Le parquet de Nouméa a précisé que les militants interpellés jeudi et vendredi avaient été placés en garde à vue pour « participation armée à un attroupement, entrave à la circulation, complicité d’entrave à la circulation et dégradation ».
Une partie d’entre eux sera convoquée prochainement pour une audience en comparution immédiate, selon le parquet, qui a précisé que les mis en cause « revendiquent avoir commis les faits à l’appel de la CCAT » (Cellule de coordination des actions de terrain).
Cette structure, mise en place par l’Union calédonienne (UC) et rassemblant plusieurs partis et mouvements indépendantistes, organise depuis plusieurs semaines la mobilisation en marge des discussions politiques sur l’avenir institutionnel du Caillou.
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Jeudi, c’est après la tentative de blocage des accès à la SLN, l’opérateur historique de l’industrie du nickel à Nouméa, que plusieurs militants ont été arrêtés. D’autres ont été interpellés pour avoir entravé la circulation dans un quartier de Nouméa et une commune proche.
« Avoir mis des palettes sur la route n’est pas un motif pour aller directement en prison. Quoi qu’il arrive, les actions continueront pour dire non au dégel du corps électoral. Paris reste sourd à nos revendications, mais rien ne se fera sans le peuple kanak », a réagi auprès de l’AFP Brenda Wanabo-Ipeze, responsable de la communication de la CCAT.
Depuis le 4 mai, la CCAT multiplie les actions pour montrer son opposition au projet de loi dans le cadre d’une opération « Dix jours pour Kanaky ».
Lors d’actions symboliques, ses responsables ont rendu hommage aux « martyrs » du combat indépendantiste, notamment aux 19 Kanak tués le 5 mai 1988 après la prise en otage de 27 gendarmes à Ouvéa, ainsi qu’à Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, emblématiques dirigeants kanak assassinés un an plus tard.
– « Tsunami kanak » –
Point d’orgue de cette mobilisation, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé mercredi au cœur des quartiers sud de la capitale, qui concentrent les populations aux revenus les plus élevés, au milieu d’un dispositif de sécurité particulièrement important.
« C’est un tsunami kanak », exultait au micro Henry Juni, juché sur la plateforme d’un camion-sono à l’arrivée du cortège à l’anse Vata, l’une des baies les plus touristiques de Nouvelle-Calédonie.
Ce syndicaliste fait partie des militants interpellés jeudi.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes, selon les organisateurs (9. 00 selon les autorités), y avaient convergé dans une ambiance festive et familiale, aux couleurs du drapeau indépendantiste.
En boucle, résonnaient le tube du groupe de kaneka (genre musical calédonien) Waan, « Abat la justice coloniale », ou celui du groupe Vamaley et son refrain « Liberté égale indépendance ».
« Je suis là pour mes enfants, pour qu’ils soient chez eux plus tard. Il faut montrer que nous sommes contre le dégel du corps électoral. Je suis inquiète, tous les Kanak sont inquiets », témoignait Mariella, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, venue en famille.
« Je trouve cette marche intolérable, nous sommes en France. Nous avons voté trois fois non à l’indépendance, c’est non ! », indiquait pour sa part Christian, propriétaire d’un magasin situé sur le parcours des manifestants.
La semaine dernière, les responsables de la CCAT ont indiqué que la mobilisation s’intensifierait en cas d’adoption du projet de loi, sans toutefois préciser de calendrier ni la nature des actions à venir.
Mardi, les députés ont donné leur feu vert à cette réforme sensible élargissant le corps électoral lors des élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie.
Il sera débattu en séance lundi et soumis à un vote solennel le lendemain. Son adoption ouvrirait la voie à une réunion du Parlement en Congrès pour réformer la Constitution.
Depuis 1998, le corps électoral est gelé en Nouvelle-Calédonie, avec pour conséquence de priver de droit de vote près d’un électeur sur cinq.
Pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ce gel « n’est plus conforme aux principes de la démocratie » mais les indépendantistes critiquent à l’inverse un dégel qui risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».