La Dépêche de Tahiti : une expulsion au goût amer

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C’est une page qui se tourne pour le plus vieux journal du fenua. Prononcée par une décision de justice le 18 août dernier, l’expulsion des derniers occupants du bâtiment de la Dépêche ce matin laisse un goût amer aux salariés. Mais aussi à la co-actionnaire de la SCI Pont de la Fautaua et veuve du défunt Philippe Mazellier, fondateur du quotidien. Voilà plus de 6 ans que le locataire, Dominique Auroy, également PDG de la Dépêche de Tahiti, ne paye pas le loyer.

Publié le 13/09/2021 à 19:15 - Mise à jour le 14/09/2021 à 16:10

C’est une page qui se tourne pour le plus vieux journal du fenua. Prononcée par une décision de justice le 18 août dernier, l’expulsion des derniers occupants du bâtiment de la Dépêche ce matin laisse un goût amer aux salariés. Mais aussi à la co-actionnaire de la SCI Pont de la Fautaua et veuve du défunt Philippe Mazellier, fondateur du quotidien. Voilà plus de 6 ans que le locataire, Dominique Auroy, également PDG de la Dépêche de Tahiti, ne paye pas le loyer.

« Philippe s’en retournerait dans sa tombe » laisse échapper Victoria Mazellier. Veuve du défunt fondateur de la Dépêche de Tahiti, elle arpente, désabusée, les locaux du bâtiment défraîchi. « Qu’est-ce qu’on va faire de tout ce matériel ? On ne sait même pas s’il fonctionne… » S’impatiente la représente de la SCI Pont de la Fautaua, propriétaire du bâtiment. Voilà plus de 6 ans qu’elle attend le loyer de la société La Dépêche de Tahiti. Un montant qui s’élève aujourd’hui à plus de 57 millions de Fcfp.

Le versement des arriérés ? Elle n’y compte plus et n’attend plus rien du P-dg de la société locataire, Dominique Auroy, ni de son directeur, Michel Yonker. « Ça nous fait mal, on n’a plus rien que du dégoût. On laisse Dominique Auroy vivre sur le dos de gens comme nous, et on le laisse continuer à construire des entreprises », s’impatiente la propriétaire. « On n’a plus rien, j’ai fait des lettres, j’ai écrit au président du Pays, au ministre des Finances, aux impôts, je n’ai eu aucun retour, on s’est nous-mêmes endettés pour payer les impôts fonciers ».

Si finalement l’expulsion aura bien lieu aujourd’hui, la SCI Pont de la Fautaua représentée par Christophe Borderie et Victoria Mazellier, n’attend plus grand-chose du PGD de la société, ni de son directeur, si ce n’est de récupérer enfin les murs.

Les actes dressés par l’huissier faisant état de 900 millions d’autorisation de découvert confirment leurs craintes. « On ne s’attend pas à toucher de l’argent, la société vit sur la limite de son découvert autorisé. On récupère l’immeuble et c’est déjà une bonne chose », précise Christophe Borderie, mandaté par la SCI du Pont de la Fautaua. Après des années de batailles judiciaires, la SCI devra donc se contenter des murs de la structure. Du moins pour l’instant. Mais à condition de s’assurer du départ effectif de la société. Car la signification du jugement est intervenue le 3 septembre, laissant un délai de 8 jours aux derniers occupant pour quitter les lieux.

Deux jours après la date fatidique, le bâtiment n’est pas tout à fait vide. De quoi exaspérer les associés de la SCI. « Ça fait bientôt sept ans que j’attends et ils veulent encore me faire attendre ? » s’agace la propriétaire. Venu faire l’état des lieux et constater l’abandon du matériel, l’huissier Jean-Pierre Eli, a lui-même du mal à justifier les délais d’intervention : « On va voir ce qu’il est possible de faire ». Devant la pression de la SCI, l’expulsion aura finalement bien lieu aujourd’hui.  

Au premier étage, quelques salariés font encore les derniers allers-retours, la mine grise, les bras chargés de cartons. Imprimantes, claviers, écrans, tours d’ordinateurs et câblages gisent au sol dans ce qui était jadis le « service abonnements et dépositaires ». Entassé çà et là, on trouve du mobilier, des archives ou du bazar.  Mais c’est surtout la rotative qui inquiète les autorités, un tas de ferrailles qui n’a pas trouvé preneur depuis la liquidation de la société La Rotative de La Dépêche et la mise aux enchères de l’appareil en 2018. « Qu’est-ce que vous voulez qu’on en fasse ? tacle Christophe Borderie. On est comme Dominique Auroy, on n’est pas journaliste et je n’ai absolument pas besoin d’une rotative ».

Construit en 1964 pour accueillir la Dépêche, le bâtiment incarnait une institution de la presse. Un outil formidable soigneusement désossé en l’espace de six ans, par ses repreneurs en 2015. De nombreux journalistes regretteront l’open space qui a hébergé pendant plus de 40 la rédaction de la Dépêche de Tahiti.

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