femmes auteures de violences », précise le docteur Jean-Louis Thomas, qui évoque un « tabou social » »

La société a du mal à admettre la violence sexuelle des femmes, qui va à l’encontre de l’image de la mère aimante et nourricière », a-t-il expliqué lors du colloque de l’association Stop aux violences sexuelles (SVS), organisé lundi et mardi à Paris.

> Des femmes impliquées dans des affaires retentissantes

Les chiffres manquent, comme toujours lorsqu’il s’agit des violences sexuelles, où seule une petite partie des faits arrive devant la police et la justice.

En France, le rapport Insécurité et délinquance du ministère de l’Intérieur de janvier 2018 relève 2,3% de femmes parmi les 22 348 personnes mises en cause en 2017 pour infraction à caractère sexuel.

La plus vaste étude au monde, sur 802 150 cas de violences sexuelles rapportés à la police dans 37 Etats américains sur dix ans (1991-2011), fait apparaître l’implication de 5,3% de femmes et de 94,7% d’hommes.

Mais lorsqu’on épluche les enquêtes auprès des victimes, on constate que la prévalence de la violence sexuelle des femmes varie entre 11% et 22%, relève le Dr Thomas.

L’association a mené sa propre étude en 2014 auprès de 188 victimes d’agressions sexuelles. Dans 81% des cas, l’homme était l’agresseur unique, dans 1,6% la femme était l’agresseur unique, et dans 17,2% l’acte était le fait de la femme et de l’homme.

Des affaires retentissantes ont montré l’implication de femmes, qu’il s’agisse de l’affaire Dutroux et de son ex-épouse ou de celle d’Outreau où deux couples ont été condamnés pour viols sur enfants.

> 40% de viols

L’analyse de la vaste étude américaine montre que les auteures de violences sexuelles agissent avec un homme une fois sur 3 (alors que 88% des hommes agissent seuls). Les femmes auteures s’attaquent à des enfants plus jeunes (12 ans en moyenne contre 17 ans pour les hommes) et leurs victimes sont à part égale des garçons et des filles, alors que les hommes s’attaquent massivement (88%) aux filles.

Le viol est moins fréquent mais représente tout de même 40% des agressions sexuelles commises par les femmes, y compris sur des garçons contraints à l’acte sexuel.

Comme chez tous les auteurs de violences sexuelles, les antécédents sont lourds : violences subies dans l’enfance, auxquelles il faut ajouter, dans le cas des femmes, mariages ou grossesses précoces et violences conjugales, qui peuvent conduire à retourner la violence contre des enfants.

La grossesse doit permettre de mieux dépister les futurs pères et mères ayant subi des violences, relève l’association, qui a lancé des formations spécifiques pour les soignants en périnatalité.

« La grossesse est une période où explosent des pathologies révélatrices de violences passées », explique Violaine Guérin, médecin spécialiste en gynécologie médicale et présidente de SVS.

Lors de « remontées amnésiques », des victimes se souviennent brutalement de violences passées alors qu’elles vont devenir mères. De futurs pères peuvent devenir violents au moment d’une grossesse.

L’objectif de ces formations est de protéger les mères (80% de complications à l’accouchement chez les femmes victimes de violences sexuelles) mais aussi de prévenir de futurs comportements déviants.

« On observe parfois des actes d’hyper nursing, comme l’utilisation d’un thermomètre 20 fois par jour, ou une toilette obsessionnelle au coton tige », témoigne la sage-femme Nicole Andrieu, formatrice en périnatalité. « Ce sont des actes qui ressemblent à des actes médicaux mais qui n’ont pas lieu d’être », explique-t-elle.

Les formations en périnatalité ont débuté en 2018 au CHU de Strasbourg avec 140 personnes formées, et doivent à terme couvrir toute la France, en commençant par l’Alsace entière en 2019.

AFP

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