Corse : les nationalistes célèbrent leur triomphe après « 40 ans de lutte »

Publié le

Publié le 09/12/2017 à 10:25 - Mise à jour le 09/12/2017 à 10:25

Quelques minutes avant la clôture du scrutin à 18H00, Gilles Simeoni, la tête de liste autonomiste de Pè a Corsica, fait son entrée dans le bureau de vote numéro 1 de Bastia, installé dans la mairie où il a été élu maire en 2014. 

Jean-Guy Talamoni, son allié indépendantiste, le rejoint à 18H15 et tous deux observent, le visage impassible, le dépouillement du vote. « Simeoni »!, « Simeoni! » énonce le président du bureau. 10, 20, 30, 40, 50 bulletins au nom de l’autonomiste s’accumulent alors que les trois listes concurrentes, les deux de droite de Valérie Bozzi et Jean-Martin Mondoloni et celle de La République en Marche de Jean-Charles Orsucci, peinent à faire grossir leur score.

A 18H45, le décompte est terminé dans ce petit bureau de vote et le couperet tombe : 168 voix pour la liste de M. Simeoni, à peine 39 pour la suivante, la liste de droite régionaliste de Jean-Martin Mondoloni, 28 pour celle soutenue par LR de Valérie Bozzi, 27 pour la liste LREM menée par Jean-Charles Orsucci. Les applaudissements montent, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni s’embrassent et multiplient les accolades.

« C’est extrêmement encourageant même si ce ne sont que des résultats partiels », tente de tempérer auprès de l’AFP Jean-Guy Talamoni qui veut s’afficher méfiant même si les résultats qui pleuvent sur son portable lui tirent un sourire. Trois heures plus tard, le triomphe est confirmé : 56,5% des suffrages pour les « natios », quasiment 40 points devant la liste de M. Mondoloni.
Gilles Simeoni, à côté, a du mal à contenir sa joie. Il embrasse, serre les mains et prend des photos avec les siens.
 
Les partisans ne veulent plus attendre. Ils font sortir de la mairie les deux leaders nationalistes en les portant en triomphe sur leurs épaules agitant les drapeaux corses et entonnant des chants de victoire. A l’unisson de leurs sympathisants, Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni chantent et brandissent le drapeau corse.

Sur la place de la mairie, un chapiteau pouvant contenir un millier de personnes accueille la liesse.
« C’est beaucoup de joie, l’aboutissement d’une lutte de 40 ans pour la reconnaissance des droits du peuple corse », se félicite Anto Stagnara, chef d’entreprise trentenaire. « J’éprouve une joie intense », abonde Anne-Marie Matteï, une secrétaire de 52 ans.

« Avec eux », dit-elle en parlant des deux leaders de Pè a Corsica, « nous allons enfin pouvoir devenir la première île de Méditerranée ». « On attend ce moment depuis tellement longtemps, depuis que l’on est enfant, depuis les événements d’Aléria (l’occupation d’un domaine viticole en 1975 avait marqué la renaissance du mouvement nationaliste corse, ndlr). On a l’impression de vivre enfin, de voir reconnaître notre île, notre identité, notre culture, nos richesses », s’enthousiasme-t-elle.  

Pour Louis Martinetti, cheminot de 65 ans, cette victoire est « une marche vers l’émancipation ». Tout en se disant indépendantiste, il répète que la question « n’était pas le sujet de l’élection » et que les Corses ont voté pour « un véritable statut d’autonomie ».
Sur les trois priorités mises en avant par Jean-Guy Talamoni dans les négociations qu’il compte bien ouvrir avec Paris, –co-officialité de la langue corse, statut de résident et amnistie des prisonniers–, M. Martinetti voit la troisième comme la plus pressante. « Politiquement et affectivement, c’est celle qui compte le plus pour moi ».

« On espère vraiment que ce score sera pris en compte par Paris », veut espérer Anto Stagnara pour que « soit reconnu notre peuple ».
« Cette île a été enracinée dans la violence pendant très longtemps et aujourd’hui il était temps de construire une autre Corse sortie du clanisme et du clientélisme. Aujourd’hui c’est une vraie démarche collective au service exclusif des intérêts du peuple corse », tranche-t-il.

Dehors, des tirs de célébration résonnent dans la nuit.

AFP

Dernières news