Abstention record et déferlante verte pour le second tour des municipales en métropole

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Une abstention record et une vague verte inédites : le second tour des municipales dimanche s'est révélé hors normes, offrant également une confortable réélection à Edouard Philippe au Havre et la prise de Perpignan au Rassemblement national.

Publié le 28/06/2020 à 10:34 - Mise à jour le 28/06/2020 à 10:47

Une abstention record et une vague verte inédites : le second tour des municipales dimanche s'est révélé hors normes, offrant également une confortable réélection à Edouard Philippe au Havre et la prise de Perpignan au Rassemblement national.

Trois mois après un premier tour déjà bouleversé par la crise du coronavirus, ce second round a encore été marqué par un taux de participation en berne, entre 40% et 41% selon les estimations, contre 62,1% en 2014. Malgré des précautions sanitaires exceptionnelles (port du masque obligatoire dans les bureaux de vote, gel hydroalcoolique) et le reflux de l’épidémie, une large majorité des 16,5 millions d’électeurs appelés à voter dans 4 820 communes ont boudé les isoloirs.

Le 15 mars déjà, moins d’un électeur sur deux -44,3%, contre 63,5% en 2014- s’était déplacé pour voter au 1er tour. De quoi susciter la « préoccupation » d’Emmanuel Macron, pour qui cette abstention n’est « pas une très bonne nouvelle », selon l’Élysée.

Le chef de l’État a en revanche appelé son Premier ministre pour le féliciter de sa « belle victoire » au Havre, où M. Philippe, aux manettes depuis 2010, a obtenu près de 59% des voix. Les deux têtes de l’exécutif se verront « un petit moment en tête-à-tête » lundi. 

Fort de son succès, M. Philippe pourrait-il être conforté dans son poste  alors que se profile un important remaniement gouvernemental ?

Victoire facile de Philippe

Le président, devrait préciser, dans les jours qui viennent, son intention affichée de « se réinventer » pour les deux dernières années de son mandat. Et dès lundi matin, il  reçoit à l’Élysée les membres de la Convention citoyenne sur le climat.

De quoi rebondir sur la thématique écologiste, au lendemain d’un scrutin marqué par l’attendue percée verte.

Après un premier tour porteur d’espoir, EELV visait plusieurs grandes villes, dont Marseille, Lyon, Toulouse, Strasbourg ou Lille. Et la vague verte semble se muer en déferlante. 

À Strasbourg, l’écologiste Jeanne Barseghian l’emporterait, tout comme à Lyon Grégory Doucet, placé loin devant le candidat Yann Cucherat, poulain du maire sortant Gérard Collomb. 

À Bordeaux encore, une première tendance donnait le candidat vert Pierre Hurmic légèrement devant le maire LR sortant Nicolas Florian.

Dans la capitale nordiste en revanche, la maire sortante PS Martine Aubry a fini par l’emporter d’un cheveu face au candidat vert Stéphane Baly

D’autres grandes villes – Besançon, Tours Poitiers, Annecy… – sont d’ores et déjà tombées dans l’escarcelle des Verts, qui ont longtemps servi de force d’appoint mais s’affirment comme les premiers à gauche avant les prochaines échéances électorales.

Hidalgo en position de force

À la différence des autres grandes villes, l’incertitude était faible à Paris, où la sortante Anne Hidalgo (PS) a contenu au premier tour ses partenaires d’EELV en endossant elle-même un programme résolument écolo. Avec autour de 50% des voix selon des premières estimations, elle devance largement ses concurrentes LR Rachida Dati et LREM Agnès Buzyn.

Principal adversaire d’Emmanuel Macron au plan national, le Rassemblement national a remporté Perpignan, 120 000 habitants. En battant le maire LR sortant Jean-Marc Pujol avec 53,1 à 54% des voix selon les estimations, Louis Aliot redonne au parti de Marine Le Pen , qui a également remporté Bruay-la-Bussière (Pas-de-Calais) et Moissac (Tarn-et-Garonne) le contrôle de sa première ville de plus de 100 000 habitants depuis 1995 et Toulon.

« Ce n’est pas seulement d’ailleurs une victoire symbolique, c’est un vrai déclic, parce que nous allons aussi pouvoir démontrer que nous sommes capables de gérer de grandes collectivités », s’est réjouie Mme Le Pen.

Très affaiblis au plan national, le Parti socialiste et Les Républicains comptaient sur ces élections pour se refaire une santé localement. 

Le PS a donc conservé Paris, Lille, Le Mans et devrait garder les commandes de Rennes et Nantes. En prime, le PS a ravi Nancy, où Mathieu Klein l’emporte face au sortant radical Hénart, selon les estimations.

Les Républicains ont quant à eux confirmé leur implantation en remportant dès le premier tour bon nombre des villes de plus de 9 000 habitants qu’ils contrôlaient. Mais une défaite à Marseille, que la droite détient depuis 25 ans, ou à Toulouse, la quatrième ville de France, aurait une forte résonance politique.

À Marseille, deuxième ville de France, la gauche a créé la surprise en passant en tête le 1er tour avec la coalition du Printemps marseillais, talonnée par Martine Vassal (LR) qui est adoubée par le sortant Jean-Claude Gaudin. 

Parmi les premiers résultats, François Bayrou, patron du Modem, a été réélu à Pau. Un maigre réconfort pour la majorité alors que le scrutin a tourné au fiasco pour La République en marche.

Les conseillers municipaux, élus pour six ans, se réuniront ensuite du vendredi 3 au dimanche 5 juillet pour élire les maires et leurs adjoints.

Une abstention hors norme pour un scrutin qui l’était tout autant

C’était un peu la chronique d’une désillusion annoncée. Le 1er tour avait déjà été très mauvais sur le plan de la mobilisation électorale avec une abstention record de 55,4%. Selon les instituts de sondage, elle devrait encore grimper pour se situer à un niveau historique, entre 59% et 60%, soit environ 12 points de plus que pour le second tour de 2014.

Une déconvenue pour l’élection des maires alors que c’est la fonction politique qui demeure la plus appréciée des Français selon les enquêtes d’opinion. « Il fallait en finir avec les municipales (…) mais les électeurs n’ont pas été là », a résumé sur LCI le sondeur Jérôme Jaffré pour qui « c’est le processus électoral lui-même qui a été vicié » dès le départ avec un 1er tour qui n’avait pu être annulé à la veille du confinement.

« Le contexte de la crise sanitaire n’est toujours pas estompé pour les électeurs », a souligné le chercheur du Cevipof Bruno Cautrès sur franceinfo, pour qui « la crainte d’être contaminé dans les bureaux de vote« , malgré les mesures sanitaires adoptées, a été « l’un des principaux obstacles à la participation », comme au 1er tour.

Selon un sondage Sopra-steria pour France TV, Radio France, LCP et Public Sénat sur les motivations des électeurs, 43% des personnes interrogées citent le risque d’attraper le Covid-19 comme première raison de leur abstention. Mais la peur du virus n’est pas seule en cause dans ce désastre civique après une « campagne qui a été la plus longue de la Ve République et qui n’est jamais montée en puissance », selon Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l’Ifop, sur Cnews. 

« Il n’y a pas eu de campagne de second tour, pas de possibilités de meeting, pas de possibilités de porte-à-porte, pas de possibilités de contact physique entre les candidats et des électeurs », rappelle Jérôme Jaffré.

Avec un second tour décalé de plus de trois mois, « on a eu cette longue période très particulière où le soufflé est un peu retombé », souligne aussi Brice Teinturier, le directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos, sur France 2.

Mais il insiste aussi sur l’absence de « dynamique nationale » car « ce n’est pas une élection nationale contre le pouvoir où il s’agit de faire battre des maires sortants affiliés à un pouvoir qui serait impopulaire, comme on l’avait eu en 2014 ».

A contrario, dans certaines villes très disputées, mais pas toutes, l’abstention a reculé. « On voit aussi des mobilisations très fortes dans des villes où il y a de l’enjeu« , comme à Perpignan (52,8%), à Nancy (57,9%, contre 62,9% au premier tour) ou à Bastia (35,9%), insiste Brice Teinturier, qui rappelle que « la moyenne nationale recouvre des différences ».

Ce serait en outre une erreur de se focaliser uniquement sur le caractère conjoncturel de cette nouvelle poussée abstentionniste.

« À l’exception des européennes en mai 2019 où on avait vu un regain de participation, on voit s’inscrire progressivement une forme de démocratie de l’abstention en France« , élections après élections, avertit Bruno Cautrès. « La présidentielle motive toujours, mais les autres élections ont du mal à trouver la motivation des électeurs », ajoute-t-il.

Dans le sondage Sopra-steria, 38% des sondés disent ne pas avoir voté car ils pensent que les élections ne changeront rien à leur vie quotidienne, 27% parce qu’aucune liste ou candidat ne leur plaît.

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