Emplois fictifs : un procès se profile pour le couple Fillon

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FRANCE - Plus de deux ans après l'ouverture d'une enquête qui a entraîné la chute politique de François Fillon, les juges d'instruction ont ordonné un procès pour lui et son épouse Penelope, rattrapés par les soupçons d'emplois fictifs dont elle aurait bénéficié.

Publié le 23/04/2019 à 8:08 - Mise à jour le 18/06/2019 à 9:01

FRANCE - Plus de deux ans après l'ouverture d'une enquête qui a entraîné la chute politique de François Fillon, les juges d'instruction ont ordonné un procès pour lui et son épouse Penelope, rattrapés par les soupçons d'emplois fictifs dont elle aurait bénéficié.

Cette retentissante affaire aux multiples rebondissements avait stoppé net la course en tête de François Fillon pour la présidentielle de 2017, candidat de droite parti favori dans les sondages mais finalement éliminé au premier tour.

Les trois juges du pôle financier de Paris ont renvoyé le couple, ainsi que l’ancien suppléant de M. Fillon à l’Assemblée nationale, Marc Joulaud, devant le tribunal correctionnel, a indiqué une source judiciaire, confirmant une information du Monde.

Selon une source proche du dossier, François Fillon devra répondre de « détournement de fonds publics », « complicité et recel » de ce délit, « complicité et recel d’abus de biens sociaux » et « manquement aux obligations déclaratives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ».

Son épouse, rémunérée comme collaboratrice à l’Assemblée nationale quand M. Fillon était député, est poursuivie pour « complicité et recel » des délits de détournement de fonds publics et d’abus de biens sociaux.

Marc Joulaud, maire LR de Sablé-sur-Sarthe et député européen, est pour sa part renvoyé pour « détournement de fonds publics ».

L’avocat de l’ex-Premier ministre, Me Antonin Lévy, a regretté auprès de l’AFP que l’ordonnance des juges ait été transmise « à la presse avant même qu’elle n’ait été notifiée à M. Fillon et à sa défense ».

Interviewé par BFM, l’avocat a indiqué que son client avait réagi « sans surprise » à la décision des juges. « Parce que comme nous, voyant l’ampleur qu’avait prise cette affaire au début, il semblait inimaginable que la montagne puisse accoucher d’une souris », a-t-il indiqué.

Le procès, en raison des délais inhérents de l’audiencement, ne devrait pas se tenir « avant un ou deux ans », estime l’entourage de François Fillon.

> Déroute politique

Le Parquet national financier avait ouvert une enquête après les révélations du Canard enchaîné le 25 janvier 2017 sur des soupçons d’emplois fictifs de son épouse Penelope, alors sans activité professionnelle connue. Par la suite, M. Fillon avait lui-même annoncé avoir rémunéré ses enfants comme assistants parlementaires à ses côtés.

Face aux enquêteurs, M. Fillon avait défendu la réalité et la légalité des emplois de sa femme à l’Assemblée nationale jusqu’en 2013, lorsqu’il était député, et de ses enfants Charles et Marie quand il siégeait au Sénat entre 2005 et 2007. Sa défense avait produit de nombreux documents censés attester du travail effectué par son épouse, sans convaincre.

Comme l’a révélé Le Monde qui a consulté l’ordonnance des magistrats, le montant des détournements liés aux contrats de Penelope Fillon est estimé à 1 million d’euros (119,33 millions de Fcfp), sur une période allant de 1981 à 2013, selon une source proche du dossier.

Les enfants de M. Fillon, qui n’ont pas été mis en examen au cours de l’instruction, ont « bénéficié sans surprise d’un non-lieu, en l’absence d’indices graves et concordants et a fortiori de charges à leur encontre », s’est félicité leur avocat Me Kiril Bougartchev.
Les juges ont toutefois estimé que leur père devrait également répondre de « détournements de fonds publics » s’agissant de leurs contrat de collaborateurs, selon la source proche du dossier.

Outre Marc Joulaud, un autre proche de M. Fillon a été mis en examen dans cette enquête : le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière. Ce dernier a toutefois opté pour une alternative au procès, en acceptant une procédure de « plaider coupable ». Il a été condamné le 11 décembre à huit mois de prison avec sursis et 375 000 euros (44,7 millions de Fcfp) d’amende pour abus de biens sociaux pour avoir accordé un emploi de complaisance, en partie fictif, à Penelope Fillon au sein de la « Revue des deux mondes ».

Selon l’enquête, Mme Fillon aurait touché 135 000 euros (un peu plus de 16 millions de Fcfp) de mai 2012 à décembre 2013 alors qu’elle n’a publié que deux notes de lecture dans la revue, propriété du milliardaire, auprès de qui elle dit avoir assumé un rôle de conseiller.

Après avoir contesté avec virulence la légitimité de l’enquête, le couple Fillon a ensuite choisi une stratégie de passivité lors de l’instruction, réservant sa riposte pour le tribunal.

Les révélations en cascade avaient écorné son image d’homme politique intègre. La formule assassine qu’il avait employée contre Nicolas Sarkozy lors de la primaire de la droite – « qui imagine de Gaulle mis en examen? » – lui était alors revenue comme un boomerang.

Mais le coup de grâce était venu des révélations de Robert Bourgi, figure des réseaux de la « Françafrique », qui s’était vanté de lui avoir offert deux costumes d’une valeur de 13 000 euros (1,5 million de Fcfp). L’enquête avait alors été élargie à des soupçons de « trafic d’influence », qui ont fait l’objet d’un non-lieu.

Désormais retiré de la vie politique, M. Fillon, 65 ans, a rejoint il y a plus d’un an la société de gestion d’actifs et d’investissement Tikehau Capital.

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