De l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre à l’attaque dans la basilique de Nice deux semaines après, la récente succession d’attaques a rappelé que la vague jihadiste qui a frappé la France il y a cinq ans n’était pas totalement terminée, même si elle a changé de forme.
Ce retour en force de la menace, récemment relevée à son niveau d’alerte maximale, a plané sur les commémorations des attentats du 13-Novembre, dont le procès devrait débuter en septembre 2021 et durer six mois.
Accompagné notamment de la maire de Paris Anne Hidalgo, le Premier ministre Jean Castex s’est rendu dans la matinée au Bataclan, devant le Stade de France et sur des terrasses de café à Paris où des commandos téléguidés par le groupe Etat islamique (EI) avaient tué 130 personnes il y a cinq ans, semant l’effroi dans le pays.
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Autour de la salle de spectacle, encadrée par un important dispositif policier, les noms des victimes ont résonné dans les rues vidées par le confinement, où seuls quelques badauds étaient venus se recueillir.
« C’est ma manière de dire qu’on ne les oublie pas, toutes ces personnes qui sont parties et toutes celles qui ont des séquelles », souffle Martine Laupin, 72 ans, une habitante du quartier très émue.
Des responsables de partis ont eux aussi rendu leur propre hommage tandis que la Tour Eiffel est restée éteinte vendredi soir en mémoire des victimes.
« Contre nos valeurs »
Comme l’avait annoncé la veille Anne Hidalgo, le monument arborait un message d’hommage « à toutes les victimes du terrorisme », ainsi que la devise de Paris « Fluctuat Nec Mergitur ». Seuls des scintillements sont visibles quelques minutes, toutes les heures.
« Le 13 novembre 2015, nous avons découvert que cela n’arrivait pas qu’aux autres », a témoigné sur Facebook l’association créée en mémoire de Baptiste Chevreau, tué au Bataclan à l’âge de 24 ans. « Cinq ans après, que dire ? Dire que nous ne devons pas oublier, que le souvenir de ces horreurs doit aider à empêcher de nouveaux drames ? »
Dans un communiqué, le président élu des Etats-Unis Joe Biden a, lui, salué la mémoire des victimes d’une attaque « qui n’était pas seulement dirigée contre les habitants de Paris mais aussi contre notre humanité et nos valeurs ».
Le souvenir des attentats reste également vivace au sein de l’équipe d’Allemagne de foot, qui affrontait les Bleus au Stade de France le soir des attentats. « On repense toujours à un jour comme celui-là », a dit le sélectionneur Joachim Löw, évoquant une « terrible nuit ».
Aujourd’hui, les autorités craignent moins la résurgence de vastes attaques coordonnées que le passage à l’acte soudain d’individus radicalisés, encouragés par des groupes terroristes décimés mais encore actifs.
« Ils nous frappent encore, mais avec des individus fanatisés qui utilisent des couteaux pour susciter l’effroi. La guerre sur notre sol n’est donc pas achevée, mais beaucoup de batailles ont été gagnées depuis 2015 », a estimé l’ancien chef de l’Etat François Hollande dans le Parisien de vendredi.
« Traquer et entraver »
Cette mutation de la menace ne facilite pas la tâche des services de renseignement. « Il n’y a plus de profil-type du combattant terroriste, dont les antécédents judiciaires et le niveau d’imprégnation religieuse peuvent être très variables », a analysé dans le Figaro le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) Nicolas Lerner.
Son homologue du renseignement extérieur (DGSE) Bernard Emié a relevé que « la bête bouge encore ». « Nous devons poursuivre nos efforts pour identifier, traquer et entraver, là où ils se trouvent, les cadres expérimentés de l’organisation », a-t-il poursuivi dans le même Figaro.
Mis sous pression par ces nouvelles attaques, l’exécutif a récemment lancé une offensive contre l’islamisme politique et promis d’agir contre les étrangers radicalisés.
Selon le ministre de l’Intérieur, 48 d’entre eux ont été expulsés depuis juillet. « Il y a encore plus d’une centaine d’étrangers en situation irrégulière que nous soupçonnons de radicalisation », a déclaré sur franceinfo Gérald Darmanin.
Pressé à droite et à l’extrême-droite de prendre des lois d’exception, le gouvernement tente également de rassurer sur la prise en charge des détenus radicalisés. « Il n’y a pas un terroriste (…) condamné qui sortira sans une double surveillance », a affirmé le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti vendredi sur LCI.