En Corse, Macron ferme face aux nationalistes qui déplorent « une occasion manquée »

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Publié le 06/02/2018 à 16:12 - Mise à jour le 06/02/2018 à 16:12

« Dire que la Corse est au coeur de la République, ce n’est pas faire l’éloge de l’uniformité » : en affirmant ces deux principes, le chef de l’Etat a fixé le cadre de sa politique pour la Corse dans un discours prononcé à Bastia avant de quitter l’île.

D’un côté, il a ainsi exclu sans équivoque deux des principales revendications des nationalistes, parce qu’elles contredisent les règles de la République: faire de la langue corse l’égal du français et accorder le statut de résident aux insulaires. 

Mais de l’autre, il s’est déclaré « favorable à ce que la Corse soit mentionnée dans la Constitution », ce qui serait « une manière de reconnaître son identité et de l’ancrer dans la République ».

Cette ouverture est loin d’être suffisante aux yeux des nationalistes, la force politique majoritaire sur l’île.

Cette visite « est une occasion manquée », a dénoncé Gilles Simeoni, le président de l’exécutif de la collectivité territoriale, qui a accusé Emmanuel Macron « au mieux d’un manque de considération, au pire une forme de condescendance ou de mépris ».

Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse, s’est dit  » consterné par le niveau des réponses qui sont données  » :  » C’est un soir triste pour la Corse  » , a-t-il insisté.

Les deux hommes forts de l’île ont cependant assuré rester  » dans un esprit de dialogue « , selon Gilles Simeoni.

Les observateurs attendent de voir quelle sera la réaction de la base des nationalistes dans une île qui reste marquée par 40 ans de violence politique. D’ores et déjà, trois syndicats étudiants insulaires ont appelé à une grève générale à partir de la semaine prochaine, pour que « les droits du peuple corse soient reconnus et respectés ».

Forts de leurs succès électoraux, MM. Simeoni et Talamoni avaient multiplié les appels au président de la République avant sa visite, lui demander d’engager sur le terrain un « dialogue sans tabou » pour donner à l’île encore plus d’autonomie.

Mais Emmanuel Macron a surtout insisté sur l’importance pour la Corse de rester « dans le giron de la République ».

« Être Corse supposerait d’être contre la République ? Ce n’est pas ça l’identité corse », a-t-il déclaré. Avant d’avertir : « Ceux qui veulent dissocier la Corse de la République se trompent et font souffler des vents mauvais ».

Le chef de l’Etat avait donné le ton de la fermeté mardi en excluant toute amnistie pour les prisonniers que les nationalistes appellent « politiques » car ils ont été condamnés pour des faits de terrorisme.
 

Modernité méditerranéenne

 
Evoquant la prise en compte de la Corse dans la Constitution, le chef de l’Etat a appelé les élus insulaires à débattre de ce projet « dans le mois qui vient », avant sa discussion au printemps dans le cadre du projet de révision constitutionnelle. Avec l’objectif de trouver une place pour la Corse, qui « n’est ni la Nouvelle-Calédonie ni ma Picardie natale », a observé Emmanuel Macron.

Cette initiative risque de lancer un vif débat politique à Paris. Le député LR Eric Woerth, député LR de l’Oise et ancien ministre, a estimé que faire évoluer ainsi la Constitution était « une grave erreur », « une concession inutile et dangereuse pour la République« . Mais « c’est un pas qui peut être franchi » pour Eric Coquerel (LFI).

Concernant la langue corse, Emmanuel Macron a affirmé que, « dans la République, il y a une langue officielle, le français », tout en souhaitant que « le bilinguisme » soit « pleinement reconnu ». Le corse est « la langue régionale la plus soutenue en France », avec 34 000 élèves dès le primaire ou dans des classes bi-langues, selon lui.

Quant au statut de résident que les nationalistes réclament pour donner priorité aux insulaires dans l’accès au logement, il estime qu’il n’est « pas la bonne réponse » aux problèmes immobiliers de l’île.

Emmanuel Macron a consacré une large part de son discours à promouvoir le rôle de l’Etat en Corse, insistant par exemple sur la construction d’un nouvel hôpital à Ajaccio « 100% financé par l’Etat ».

Parallèlement, il a exhorté la collectivité unique, qui a « de larges et fortes compétences, les plus importantes de toute la France métropolitaine », à « les assumer pleinement », que ce soit dans le logement, la formation ou la gestion des déchets.

 » La Corse est à l’heure du choix «  : soit en se plaçant dans  » un face-à-face avec la République « , soit  » en se tournant résolument vers son avenir »  pour devenir le  » phare d’une modernité méditerranéenne réinventée « , a-t-il conclu.

AFP

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